Peut-on tout traduire ? | Les idées larges | ARTE
Summary
TLDRLe philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne aborde dans ce script l'importance de la traduction dans la construction de l'universalité et la réciprocité entre les langues. Il critique la domination de l'anglais et explore comment la traduction peut être à la fois acte de trahison et de création, permettant aux langues de s'embrasser et de s'hybrider. L'exemple des auteurs africains qui ont transformé le français en une langue africaine est évoqué pour illustrer comment la traduction peut transcender les frontières linguistiques et culturelles.
Takeaways
- 🌐 Le mythe de Babel illustre comment la diversité des langues a été perçue comme une punition pour l'orgueil humain, et a créé des barrières à la communication.
- 🎓 Suleiman Bachir Dian, philosophe sénégalais, aborde dans son livre 'De langue à langue' les enjeux politiques et philosophiques de la traduction.
- 🚫 Bachir Dian rejette l'idée que certains termes ou textes soient intrinsèquement non traduisibles par quiconque.
- 🔄 La traduction n'est pas un acte technique neutre; elle reflète les rapports d'inégalité entre les langues, souvent liés à la domination économique.
- 🏦 L'anglais est la langue la plus traduite et la plus souvent source de traduction, reflétant sa domination sur le marché de la traduction.
- 🗣️ La diglossie, ou parler deux langues inégales, est souvent le résultat de la colonisation, où une langue porte le prestige de l'école et de la réussite.
- 🌟 La traduction peut être une ascension de valeur pour les textes écrits dans des langues périphériques et traduits dans des langues centrales.
- 🌱 L'appropriation de la langue de l'autre par les auteurs africains a transformé le français en une langue africaine, enrichissant ainsi la langue de l'ancien colonisateur.
- 💬 L'intraduisible est ce qu'on s'attache à traduire sans cesse, symbolisant la différence et la complexité entre les langues.
- 🌏 La traduction est vue comme une réponse à la ' malédiction de Babel', permettant la communication et la compréhension entre les différentes langues et cultures du monde.
- 🤝 L'idée d'universel pluriel est promue par la traduction, qui accepte et célèbre la diversité des langues et des visions du monde.
Q & A
Quel est le lien entre la tour de Babel et la diversité des langues selon le récit biblique?
-Dans le récit biblique, les premiers êtres humains parlaient une seule langue, l'adamique. Ils construisaient une tour géante pour atteindre le ciel, mais Dieu, en punition de leur vanité, a détruit la tour et a instauré la multiplicité des langues pour sème la confusion entre eux, ce qui a été nommé Babel en hébreu.
Quel est le rôle de la traduction selon Suleiman Bachir Dian?
-Suleiman Bachir Dian est un philosophe sénégalais qui enseigne à l'université Columbia à New York. Il explore les enjeux politiques et philosophiques de la traduction dans son dernier livre. Il rejette l'idée que certains termes ou textes ne seraient pas traduisibles et soutient que la traduction peut être un acte de réciprocité et de construction de l'universel plutôt que de domination.
Comment la traduction reflète-t-elle les rapports d'inégalité entre les langues?
-La traduction reflète les rapports d'inégalité entre les langues en montrant que certaines langues sont dominées par d'autres, comme le montre la prédominance de l'anglais dans les traductions. Cela reflète souvent une domination économique et culturelle, où les langues 'centrales' sont privilégiées par rapport aux langues 'périphériques'.
Que signifie le terme 'diglossie' et comment est-il lié à la domination coloniale?
-Le terme 'diglossie' fait référence à la pratique de parler deux langues, mais contrairement au bilinguisme, l'une des langues est perçue comme inférieure, souvent parce qu'elle a été imposée par la colonisation. Cette situation crée une hiérarchie entre les langues, reflétant la domination coloniale et l'inégalité de prestige.
Quelle est la critique de Pascal Casanova sur la traduction?
-Pascal Casanova critique la diglossie comme étant un signe de domination et de violence coloniale, où une langue porte le prestige de la reconnaissance et de la réussite scolaire, tandis que l'autre langue, souvent la langue familiale, est reléguée au second plan.
Comment la traduction peut-elle être perçue comme un acte de trahison ou d'appropriation?
-La traduction peut être vue comme un acte de trahison ou d'appropriation car elle implique souvent de transposer des textes d'une langue 'périphérique' vers une langue 'centrale', ce qui peut être interprété comme une ascension et un gain de valeur, mais aussi comme une forme de domination linguistique.
Quel exemple historique est donné par Suleiman Bachir Dian pour illustrer la domination dans la traduction?
-Suleiman Bachir Dian cite l'exemple de la première traduction du Coran en latin au siècle, effectuée par Pierre le Vénérable dans un but de démonstration de la supériorité de la chrétienté et de la dénonciation de l'islam, montrant comment la traduction a été utilisée comme outil de domination.
Comment la traduction peut-elle construire de la réciprocité et transformer une langue?
-La traduction peut construire de la réciprocité en investissant la langue de l'autre avec son propre imaginaire, comme le montrent les auteurs africains qui ont traduit leurs mythes et contes dans la langue française, non pas en imitant, mais en transformant cette langue et en lui donnant une nouvelle forme, créant ainsi une hybridation.
Quelle est la signification de l'intraduisible dans le contexte de la traduction?
-L'intraduisible n'est pas nécessairement ce qui ne peut pas être traduit, mais plutôt ce qui est difficile à traduire et qui reflète les différences fondamentales entre les langues. C'est ce à quoi les traducteurs s'attachent, ce qu'ils essaient constamment de traduire, soulignant la complexité de la traduction.
Comment la traduction est-elle vue comme une réponse à la malédiction de Babel?
-La traduction est considérée comme une réponse à la malédiction de Babel car elle permet aux langues différentes de se rencontrer et d'interagir, surmontant ainsi la fragmentation imposée par la diversité des langues. Elle contribue à reconstituer l'humanité en tant qu'entité unique malgré la diversité des langues.
Outlines
🌐 La tour de Babel et la diversité des langues
Le paragraphe 1 aborde l'histoire biblique de la tour de Babel, où l'humanité parlait une seule langue, l'adamique, avant que Dieu ne punisse l'orgueil humain en créant une multitude de langues pour les diviser. Ce récit sert d'introduction à la discussion sur les enjeux politiques et philosophiques de la traduction, avec l'exemple du philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne. Ce dernier enseigne à l'université Columbia et réfute l'idée que certains termes ou textes soient intrinsèquement non traduisibles. Il soutient que la traduction est un acte qui peut refléter les rapports d'inégalité entre les langues et être un moyen d'appropriation ou de trahison. Le paragraphe souligne également l'inégalité linguistique dans le monde d'aujourd'hui, où l'anglais domine en tant que langue de traduction et de communication internationale.
🌏 La traduction comme construction de la réciprocité
Le paragraphe 2 explore comment la traduction peut être utilisée pour construire de la réciprocité et non seulement comme un acte d'appropriation culturelle. Souleymane Bachir Diagne se concentre sur les traductions de contes et légendes africains en français, montrant comment les auteurs africains ont réussi à 'habiller' la langue française de leur propre imaginaire et culture. Il suggère que ces auteurs n'ont pas seulement payé tribut à la langue coloniale, mais l'ont aussi transformée et enrichie, contribuant ainsi à la création d'une langue française africaine. Le paragraphe évoque également la diglossie, où deux langues coexistent inégalement en raison de l'impact colonial, et la hiérarchie entre les langues en fonction de leur proximité au pouvoir.
📚 L'intraduisible et la complexité de la traduction
Le paragraphe 3 traite de l'idée d'intraduisible dans la traduction, soulignant que ce concept n'est pas quelque chose qui ne peut pas être traduit, mais plutôt quelque chose que l'on continue d'essayer de traduire. Il mentionne des termes spécifiques qui sont difficiles à traduire d'une langue à une autre, comme 'Ubuntu' en wolof, qui pose des défis car il encapsule des notions de humanité et de compassion qui ne se traduisent pas directement en français. Le paragraphe discute également de la notion de traduction comme un acte à la fois impossible et sublime, car il nécessite de surmonter des différences fondamentales entre les langues tout en essayant de conserver la signification et l'esprit du texte d'origine.
🌱 La traduction comme réponse à la malédiction de Babel
Le paragraphe 4 réfléchit sur la traduction comme une réponse à la dispersion des langues décrite dans la tour de Babel. Il suggère que la capacité de traduire est une manière pour l'humanité de reconstruire son unité malgré la diversité des langues et des cultures. Le paragraphe mentionne également l'idée d'une 'langue adamique', une langue pure et universelle qui serait au fondement de la signification humaine et qui serait touchée par le traducteur dans son travail. L'auteur cite Walter Benjamin, qui théorise la traduction comme une pratique qui peut révéler cette langue adamique et ainsi contribuer à une compréhension universelle plus profonde.
🌟 La traduction et la préservation de la pluralité
Le paragraphe 5 conclut en soulignant l'importance de la traduction pour préserver la pluralité des langues et des cultures. Il critique l'idée que seul un traducteur qui partage l'identité de l'auteur original pourrait traduire son travail, affirmant que la traduction est un acte qui se situe entre différentes visions du monde et crée un pont entre elles. Le paragraphe soutient que tout peut être traduit, car cela permet non seulement de conserver la diversité linguistique mais aussi de favoriser des rencontres et des échanges culturels. Il met en avant l'idée que la traduction est un acte créatif et essentiel pour la compréhension mutuelle et la construction d'un universel plus inclusif.
Mindmap
Keywords
💡Traduction
💡Langue adamique
💡Domination linguistique
💡Intraduisible
💡Diglossie
💡Langue maternelle
💡Hybridation
💡Langue des langues
💡Malédiction de Babel
💡Langue universelle
Highlights
La tour de Babel est un symbole de la diversité linguistique et de la confusion qui en découle.
Suleiman Bachir Dian, philosophe sénégalais, aborde les enjeux de la traduction dans son livre 'De langue à langue'.
La traduction n'est pas un acte neutre mais reflète les rapports d'inégalité entre les langues.
L'anglais est la langue la plus traduite et la plus utilisée pour traduire d'autres langues, marquant sa domination.
La 'diglossie' décrite par Pascal Casanova est le fait de parler deux langues inégales, souvent due à la colonisation.
La traduction peut être perçue comme une ascension en valeur lorsque de langues périphériques vers une langue centrale.
La première traduction du Coran en latin était une traduction violente visant à dénigrer l'Islam.
La traduction peut construire de la réciprocité et transformer la langue d'arrivée, comme le français en Afrique.
Les auteurs africains ont 'inséminé' la langue française, créant une forme d'hybridation.
La traduction est une réponse à la ' malédiction de Babel', permettant la communication entre différentes langues et cultures.
Walter Benjamin théorise la traduction comme un contact avec une 'langue adamique', une langue pure de l'humanité.
La traduction est à la fois impossible et sublime, selon Paul Ricker, car elle doit surmonter des différences grammaticales radicales.
La traduction n'est pas liée à l'identité du traducteur mais à sa capacité à établir un pont entre visions du monde différentes.
Le polémique autour de la traduction d'Amanda Gorman en néerlandais soulève des questions sur l'identité et la traduction.
La traduction préserve la pluralité des langues et permet des rencontres culturelles sans imposer une langue dominante.
Transcripts
dans le récit biblique de Babel les
premiers êtres humains parlai une seule
langue la langue adamique celle d'Adam
et
mais ils ont fait preuve de vanité en
construisant une tour géante qui
atteignait le
ciel en guise de punition Dieu a détruit
la tour et surtout il a instauré la
multiplicité des langues afin de semer
la confusion entre eux confusion qui se
dit Babel en
hébreu
depuis pour se comprendre il faut
[Musique]
[Musique]
traduireiman Bachir Dian est un
philosophe sénégalais qui enseigne à
l'université Colombia à New York et qui
maîtrise se langu don de morte dans son
dernier livre de langue à langue il
explore les enjeux politiques et
philosophiques que charie la traduction
il rejette l'idée que certains termes ou
certains textes ne seraient pas
traduisibles ou pas traduisible par
n'importe qui et il s'appuie sur
l'expérience de la traduction pour
penser concrètement l'universel comment
la traduction reflète-elle les rapports
d'inégalité qui existent entre les
langues peut-elle être un acte de
trahison ou d'appropriation peut-on tout
[Musique]
traduire la traduction est loin d'être
un geste technique neutre d'abord parce
qu'il existe des rapports de domination
entre les langues et ça ça se voit tout
de suite sur le marché de la traduction
quand on fait la sociologie de la
traduction c'est là qu'on voit dans
toute son ampleur euh l'inégalité
profonde entre les langues si je pose la
question de savoir dans quelle langue on
traduit le plus la réponse est immédiate
vous dites tout de suite
l'anglo-américain et vous aurez raison
de la même manière à partir de quelle
langue traduit-on le plus ça va être
encore l'Anglo l'angloaméricain donc la
la la demi domination euh linguistique
qui souvent est le reflet aussi de la
domination économique est une est une
réalité de la même manière que le le
dollar et la la notre monnaie
universelle l'anglais et notre langue
universelle ce qui fait d'ailleurs que
beaucoup disent que qu'il ne s'agit même
plus de l'anglais mais de ce qu'on
appelle le globich une espèce de de
langue approximative qui est une langue
de rencontre qui est faite beaucoup plus
pour échanger pour communiquer que pour
véritablement penser ou traduire vous
citez la critique littéraire Pascal
Casanova qui parle de diglossie
qu'est-ce que ça veut dire ça alors la
diglossie c'est le fait justement de
parler deux langues mais à la différence
de la du bilinguisme le bilinguisme
c'est une relation disons heureuse à
deux langues la diglussi le terme même
indique précisément qu'une des langues
une des deux langues que l'on parle est
une langue que l'on parle parce qu'on
est bien obligé parce qu'elle est venue
dans les bagages de la colonisation et
donc on se retrouve avec deux langues
qui sont des langues inégales par
définition parce que l'une porte tout le
prestige de la reconnaissance puisque
c'est l'école et donc tout le prestige
de l'école et de la réussite scolaire
rejaillit sur une langue tandis que
l'autre qui est la langue familiale et
un petit peu relégué au au au second
plan ce que dit Pascal Casanova dans son
livre c'est précisément que la digulussi
est le signe d'une d'une domination et
d'une violence coloniale pierre bieu
avait parlé dans les années 70 de cette
hiérarchie sociale qui s'opère entre les
langues en fonction de leur proximité au
pouvoir ou des profils symboliques que
l'on peut en tirer et comment chaque
époque a eu une langue dominante c'était
le français au début du 19e siècle et
aujourd'hui c'est l'Anglais non mais je
demande si un jour il y aura un écriv
africain qui ne qui sera couronné pour
ces livres mais qui ne sont écrits ni en
langue anglaise ni en langue française
dans les pas de Bourdieu Pascale
casonova a analysé le champ de la
traduction et elle a montré que
lorsqu'un texte écrit dans une langue
considérée comme périphérique et traduit
dans une langue considérée comme
centrale c'est perçu comme une ascension
un gain de valeur dans son livre
Suleiman Bachir Dian donne encore un
autre exemple plus ancien et plus
extrême de la manière dont la traduction
peut participer d'un rapport de
domination celui de la première
traduction en latin du Coran au siècle
comme vous le savez moi j'ai une vision
assez optimiste de de de la traduction
et du rôle qui est celui de la
traduction mais en même temps il faut
bien se rendre compte que la traduction
a souvent été utilisée précisément de
manière violente pour essayer de de de
de rapétisser d'humilier quelqu'un
d'autre et la première traduction du
Coran dans une langue européenne qui
était le latin a a été une traduction
faite dans cet esprit-là une traduction
menée par Pierre le Vénérable évidemment
ecclésiastique de son état voulant
manifester sa détestation de l'islam s
dit écoutez je vais vous traduire leur
texte et vous verrez bien combien ces
gens sont fanatiques suivent un culte
qui un culte qui une religion qui n'est
pas une religion mais un culte et en
quoi ce culte est
[Musique]
démoniaque
Souleiman Bachir Dian est donc au fait
de la hiérarchie qui peut s'imposer
entre les langues mais ce qui
l'intéresse surtout c'est de saisir
comment la traduction peut aussi
construire de la réciprocité et il se
penche notamment sur le cas de la
traduction en français des comptes
euroafricains une manière de de de voir
cela sit de dire voilà nous avons réussi
à imposer la langue coloniale française
à ces populations et regardez ces
populations sont en train de traduire
leur propres imaginaire leur propres
mythes et contes et légendes dans notre
langue donc c'est comme si euh les
auteurs de ces traductions de ses
transcriptions et de ses traductions de
la littérature orale en langue française
rendent les armes en gros et venait
payer tribut à la langue
prestigieuse dans laquelle désormais ils
avaient réussi à traduire leur propre
culture mais si on regarde dans le
détail ce qu'ils ont fait si on lit les
textes et si on s'interroge sur la
raison pour laquelle ces textes sont
devenus des euh des fleurons de la
littérature mondiale c'est parce que
précisément ils ont su habiter la langue
de l'autre avec leur propre imaginaire
ils ont et ce faisant ils ont transformé
cette langue si je lis dans le détail
les textes magnifique de de biragop euh
le compteur sénégalais qui a euh écrit
de si de si beau texes les comptes
d'Amadou Kumba les nouveaux comptes
d'Amadou Kumba ou bien l'Ivoirien
Bernard dadiier quand on lit leur texte
on sent à quel point ils ont investi la
langue dans laquelle ils écrivent à quel
point ils aiment cette langue à quel
point ils ont un rapport jubilatoire à
l'écriture dans cette langue et se
faisant non seulement il montre que
c'est leur langue qu'ils se sont
appropriés cette langue mais il la
transforme c'est-à-dire que ils lui font
subir une forme
d'hybridation qui est le propre de de de
de la traduction ils font ce sont les
les les écrivains les auteurs africains
qui ont fait que le français est
aujourd'hui une langue
d'Afrique il a une belle expression je
crois que c'est le poète mauricien
Édouard Monique que ses écrivains
inséminent oui la langue française mais
oui l'image de l'insémination lui est
venue tout naturellement et c'est une
image tout à fait tout à fait vraie
parce que en effet le le le la meilleure
métaphore pour parler du contact
entre entre deux entités c'est la
manière dont on produit Ensemble une
entité nouvelle cette insémination cette
capacité que l'on a de faire naître
autre chose que à partir de donc de ces
éléments que son l'imaginaire et la
littérature orale et puis d'un autre
côté la langue qui était la langue
impérial ces métaphores érotiques pour
parler du contact entre les langues on
on les trouve partout Antoine Berman
philosophe de de la de la traduction
quand il parle de mise en contact des
langues à ce ce cette espèce de
d'arrière-plan érotiqu des expressions
qu'il emploie et ce n'est pas pour rien
d'ailleurs que dans la plupart des
langues euh humaines
le même mot pour dire langue dit à la
fois la parole et l'organe ah oui et
donc d'une certain une façon la
traduction et et le fait de s'embrasser
et le baiser ont quelque chose en en
commun de ce point de vuelà alors j'ai
un peu cherché d'autres exemples et j'ai
trouvé que en effet en turc et en russe
c'est le même mot en anglais pour dire
langue maternelle on dit mother tong et
j'ai découvert aussi qu'en hébreu il y a
deux mots pour parler de la langue la
chonne qui désigne la langue qu'on a
dans la bouche et Safa qui signifie la
lèvre ce qui est aussi très sensuel au
diable fidélité nous prenons le baiser
sulfureux de la langue source avec la
langue cible le sexy intercourse de
l'auteur et du traducteur l'érotisme
poignant du traducteur traditore la
traduction potentielle c'est la
traduction libérée de ses joues rouges
au fausset timoré la traduction
potentielle c'est la traduction qui se
regarde luxurieusement dans le miroir en
un geste de réinvention décidé
d'elle-même je dois dire que je n'avais
jamais pensé à cette dimension charnelle
de la traduction il nempêche que ce
passage d'une langue à une autre est
loin d'être un exercice facile le
traducteur est régulièrement confronté à
des notions qui semble proprement
[Musique]
[Applaudissements]
intraduisible
voilà un mot dont euh en bantou dont
Desmont tutou dit qu'il est très
difficile à traduire dans une langue
occidentale il dit euh ça peut vouloir
dire humanité ça peut vouloir dire
compassion ça peut vouloir dire
fraternité ça signifie en gros euh euh
devenir humain mais devenir humain dans
la réciprocité il faudrait prendre le
verbe humaniser au sens parce que en
français quand vous vous dites humaniser
vous me dites humaniser quoi parce que
humaniser appelle c'est un verbe
transitif ça appelle quelque chose
j'humanise mes relations avec avec mon
chien ou j'humanise mon chien d'ailleurs
on le considérant comme un humain et
cetera alors que ici humaniser c'est
justement cela devenir humain devenir
pleinement humain et le devenir dans la
réciprocité et donc l'intraduisible est
important dans la traduction la
traduction se fait toujours sur fond
d'intraduisible mais il faut prendre
l'intraduisible au sens que définit la
philosophe de la traduction qui est
Barbara Cassin quand elle dit que
l'intraduisible ce n'est pas ce que l'on
ne peut pas traduire c'est ce que l'on
ne cesse pas de ne pas traduire dit-elle
le rapport entre traduction et
intraduisible est intime un
intraduisible c'est ce qu'on s'attache à
traduire autrement dit ce qui est
compliqué à traduire ce qui ne va pas de
soi bon et donc ce sont des symptômes de
différence des langues je choisis les
intraduibles comme symptômes et en
philosophie même il y en a quand vous
dites mind vous ne dites pas tout à fait
GIST vous ne dites pas tout à fait
esprit une expression traduction cette
trahison non oui oui oui c'est une
expression italienne ou traduor et
traditor c'est tout ce que je sais dire
en italien à part
pizza mais oui mais la la trahison est
intrinsèque et et fait partie de la de
la traduction elle-même c'est ce que dit
le philosophe Paul Ricker disant que
dans la traduction il y a aussi un
travail de deuil il faut faire le deuil
de ce qui semblit-il n'a pas passé le
pont Ubuntu est un terme difficile à
traduire en français et inversement on a
des termes français qui semblent
intraduisibles dans certaines langues
non ho-européennes l'exemple du verbe
être H qui n'existe pas en wolof qui
pose des énormes problèmes de traduction
comment est-ce qu'on traduit je pense
donc je suis un jugement rapide va dire
ah bah ces langu là est malheureux langu
il leur manque quelque chose elles sont
incomplètes parce qu'elles n'ont pas le
verbe être ce qui est totalement absurde
les toutes les langues
savent faire une attribution toutes les
langues savent affirmer une existence
simplement elles ne le font pas comme
les langues indo-européennes le font et
donc est-ce que je vais dire à ce
moment-là que la langue wallof ne peut
pas traduire je pense donc je suis oui
et non parce que si j'entends par là que
la langue wolof n'utilise pas le verbe
être n'affirme pas l'existence de la
même manière que le français ou le latin
ou le grec et cetera euh j'ai raison je
dirais à ce moment-là que c'est un
intraduisible le cogito cartésien euh
est un intraduisible mais euh l'idée la
démarche je peux parfaitement traduire
cela et c'est ça qui est aussi le
caractère sublime de la traduction et
j'utilise ici un mot qui est celui du
philosophe Paul Ricker Paul Ricker dit
la traduction est cette chose qui de qui
est à la fois impossible et sublime
elle est impossible parce que
normalement deux langues ont des
philosophie grammaticale radicalement
différente je viens de vous donner
l'exemple du verbe être et pourtant et
pourtant le traducteur finit toujours
par traduire autrement dit dans les
langues comme le wolof mais aussi
l'arabe l'hébreu et le Turc qui n'ont
pas le verbe la notion se réparti sur
plusieurs verbes différents selon qu'il
s'agisse de parler de l'identité de
l'existence ou encore de la localisation
de quelque chose et pour Suleiman Bachir
Dian ce pont que l'on échafaude entre
deux langues participe de la
construction de l'universel la
traduction est la manière que nous avons
de surmonter la malédiction de Babel h
donc je je reviens à la au au récit au
mythes au grand mythes biblique qui veut
que les humains à un moment donné sétant
montré très arrogant Dieu les a punis
donc si je fais une traduction disons
laïque de du du récit biblique c'est une
description au fond de la condition
humaine on dira simplement que notre
condition en tant qu'humain c'est d'être
fragmenté en tribus et en nation
différentes et en cultur différentes et
d'une certaine façon en des mondes
différents parce que nous parlons des
langues différentes qui sont euh des
relations diverses au monde qui est le
nôtre et c'est d'ailleurs par parenthèse
sur ce point-là qu'on trouve dans le
Coran l'équivalent du récit biblique qui
dit nous vous avons créé en tribu et en
nation afin que vous vous
entreconnaissiez et c'est là que c'est
la raison pour laquelle les philosophes
de la traduction évoquent ce mythe en
disant
que justement la traduction c'est ce qui
répond à la malédiction de
Babel
nous sommes condamnés à être des
humanités différentes et bien nous
allons
reconstituer notre humanité une parce
que nous sommes en mesure de traduire
des langues différentes de faire que les
langues différentes se rencontrent et
s'embrassent et soit en contact
précisément parce que nous
traduisons et et donc la traduction
c'est devenue le ce qui se sub ue à la
langue adamique que nous avons perdue il
y a un philosophe qui a beaucoup
travaillé sur cette question c'est
Walter benjamine qui a notamment traduit
Balzac baudler et prou en allemand et
qui a théorisé sa pratique dans un texte
intitulé la tâche du traducteur il dit
que dans la traduction dans l'opération
de traduction le traducteur touche du
doigt il
presscend cette langue adamique dans
l'opération qu'il effectue de traduction
d'une langue langue dans une autre
normalement il n'a affaire qu'à deux
langues celle à partir de laquelle il
traduit et celle qui reçoit la
traduction mais dans ce transvasement
dans cette mise en relation il a le
pressentiment qu'il y a un troisième
personnage une troisième langue qui est
ce qu'il appelle la langue
pure cette langue adamique cette langue
au fond qui est la signification même de
l'humanité que nous partageons et c'est
là la relation qu'il y a avec un un un
humanisme universel si je puis dire un
universel qui n'est plus l'universel
d'une des langues disant ben nous sommes
plusieurs mais c'est moi
l'universel raliez-vous à mon panache
blanc mais au contraire un universel qui
se projette depuis le pluriel du monde
qui accepte le pluriel du monde et qui
s'appuie sur le pluriel du monde pour se
projeter vers une horizon d'un
universalité on peut donc critiquer la
domination d'une langue pseudo
universelle comme l'anglais ou le
globich tout en affirmant que
l'universel pluriel se réalise dans la
traduction qui est elle-même la langue
des langues comme le dit l'écrivain
Kenan Ngugi watongo or pour souemman
Bachir Dian à partir du moment où la
traduction a partie liée avec
l'universel l'idée selon laquelle le
traducteur devrait être sélectionné en
fonction de sa proximité avec l'écrivain
d'origine n'a pas de sens la question
s'était par exemple posée au sujet du
poème qu'avait récité l'Américaine
Amanda Gorman à l'occasion de
l'investiture de Job
202 cette polémique au moment où son
poème devait être traduit en néerlandais
par une poétesse blanche qui a
finalement d renoncer à le faire puis
non elle s'identifie pasz expérience
noire comment vous analysez cette cette
question ce poème a été
déclamé dans à un moment qui était un
moment fondamental pour beaucoup de ceux
qui étaient là et de ceux qui ont
regardé ce qui se passait sur la
télévision parce que il capturait
vraiment ce poème la signification de ce
moment unique où le monde revenait se se
redresser sur ses sur ses pieds après
avoir vacillé à cause de ce qui s'était
passé quelques jours auparavant le
capitool où une bande de néonazis avait
avait cru bon de s'exhiber dans les
euh attributs les plus bizarres pour
remettre en question la valeur de la
[Musique]
démocratie et bien ce poème il était
tout naturel d'avoir envie de le
traduire de traduire autrement dit
l'expérience qui avait été celle de
beaucoup l'expérience poétique euh qu'il
nous qu'il nous offrait et de traduire
cette expérience poétique dans les les
langues du monde et si je dis pour
traduire ce poème il faut que j'ai la
même
expérience que la poétesse qu' l' a
écrit c'est-à-dire la même identité je
me trompe totalement sur la notion
d'expérience j'utilise ici le mot
expérience dans deux significations
radicalement différentes il il y a cette
expérience poétique qui était une
expérience universelle et il y a
l'expérience qui est la mienne celle
d'un homme de de noir d' 1,80 si je me
mets à dire que vous ne pouvez pas me
traduire si vous n'êtes pas un homme
noir d' 1,80 je n'ai rien compris à
l'idée d'expérience poétique et surtout
je n'ai rien compris à à la notion de
traduction la traduction ne s'effectue
pas sur fond d'identité la traduction
s'effectue précisément entre des langues
et donc des visions du monde différentes
et établit un pont entre ces langues et
ces visions du monde différentes
traduire c'est trahir comme disent les
Italiens au moins un peu inévitablement
c'est trahir la langue de départ lui êre
par moment infidèle mais c'est aussi
inséminer dcentrer la langue d'arrivée
mais pour Suleiman Bachir Dian c'est
précisément cette opération qui permet
au peuple de se connaître sans que cela
ne passe par l'imposition d'une langue
unique dominante on peut et on doit tout
traduire car c'est à la fois ce qui
préserve la pluralité des langues et
possible le
[Musique]
rencontre pour aller plus loin mes
sources sont en description et pour
garder les idées larges il y a d'autres
épisodes à
[Musique]
bientôt
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