Changer la classe pour changer l'école | Vincent FAILLET | TEDxAnnecy
Summary
TLDRLe transcript d'une conférrence met en lumière l'évolution de l'école et de sa pédagogie face à l'avènement numérique. L'orateur aborde la question de savoir pourquoi l'introduction de la technologie dans les salles de classe n'a pas apporté les changements escomptés en termes d'amélioration des résultats scolaires. Il partage ensuite son expérience personnelle en menant une classe mutuelle, où les élèves collaborent et partagent leurs connaissances, révélant ainsi l'importance de l'environnement de learning et de la méthode d'enseignement pour motiver les élèves et les aider à retrouver le plaisir d'apprendre.
Takeaways
- 🌐 L'école du futur est déjà en marche, avec une multiplication des ordinateurs, tablettes et tableaux numériques dans les classes.
- 📉 Malgré l'augmentation du numérique, les résultats scolaires des élèves français sont en déclin dans les matières telles que les mathématiques, la lecture et les sciences.
- 🤔 Une question cruciale est soulevée : pourquoi le numérique ne change-t-il pas l'école comme il change le monde?
- 🔄 L'auteur a réalisé des erreurs dans sa carrière passée en s'investissant pleinement dans le numérique sans réellement changer l'éducation.
- 🏫 La structure de la salle de classe est très figée et n'a guère évolué depuis des décennies, ce qui est étrange comparé aux changements technologiques rapides.
- 🎓 L'école actuelle néglige le plaisir d'apprendre et le corps de l'élève, ce qui est essentiel pour un apprentissage véritable.
- 👀 La pédagogie actuelle remonte à 1680, avec Jean-Baptiste de la Salle, qui a popularisé l'enseignement simultané dans des salles de classe conçues pour cela.
- 🔄 Il est temps de changer de pédagogie pour s'adapter aux temps modernes et aux nouvelles conditions de l'apprentissage.
- 📚 L'expérience de la 'classe mutuelle', où les élèves collaborent et s'engagent activement dans leur apprentissage, a été un succès.
- 📱 Les élèves ont utilisé les outils numériques (smartphones) pour améliorer leur apprentissage et leur collaboration dans la 'classe mutuelle'.
- 🎉 Le plaisir d'apprendre est retrouvé par les élèves lorsque l'on change la pédagogie et l'espace de la salle de classe.
Q & A
De quelle image de la classe du futur parle-t-on dans le script ?
-Dans le script, on parle de l'image de la classe du futur où le numérique est omniprésent, avec des élèves équipés d'ordinateurs, de tablettes et un enseignant utilisant un grand tableau numérique pour donner son cours.
Quels sont les changements observés en termes de présence numérique dans les collèges sur les dix dernières années ?
-Le nombre d'ordinateurs et de tablettes a été multiplié par deux et le nombre de tableaux numériques a été multiplié par dix.
Comment les résultats scolaires des collégiens français ont-ils évolué sur la même période de dix ans selon les chiffres PISA ?
-Selon les chiffres PISA, les résultats scolaires des collégiens français ont diminué tant en mathématiques qu'en lecture ou en sciences sur la période de dix ans considérée.
Qui est Sugata Mitra et quelle est la conclusion de sa conférence TED célèbre mentionnée dans le script ?
-Sugata Mitra est un chercheur et conferencier connu pour ses travaux sur l'éducation. Dans sa conférence TED célèbre, il a montré que des enfants munis d'un ordinateur avec une connexion internet haute débit pouvaient apprendre des choses extraordinaires par eux-mêmes.
Quelle est la question centrale abordée par l'orateur dans le script ?
-La question centrale abordée est : « Pourquoi le numérique ne change-t-il pas l'école comme il change le monde ? »
Quels sont les deux aspects que l'école a oubliés selon l'orateur ?
-L'école a oublié le plaisir d'apprendre et le corps de l'élève.
Quelle est l'explication historique donnée pour la forme actuelle de la salle de classe ?
-L'explication historique est que Jean-Baptiste de la Salle a popularisé l'enseignement simultané dans ses écoles en 1680, créant des salles de classe avec des chaises et des tables où les élèves étaient assis, immobiles et silencieux.
Quelle méthode d'enseignement l'orateur propose-t-il comme alternative ?
-L'orateur propose l'enseignement mutuel, une méthode d'enseignement utilisée au 19e siècle qui impliquait des élèves plus avancés ou plus âgés comme pivots de l'enseignement pour expliquer aux autres élèves.
Quels ont été les changements apportés à la salle de classe par les élèves sous la direction de l'orateur ?
-Les élèves ont redessiné la salle de classe avec des U pour favoriser la coopération et la collaboration, et ont utilisé les murs de la classe pour écrire et discuter, créant ainsi une classe mutuelle.
Comment le numérique est-il intégré à la pédagogie des élèves après les changements apportés à la salle de classe ?
-Une fois que la salle de classe et la pédagogie ont été modifiées, le numérique est sorti des cartables des élèves et a été utilisé pour prendre des photos des tableaux, regarder des vidéos, chercher des ressources et s'échanger dans la classe et sur leurs réseaux.
Quelle est la conclusion de l'orateur sur l'avenir de l'école ?
-L'orateur estime que si nous changeons la salle de classe et la pédagogie, l'école pourra s'inscrire dans son temps et les élèves redécouvriront le plaisir d'apprendre.
Outlines
🏫 L'école du futur et le numérique
Le paragraphe aborde le sujet de l'école du futur et l'impact du numérique sur l'éducation. Il est question de la prévalence de la technologie dans les salles de classe actuelles et de l'augmentation significative du nombre d'ordinateurs, de tablettes et de tableaux numériques dans les collèges. Néanmoins, malgré cette évolution, les résultats scolaires des élèves français semblent en déclin selon les données PISA. L'orateur se demande alors pourquoi le numérique ne transforme pas l'école de la même manière qu'il transforme le monde. Il partagé son expérience personnelle en tant que passionné de la technologie et explique comment il a réalisé qu'il s'était trompé dans ses approches précédentes. Il insiste sur la nécessité de comprendre le passé de l'école pour comprendre les défis actuels et propose une réflexion sur la nature figée de la salle de classe traditionnelle.
🤔 La pédagogie et l'oubli du plaisir d'apprendre
Dans ce paragraphe, l'orateur souligne que l'école actuelle a oublié deux éléments essentiels : le plaisir d'apprendre et le corps de l'élève. Il critique l'idée que l'école nie l'importance du corps et réduit l'élève à sa tête, ignorant ainsi son aspect physique. L'orateur explique que cette situation a une explication historique liée à l'enseignement simultané popularisé par Jean-Baptiste de la Salle en 1680. Il appelle à un changement de pédagogie pour s'adapter aux temps modernes et à la réalité de l'information numérique, soulignant que les élèves d'aujourd'hui n'ont pas les mêmes besoins et accès à l'information que ceux du 19ème siècle. L'orateur propose de repenser l'espace de la salle de classe pour encourager des attitudes et des comportements différents, en observant les réactions des auditeurs lors de leur entrée et en s'amenant sur scène.
📐 La transformation de la salle de classe
Le paragraphe présente une expérience de transformation de la salle de classe initiée par l'orateur avec ses élèves. Les élèves ont été invités à réfléchir à un nouveau mode de disposition pour leur salle de classe, ce qui a conduit à une organisation en U pour favoriser la coopération et la collaboration. L'orateur relate comment les élèves ont pris possession de l'espace et de l'actif de la classe, y compris le tableau, en utilisant des outils numériques comme les smartphones pour prendre des photos, regarder des vidéos et partager des ressources. Il insiste sur le fait que cette approche a permis aux élèves de retrouver le plaisir d'apprendre et d'être des participants actifs à leur propre éducation. La transformation de la salle de classe a également permis l'émergence du numérique dans le processus d'apprentissage, montrant que les outils numériques peuvent être utilisés de manière créative et interactive pour améliorer l'expérience d'apprentissage.
📚 Retour à l'enseignement mutuel
Dans ce dernier paragraphe, l'orateur revient sur l'histoire de l'enseignement en France et la rivalité entre l'enseignement mutuel et l'enseignement simultané. Il explique comment l'enseignement mutuel, où les élèves plus avancés ou les moniteurs jouaient un rôle central dans l'enseignement, a été abandonné en faveur de l'enseignement simultané de Jean-Baptiste de la Salle pour des raisons politiques et religieuses. L'orateur plaide en faveur du retour à une forme d'enseignement mutuel, estimant qu'elle est plus adaptée au monde actuel et plus respectueuse des intérêts et de la culture des élèves. Il suggère que modifier la pédagogie et l'espace de la salle de classe pourrait aider l'école à s'inscrire dans son temps et à redonner aux élèves le plaisir d'apprendre, qui est essentiel pour leur réussite et leur engagement.
Mindmap
Keywords
💡école du futur
💡numérique
💡PISA
💡Sugata Mitra
💡plaisir d'apprendre
💡corps de l'élève
💡Jean-Baptiste de la Salle
💡enseignement mutuel
💡collaboration
💡smartphone
Highlights
L'école du futur est déjà en marche, avec une multiplication des ordinateurs et tablettes dans les collèges.
Malgré l'augmentation du numérique, les résultats scolaires des collégiens français sont en baisse.
Sugata Mitra a montré que des enfants avec un ordinateur et une connexion internet peuvent apprendre des choses extraordinaires.
L'auteur a réalisé que le numérique ne change pas l'école comme il change le monde.
Les salles de classe sont restées figées depuis des décennies, avec peu d'évolution.
L'école a oublié le plaisir d'apprendre et le rôle important du corps de l'élève.
Jean-Baptiste de la Salle a popularisé l'enseignement simultané et la conception des salles de classe telles que nous les connaissons.
Il est nécessaire de changer la pédagogie pour s'adapter au monde numérique et aux besoins des élèves du 21e siècle.
L'auteur a Lancé un défi à ses élèves pour qu'ils réfléchissent à l'aménagement de leur salle de classe.
Les élèves ont créé un plan de la salle de classe en se basant sur l'expérience de leur propre espace.
Les élèves ont décidé d'aménager la salle de classe en U pour favoriser la coopération et la collaboration.
L'utilisation du tableau blanc a été transformée par les élèves qui ont voulu s'y expliquer mutuellement le cours.
L'enseignant a encouragé ses élèves à tracer des tableaux sur les murs de la salle de classe.
Le numérique est devenu un outil naturel pour les élèves une fois que la pédagogie et l'espace de la salle de classe ont été modifiés.
Les smartphones sont devenus un allié essentiel pour l'enseignant et la classe.
L'expérience de la 'classe mutuelle' a permis aux élèves de retrouver le plaisir d'apprendre.
L'enseignement mutuel, utilisé au 19e siècle, est une méthode plus adaptée au monde d'aujourd'hui.
Changer la salle de classe et la pédagogie pourrait inscrire l'école dans son temps et redonner aux élèves le désir d'apprendre.
Transcripts
Traducteur: eric vautier Relecteur: Claire Ghyselen
Vous allez bien ?
Public : Oui !
Ben, moi, ça ira mieux dans 18 minutes.
(Rires)
Enfin, j'espère.
Je vais vous parler de l'école aujourd'hui
et plus particulièrement de l'école du futur.
Si vous allez sur un moteur de recherche et que vous tapez « école du futur »,
vous tomberez immanquablement sur cette image.
C'est l'image d'une salle de classe où le numérique est omniprésent.
Les élèves ont des ordinateurs, des tablettes
et l'enseignant dispose d'un gigantesque tableau numérique
pour faire son cours.
Cette classe du futur, elle arrive à grands pas.
Si on regarde les chiffres : dans les collèges,
le nombre d'ordinateurs et de tablettes a été multiplié par deux
sur les dix dernières années.
Le nombre de tableaux numériques, quant à lui, a été multiplié par dix.
Or si on regarde les chiffres PISA - vous connaissez PISA ?
le programme qui évalue les performances des systèmes éducatifs -
sur cette même période de dix ans, on se rend compte
que les résultats scolaires des collégiens français sont en baisse,
tant en mathématiques qu'en lecture ou en sciences.
Pourtant le numérique change le monde, n'est-ce pas ?
La communication, la santé, l'information, l'entreprise, l'industrie,
la vie de tous les jours.
Pourtant je crois bien me souvenir que Sugata Mitra a fait une conférence TED
qui est devenue célèbre, dans laquelle il a montré avec brio
qu'il suffisait de donner un ordinateur avec une connexion internet haut débit
à des enfants livrés à eux-mêmes
pour qu'ils apprennent des choses extraordinaires.
Alors, je pose une question :
« Pourquoi le numérique ne change-t-il pas l'école comme il change le monde ? »
Pour répondre à cette question, je vais vous faire une confidence.
Quand j'ai commencé ma carrière,
je me suis jeté à corps perdu dans le numérique.
J'ai exploré le numérique, j'ai vendu du numérique,
j'ai fait du numérique.
Eh bien, aujourd'hui, je peux vous dire en toute humilité
que j'ai fait fausse route.
Je me suis trompé et je vais vous expliquer pourquoi.
Et pour comprendre pourquoi, il va falloir que l'on visite le passé de l'école.
Voilà une photo qui a été prise en 2013.
C'est une classe qui utilise des tablettes numériques.
Il pourrait être intéressant de la mettre en relation avec une photo plus ancienne,
une photo que tout le monde connaît
qui a été prise par Doisneau en 1956.
Il y a 50 ans d'écart entre ces deux photos.
C'est étrange, vous ne trouvez pas ?
On a l'impression qu'on a subtilisé les ardoises des élèves de 1956
pour les remplacer par des tablettes de 2013.
Et que l'on a fait cela sans rien changer à la salle de classe.
La salle de classe est un concept extraordinairement figé.
Regardez : nous sommes en France en 1960.
Je vais mettre cette photo en perspective avec une photo actuelle du Japon.
Vous allez me dire que la photo du Japon fait plus moderne
parce qu'elle est en couleurs.
Donc j'ai tout prévu. Voilà !
(Rires)
C'est la même salle de classe, il y a 50 ans d'écart entre ces deux photos.
C'est la même salle de classe.
Les élèves qui sont en rangées, assis, immobiles et silencieux
Et vous pouvez chercher - pas maintenant, mais tout à l'heure -
« salle de classe » et vous verrez toujours
des élèves assis, immobiles et silencieux - partout.
Et quand je dis partout, c'est vraiment partout.
(Rires)
Même à Poudlard.
Qui peut dire que J. K. Rowling est quelqu'un qui n'a pas d'imagination ?
Elle n'a pas assez d'imagination pour imaginer la salle de classe différemment.
La réalité, c'est que nous manquons totalement d'imagination
lorsqu'il s'agit de s'intéresser à l'éducation de nos enfants.
La réalité, c'est qu'aujourd'hui, nos salles de classe, nos écoles,
sont des lieux d'enfermement où les élèves doivent rester
assis, immobiles et silencieux des heures durant.
Ce n'est pas vrai ?
Alors, je commence à comprendre pourquoi mes enfants,
à la rentrée scolaire,
avaient la boule au ventre ou la larme à l'œil.
Il est évident qu'aller travailler dans ces conditions ne donne envie à personne.
Mais notre école a oublié deux choses connexes à ce que je viens de vous dire.
Premièrement, c'est le plaisir d'apprendre.
On a complètement oublié le plaisir d'apprendre.
Deuxièmement, c'est le corps de l'élève.
On a beaucoup parlé du corps aujourd'hui.
L'école aujourd'hui, elle nie complètement le corps de l'élève.
Vous savez ce que c'est le corps de l'élève dans le système éducatif ?
C'est ce qui sert à transporter la tête de la maison à l'école,
et de l'école à la maison.
C'est tout.
C'est un peu comme si le corps rentrait en classe,
posait la tête sur la table
et disparaissait jusqu'à ce que la sonnerie retentisse.
Mais l'élève n'est pas qu'une tête -
même si j'ai connu quelques tronches dans ma carrière -
mais il a aussi un corps.
On ne peut plus continuer à nier complètement le corps de l'élève.
Il y a une explication historique à tout cela.
Et pour ce faire, il faut remonter en 1680.
Ça date un peu quand même.
1680, nous avons Jean-Baptiste de la Salle qui popularise dans ses écoles
l'enseignement simultané.
C'est-à-dire qu'il dit : « A partir de maintenant, il y aura un enseignant -
1680 -
un enseignant, unique détenteur des savoirs,
et cet enseignant va dispenser un même cours
à un ensemble d'élèves de même âge rassemblés dans un même lieu. »
Et pour cela -
et uniquement pour cela -
il a créé des salles avec des chaises, des tables,
et les élèves sont assis, immobiles et silencieux.
Un peu comme vous là maintenant.
Parce que c'est moi qui parle et que c'est super intéressant.
(Rires)
Attention, madame.
(Rires)
Ne perturbez pas mon TEDx.
(Rires)
Mon idée, c'est qu'aujourd'hui, il est grand temps de changer de pédagogie.
Les temps ont changé, le numérique bouleverse le monde,
les élèves du 21e siècle n'ont pas du tout
le même accès à l'information que les élèves du 19e siècle.
Michel Serres nous dit même qu'ils n'ont plus la même tête.
Mais pour changer la pédagogie, il faut changer la salle de classe
parce que la salle de classe a été conçue pour l'enseignement simultané,
parce que les lieux dans lesquels nous nous trouvons conditionnent nos attitudes.
Je vous ai observés quand vous êtes rentrés ; qu'est-ce que vous avez fait ?
Vous vous êtes assis sur les fauteuils.
Pas un de vous n'a dit :
« Viens, on va sur scène,
on va se mettre à côté du rond rouge,
on va aller voir le speaker de plus près. »
Non ! Vous vous êtes assis, sagement, comme vous l'auriez fait à l'école.
Les bons élèves devant.
(Rires)
Les bons élèves qui ont peur des postillons du speaker au 2e rang.
(Rires)
Et puis, il y a vous là-bas, au fond, à côté du radiateur.
Remarquez, ce sont eux les plus intelligents
parce que, quitte à rester assis, immobile, pendant des heures,
je pense qu'il vaut mieux être à côté du radiateur, vous ne pensez pas ?
Comme à l'école.
D'ailleurs, d'être ici devant vous,
ça me rappelle mon premier jour de classe.
Je suis entré,
j'ai fait entrer les élèves, ils se sont installés comme vous, d'abord au fond,
et puis après, progressivement devant parce qu'il n'y avait plus de places.
Puis j'ai dit : « Bonjour. »
Là, personne n'a répondu.
J'ai dit : « Vous allez bien ? »
Là, je crois qu'une élève au 1er rang a vaguement hoché la tête,
ce que j'ai interprété comme étant un oui.
Ce à quoi j'ai répondu : « Moi, ça ira mieux dans 40 ans. »
(Rires)
Non.
J'adore mon métier, j'adore mon métier.
En revanche, je me suis un petit peu lassé, vous voyez.
Ça fait 15 ans que je fais des TEDx, devant mes élèves,
tous les jours.
Donc au bout d'un moment, j'en ai eu un peu assez.
Et j’ai challengé mes élèves.
Je leur ai dit : « Voilà,
je vous pose un exercice.
Je vais vous demander -
des élèves de terminale -
de réfléchir à ce que doit être l'aménagement de la salle de classe. »
Et je suis parti.
En quittant la salle, j'ai pensé :
« La semaine prochaine, ils auront oublié. »
La semaine suivante, ils n'avaient pas oublié, c'est moi qui avais oublié.
Eux, ils sont arrivés avec un plan, un plan de la salle de classe.
Malheureusement, les élèves ne sont pas des architectes,
(Rires)
le plan n'était pas à l'échelle,
(Rires)
donc on n'a pas pu le mettre en œuvre.
Les choses auraient pu en rester là.
Qu'ont-ils fait ?
Ils ont pris la règle jaune - tout le monde la connaît,
tout le monde l'a connue,
elle est dans les classes depuis la IIIe république.
Elle y est encore.
Eh bien, ils ont mesuré les tables, les chaises et la salle de classe,
et ils ont fait un autre plan, cette fois-ci à l'échelle.
Des petits carrés représentaient les tables,
et les tables, on les agençait à l'envi.
Du coup, mes élèves ont décidé que, dorénavant, la salle de classe sera ça.
Et ça a été ça.
On a fait des U car les élèves ont dit : « On a envie de coopérer, de collaborer. »
Alors bien évidemment,
s'il y a des enseignants ce soir, rien d'exceptionnel à mettre des tables en U,
ce n'est pas avec ça que je vais avoir le prix Nobel de pédagogie.
(Rires)
D'ailleurs, il n'y en a pas.
(Rires)
De toute façon, il ne pouvait pas y en avoir ; j'imagine mal le jeune Alfred,
qui plus tard allait inventer la dynamite,
être du genre à être assis, calme, immobile et silencieux.
Non, ce qui était exceptionnel,
c'est que c'était la première fois, dans la vie de ces élèves,
qu'un enseignant leur disait :
« Allez-y, réfléchissez à l'espace dans lequel vous allez évoluer. »
Et ça, ça les a intéressés.
Et donc du coup, ils se sont investis.
Ils ont commencé à collaborer,
plus ça allait, moins je parlais,
et moins je parlais, plus ils travaillaient.
Les choses auraient pu en rester là.
Puis un jour,
un groupe d'élèves vient me voir pour me dire :
« Monsieur, on aimerait se déplacer. »
Je dis : « Se déplacer ? Vous voulez aller où ?
- On voudrait juste utiliser Votre tableau. »
Avec un « v » majuscule.
J’ai dit : « Allez-y, utilisez mon tableau. »
Et donc les élèves sont allés au tableau,
et ils ont commencé à s'expliquer le cours au tableau.
Alors au début un groupe, puis deux groupes,
puis après, tout le monde voulait aller au tableau.
C'est assez étonnant comme les élèves aiment aller au tableau,
quand ce n'est pas l'enseignant qui leur demande.
(Rires)
Très rapidement, c'était vraiment l'objet de convoitise de cette salle de classe.
On était bloqués, donc j'ai fait quelque chose d'un peu fou.
J'ai dit :
« Prenez la règle jaune et l’équerre -
on a l’équerre aussi -
(Rires)
et vous allez tracer, sur les murs de la salle de classe, des tableaux. »
Moment de flottement,
puis très vite, le côté transgressif
a fait qu'ils ont tracé des tableaux sur les murs.
Et on a commencé à écrire sur les murs.
(Rires)
Le chef d’établissement a été un peu surpris.
(Rires)
Et très rapidement, il a sorti la Carte Bleue,
et la salle de classe est devenue comme ceci,
et mon cours est devenu comme cela.
Et là, je me suis dit :
« Bien voilà, mais c'est pour ça que je fais ce métier.
C'est pour ça, c'est pour voir des élèves qui bougent leur corps, leur esprit,
des élèves qui vont discuter, collaborer, argumenter les uns avec les autres,
des élèves vivants. »
Qu’ont-ils fait, ces élèves ?
Ils ont retrouvé une chose essentielle que je citais tout à l'heure :
c'est le plaisir d'apprendre, bien évidemment.
« Alors le numérique ? » me direz-vous ?
J'ai complètement oublié le numérique.
Je m'étais tellement focalisé sur l'espace et sur la pédagogie,
que j'ai complètement oublié le numérique.
Mais une fois que la salle de classe était modifiée,
une fois que la pédagogie était modifiée,
le numérique est sorti,
comme le loup sort du bois,
sans crier gare.
Et il est sorti des cartables des élèves :
leurs smartphones, bien évidemment.
Leurs smartphones leur ont servi à prendre en photo les tableaux,
à regarder des vidéos,
à chercher des ressources qu'ils s'échangeaient
dans la classe, sur leurs réseaux.
Le smartphone est un allié essentiel pour l'enseignant.
Faites un test, un jour :
vous entrez dans une classe de 30 élèves
et demandez de lever la main, celui qui a oublié, sa règle, sa trousse, son sac,
ou alors son blouson, son cahier, son classeur, sa tête.
Vous aurez toujours une main levée.
Demandez à une classe qui a oublié son smartphone.
C'est impossible.
Règle numéro 1 :
un élève n'oublie jamais son smartphone.
(Rires)
L'élève, il arrive devant le lycée, il n’a pas son smartphone, il rentre en courant,
(Rires)
et il bat le record du 100 mètres au passage.
(Rires)
Je n’ai jamais vu faire ça pour un livre.
(Rires)
Allié numéro 1.
Alors non, je n'aurai pas le prix Nobel de pédagogie,
parce que pour être honnête, je n'ai rien inventé,
nous n'avons rien inventé.
Nous n'avons fait que remettre au goût du jour une pédagogie, qui est très ancienne,
qui s'appelle l'enseignement mutuel.
L'enseignement mutuel
était une méthode d'enseignement, qui a été très utilisée au 19e siècle,
et qui consistait à faire des élèves les plus âgés,
ou les plus avancés dans les apprentissages,
des pivots de l'enseignement.
Ce sont ces élèves-là - les moniteurs -
qui allaient expliquer aux élèves plus jeunes ou moins avancés.
Les lieux étaient différents, la salle était différente,
les élèves pouvaient circuler ou aller sur des tableaux pour s'expliquer le cours.
C'est pour ça que j'ai appelé ça
l'expérience de la « classe mutuelle ».
Il faut savoir qu'il y a eu une guerre scolaire terrible
en France au 19e siècle
entre l'enseignement mutuel
et l'enseignement simultané de Jean-Baptiste de la Salle.
Il faut savoir
que les politiques de l'école ont choisi
l'enseignement simultané.
Pas parce que l’on apprenait mieux :
on savait qu’on apprenait 2 fois plus vite par l'enseignement mutuel.
Non, ce sont des raisons politiques et religieuses
qui ont fait que l'école est devenue ce qu'elle est.
Et si aujourd'hui vous êtes assis, immobiles et silencieux,
c'est parce que nous sommes souchés sur des racines chrétiennes.
Et aujourd'hui, on va à l'école comme on va à la messe.
Ça, c'est la réalité.
Alors,
nous avons ici deux méthodes d'enseignement.
Très honnêtement, ce n'est pas l'âge d'une méthode qui fait sa pertinence,
son actualité ou sa désuétude.
Non, ce qui compte,
c'est que cette méthode d’enseignement
soit en adéquation avec le monde dans lequel elle est.
Et, je le reconnais volontiers,
la méthode d'enseignement simultané de Jean-Baptiste de la Salle
était en adéquation avec le monde tel qu'il était au 19e siècle.
C'est-à-dire un monde où l'information était rare,
où la parole était portée par le maître, seul et unique détenteur des savoirs.
Nous sommes en 2018,
les choses ont changé.
Et je reste aujourd'hui persuadé
que l'enseignement mutuel, selon moi,
est une méthode beaucoup plus proche du monde tel qu'il est aujourd'hui,
beaucoup plus proche de ce qu'est l'intérêt des élèves,
de ce qu'est leur culture.
Alors,
si nous changeons la salle de classe,
nous changerons la pédagogie.
Si nous changeons la pédagogie,
alors peut-être que l'école s'inscrira, enfin, dans son temps.
Je vous assure que, rapidement, les élèves retrouveront la chose la plus importante :
le plaisir d’apprendre.
Je vous remercie.
(Applaudissements)
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