Une paradoxale égalité des chances / Politikon #15

Summary

Cet épisode de Politikon explore les critiques et les réponses philosophiques autour de l'État-providence et de l'égalité des chances. Il examine les théories de penseurs comme Patrick Savidan, Ronald Dworkin et les 'luck egalitarians', en soulignant la tension entre responsabilité individuelle et justice sociale. À travers des exemples comme les politiques de workfare et la théorie du luck egalitarianism, l'épisode interroge les implications pratiques et morales des notions de mérite, d'égalité des ressources et de compensation des inégalités dues au hasard, tout en soulevant des questions sur les limites et les effets pervers d'une telle approche dans une société égalitaire.

Takeaways

• 😀 L'État-providence repose sur l'idée d'égalité des chances, cherchant à offrir une politique sociale méritocratique opposée à l'élitisme aristocratique.
• 😀 La justice sociale capacitaire selon Patrick Savidan met l'accent sur la responsabilité individuelle et le mérite, tout en compensant les inégalités dues à des circonstances extérieures.
• 😀 Depuis les années 70, l'État-providence a été critiqué, particulièrement par les partisans du néolibéralisme et du libertarianisme, qui considèrent qu'il crée une dépendance et une déresponsabilisation des individus.
• 😀 La 'troisième voie' de Tony Blair et Bill Clinton a intégré l'économie de marché dans la pensée de gauche, en promouvant une redistribution qui ne perturbe pas le marché.
• 😀 La politique de 'workfare' dans le cadre de la troisième voie exige que les bénéficiaires d'allocations travaillent pour les percevoir, renforçant la notion de mérite et de responsabilité individuelle.
• 😀 Ronald Dworkin, avec sa théorie de l'égalité des ressources, distingue les inégalités dues aux choix individuels de celles causées par des circonstances non choisies, comme les handicaps.
• 😀 Dworkin propose que la société compense les inégalités liées aux circonstances échappant au contrôle des individus, tout en n'intervenant pas dans les conséquences des choix personnels.
• 😀 L'égalité des ressources de Dworkin peut être intégrée dans une économie de marché tout en restant compatible avec l'efficacité et la liberté.
• 😀 Le 'luck egalitarianism' va plus loin que Dworkin en insistant sur le fait que la société doit compenser toutes les inégalités liées au hasard, et non seulement aux circonstances extérieures.
• 😀 Selon le 'luck egalitarianism', les individus ne sont responsables de leurs inégalités que lorsque celles-ci découlent de leurs choix personnels et non de facteurs externes incontrôlables.
• 😀 Les critiques du 'luck egalitarianism' soulignent qu'il peut produire des jugements moraux humiliants, introduire une bureaucratie intrusive, et ne pas s'attaquer aux causes structurelles de l'injustice sociale, comme le racisme.

Q & A

Qu'est-ce que l'égalité des chances dans le cadre de l'État-providence ?

L'égalité des chances, dans le cadre de l'État-providence, repose sur l'idée que chaque individu doit avoir un accès égal aux ressources en fonction de ses talents et de son mérite. Elle inclut également une égalité des droits sociaux pour ceux dont l'accès aux ressources est difficile en raison de facteurs tels que le chômage, la maladie ou la vieillesse.

Quelle est la critique principale du néolibéralisme vis-à-vis de l'État-providence ?

Le néolibéralisme critique l'État-providence pour sa tendance à favoriser la dépendance des individus, en particulier des plus pauvres, qui peuvent percevoir des allocations sans contrepartie de travail. Cela conduit à une déresponsabilisation, selon les critiques néolibérales.

En quoi consiste la 'troisième voie' selon Anthony Giddens ?

La 'troisième voie' est une tentative de réconcilier les idées de gauche avec l'acceptation de l'économie de marché. Elle propose de repenser la redistribution en la limitant afin de ne pas perturber le fonctionnement du marché, tout en insistant sur la responsabilité individuelle.

Quel est l'apport de Ronald Dworkin à la théorie de l'égalité ?

Ronald Dworkin a proposé une théorie de l'égalité des ressources, qui combine l'égalité des chances avec la responsabilité individuelle. Il distingue ce qui relève du choix personnel et ce qui résulte des circonstances extérieures. Il plaide pour une compensation des inégalités dues aux circonstances non choisies, mais pas des inégalités dues aux choix personnels.

Comment Dworkin illustre sa théorie de l'égalité des ressources avec l'exemple du naufrage ?

Dworkin utilise l'exemple d'un groupe de naufragés sur une île déserte pour illustrer sa théorie. Les naufragés se voient attribuer une certaine quantité de coquillages pour acheter des ressources via une vente aux enchères. Ce système permet une répartition des ressources équitable selon les préférences individuelles, mais nécessite de compenser les handicaps ou les talents manquants, ce qui rend la redistribution juste.

Quelle différence Dworkin fait-il entre les inégalités dues aux choix et celles dues aux circonstances ?

Dworkin distingue les inégalités dues aux choix personnels des inégalités dues aux circonstances extérieures. Il estime qu'il est juste de compenser les inégalités liées aux circonstances (comme un handicap) mais pas celles dues à des choix personnels, car ces dernières sont sous le contrôle de l'individu.

Qu'est-ce que le 'luck egalitarianism' et comment diffère-t-il de la théorie de Dworkin ?

Le 'luck egalitarianism' va au-delà de la distinction entre choix et circonstances. Il considère que les inégalités issues du hasard, qu'elles soient liées aux talents ou à des handicaps, doivent être compensées. Contrairement à Dworkin, qui sépare strictement choix et contexte, le luck egalitarianism inclut toute dimension du hasard dans ses critères de redistribution.

Comment John Roemer applique le 'luck egalitarianism' aux inégalités sociales ?

John Roemer applique le 'luck egalitarianism' en analysant des exemples concrets comme les inégalités entre différents types sociaux de fumeurs. Il montre que les comportements sociaux, comme le tabagisme, ne sont pas toujours sous le contrôle individuel et sont en partie déterminés par des facteurs sociaux. Les inégalités qui en découlent doivent être compensées par la société.

Quelles critiques sont faites au 'luck egalitarianism' dans le contexte des discriminations sociales ?

Le 'luck egalitarianism' est critiqué pour son incapacité à aborder les discriminations structurelles, comme le racisme. Il tend à redistribuer des ressources sans s'attaquer aux causes profondes des injustices sociales, comme les discriminations raciales ou de classe, ce qui est perçu comme une approche conservatrice qui ne remet pas en question les structures sociales injustes.

Pourquoi la mise en œuvre du 'luck egalitarianism' pourrait-elle mener à des effets pervers dans la société ?

La mise en œuvre du 'luck egalitarianism' pourrait produire des effets pervers, comme la création d'une société où les individus sont constamment jugés et classés en fonction de leurs capacités ou déficits, ce qui pourrait entraîner des jugements humiliants et une administration intrusive. De plus, cette approche ne prend pas suffisamment en compte les inégalités structurelles et sociales profondes.