L'origine du tourisme : Grand Tour, thermalisme et congés payés | DHEH #15 [ST]
Summary
TLDRLe script explore l'évolution du tourisme depuis les confinements de 2021 en France, passant par ses origines jusqu'à la 'touristification' contemporaine. Il décrit comment le tourisme est devenu un phénomène mondial influençant les économies, les paysages et les sociétés. Le texte examine également les différents types de tourisme, tels que le tourisme de santé, le tourisme responsable et le 'dark tourism', tout en soulignant les défis environnementaux et la transformation du secteur face à la crise du Covid-19.
Takeaways
- 📅 En juin 2021, la France sort de 15 mois de restrictions liées à la pandémie, ce qui soulève des espoirs de retour à la vie d'avant et à la reprise du tourisme.
- 🌐 Le tourisme a un impact considérable sur l'économie et la société, mais il est un phénomène relativement récent dans l'histoire de l'humanité.
- 🏛 Le Grand Tour était une pratique de la gentry anglaise à partir du XVIIe siècle, marquant le début du tourisme éducatif et culturel pour les élites.
- 🛤️ La révolution des transports au XIXe siècle a permis une contraction de l'espace-temps, rendant les régions lointaines plus accessibles et contribuant à la diffusion du tourisme.
- 🏖️ Le tourisme balnéaire et de montagne a émergé au XVIIIe siècle, avec des figures comme Horace Benedict de Saussure et Lord Henry Brougham contribuant au développement de ces pratiques.
- 🗺️ L'idée de voyage pour raison médicale a été une pratique fondatrice du tourisme, conduisant au développement du tourisme de montagne et balnéaire.
- 🚗 Le XXe siècle a vu le démarrage du tourisme de masse, avec l'essor des voitures particulières et des vacances payées, rendant le tourisme accessible au plus grand nombre.
- 🌞 A partir des années 1930, les préférences touristiques se sont orientées vers les bords de mer et les activités liées à la mer, sable et soleil.
- 🏰 L'apparition des stations touristiques, des campings et des politiques publiques a conduit à une conception plus approfondie du tourisme comme activité économique.
- 🎢 Le développement du tourisme a engendré des lieux clos comme les casinos de Las Vegas et les parcs à thème, offrant une expérience de détente et de divertissement tout en étant fortement encadrés.
- 🌱 Le tourisme 'responsable' et le 'dark tourism' représentent des évolutions récentes du secteur, soulignant la diversité des pratiques touristiques et les enjeux éthiques et environnementaux.
Q & A
Quelle a été l'impact du COVID-19 sur le tourisme en France et dans le monde selon le script ?
-Le COVID-19 a entraîné l'arrêt soudain du tourisme international et un ralentissement significatif du tourisme national en France, affectant également les secteurs connexes tels que la culture et la restauration.
Quels sont les éléments qui ont contribué à l'essor du tourisme selon le script ?
-L'essor du tourisme a été influencé par la colonisation européenne, les relations économiques qui en ont découlé, les progrès techniques, la révolution des transports, et l'émergence de nouvelles pratiques touristiques telles que le Grand Tour.
Quel est le rôle des transports dans l'expansion du tourisme décrit dans le script ?
-La révolution des transports a permis une contraction exceptionnelle de l'espace-temps, rendant les régions lointaines plus proches et facilitant ainsi la diffusion du tourisme jusqu'aux marges du monde habité.
Quels sont les exemples donnés de pratiques touristiques anciennes mentionnées dans le script ?
-Le script mentionne des exemples anciens de pratiques touristiques tels que les récits littéraires de voyages comme L'Odyssée et L'Énéide, les grandes campagnes de conquête, et les voyages de marchands, de diplomates, et de pèlerins.
Quel est le 'syndrome de Stendhal' et comment est-il lié au tourisme ?
-Le 'syndrome de Stendhal' est une expérience de voyage si enivrante qu'elle laisse des traces sur celui qui l'a vécue, comme le raconte Stendhal dans ses 'Mémoires d'un touriste'. Il s'agit d'une réaction émotionnelle intense à la beauté et à la culture d'un lieu.
Quelle est l'origine du terme 'touriste' et comment cela reflète-t-il l'évolution du tourisme ?
-Le terme 'touriste' apparaît en 1800 en anglais, en 1803 en français et en 1875 en allemand. Son apparition marque la naissance de la pratique touristique dans un pays et son développement jusqu'à un point où il est nécessaire de qualifier clairement cette activité.
Quels sont les changements observés dans les objectifs et les publics du tourisme au fil du temps ?
-Au fil du temps, les objectifs du tourisme ont évolué de l'éducation et de la découverte vers la détente et la consommation. Le public a aussi changé, passant des élites à une participation plus large de la population, avec l'essor du tourisme de masse.
Comment le tourisme balnéaire a-t-il émergé et comment Lord Henry Brougham a-t-il contribué à son développement ?
-Le tourisme balnéaire est né lorsque Lord Henry Brougham, après être resté à Cannes en raison d'une épidémie de choléra, a été séduit par la région et a contribué à son développement touristique par ses lettres et ses voyages en Grande-Bretagne.
Quel est le rôle des guides touristiques tels que le Guide Michelin dans l'organisation du tourisme ?
-Les guides touristiques, comme le Guide Michelin, ont joué un rôle clé dans l'organisation du tourisme en orientant les touristes vers les meilleures destinations et en notant les hôtels et les restaurants, contribuant ainsi à la perception du tourisme comme une activité économique.
Comment le script aborde-t-il l'évolution du tourisme vers des pratiques plus courtes et plus accessibles ?
-Le script mentionne l'avènement du low cost qui a permis des courts séjours et a aboli les distances, ainsi que l'évolution du tourisme thérapeutique en tourisme médical, et l'émergence d'un tourisme 'responsable' qui vise à aider les populations visitées.
Quels sont les défis et les critiques associés au développement du tourisme de masse ?
-Le script souligne les critiques concernant l'impact environnemental du tourisme de masse, la commercialisation excessive, et la perte de l'authenticité des expériences touristiques. Il mentionne également les préoccupations concernant les risques de santé associés au tourisme de masse, comme illustré par la crise du COVID-19.
Outlines
🌏 Retour à la normalité et tourisme en France en 2021
Le paragraphe 1 introduit la situation en France en juin 2021 après plusieurs mois de restrictions liées à la pandémie de COVID-19. Il mentionne l'attente d'une allègement des mesures sanitaires, la possibilité de reprendre les déplacements et les voyages, et l'espoir de retrouver une vie plus normale. Le texte souligne également l'impact du confinement sur l'économie, en particulier dans les secteurs de la culture, de la restauration et du divertissement. L'approche de l'été est vue comme une opportunité pour les Français de partir en vacances et de ressentir un peu de la 'vie d'avant'. Le paragraphe introduit également le concept de tourisme et son importance dans la vie des gens, ainsi que l'idée que le tourisme est une récente révolution dans l'histoire de l'humanité.
🏛 L'origine et l'évolution du tourisme
Le paragraphe 2 explore les origines du tourisme, en commençant par une généralité sur l'ancienneté de la notion de voyage, illustrée par des exemples littéraires et historiques. Il explique que bien que le voyage ait toujours existé, le tourisme dans le sens moderne du terme est une notion apparue à la fin du XIXe siècle. Le texte mentionne les voyages de conquête, les marchands, les diplomates et les pèlerins comme des exemples de déplacements anciens. Il souligne que le tourisme tel que nous le connaissons est le résultat de la mondialisation et de la colonisation européenne, et que les premiers services de tourisme organisés, comme ceux de Thomas Cook, ont été basés sur ces réseaux mondiaux. Le paragraphe conclut sur l'émergence du mot 'touriste' dans différentes langues, reflétant le développement de la pratique touristique.
📚 Le Grand Tour et les débuts du tourisme éducatif
Le paragraphe 3 se concentre sur le Grand Tour, une pratique du XVIIe siècle parmi la gentilhomme anglaise, qui impliquait un voyage éducatif à travers l'Europe. Ce voyage avait pour but de permettre aux jeunes nobles d'apprendre des langues et de se familiariser avec la culture et les affaires internationales. Le texte mentionne également le rôle du loisir cultivé et des voyages pour la culture, comme la visite de ruines antiques. Il décrit également le 'syndrome de Stendhal', une expérience de voyage si intense qu'elle affecte profondément le voyageur. Le paragraphe explore également les débuts du tourisme balnéaire et de montagne, en citant des figures clés comme Horace Benedict de Saussure et Lord Henry Brougham, et comment ces pratiques ont contribué au développement du tourisme moderne.
🌊 Les transformations du tourisme au XIXe siècle
Le paragraphe 4 aborde les changements significatifs dans le tourisme au cours du XIXe siècle, notamment l'émergence des stations balnéaires et des lieux de santé, qui sont devenus importants pour les élites. Il décrit l'aménagement de ces stations, l'apparition de bâtiments dédiés à l'hébergement et aux soins, et la création d'espaces de loisir. Le texte mentionne également le développement des politiques touristiques par les pouvoirs publics, l'apparition des guides touristiques comme le Guide Michelin, et la transformation du tourisme en une véritable activité économique. Il souligne l'évolution du tourisme vers une pratique plus orientée vers la détente et le loisir, et l'influence croissante de la consommation de masse sur le tourisme.
🌞 La montée du tourisme de détente et de consommation
Le paragraphe 5 traite de l'évolution du tourisme au XXe siècle, en particulier l'essor du tourisme de détente et de consommation. Il mentionne les changements dans les préférences des touristes, passant des stations thermales aux plages et à la chaleur. Le texte explore l'idée de la rupture avec le quotidien et l'attrait de l'Ailleurs pour les individus dans une société industrielle. Il décrit également l'impact de la généralisation des congés payés sur le développement du tourisme consumériste. Le paragraphe mentionne les différents types de tourisme émergés, tels que le tourisme all-inclusive, les villages-vacances, et les formes alternatives comme le tourisme low-cost, le tourisme médical et le tourisme responsable. Il conclut sur les critiques du tourisme de masse et la complexité des expériences vécues par les touristes.
🌉 L'impact du Covid-19 sur le tourisme et perspectives futures
Le paragraphe 5 finalise le script en discutant de l'impact de la pandémie de Covid-19 sur l'industrie du tourisme, en mettant en évidence l'arrêt soudain du tourisme international et le ralentissement du tourisme national. Il souligne les changements dans les perspectives et les valeurs du public, avec une tendance à la recherche d'un tourisme moins massif et plus respectueux de l'environnement. Le texte mentionne également l'importance économique de l'industrie du tourisme dans certains pays et la difficulté de l'industrie à s'adapter rapidement aux nouvelles conditions. Il conclut sur une note de réflexion sur l'avenir du tourisme, en encourageant les téléspectateurs à considérer les éléments présentés et à prendre soin d'eux-mêmes pendant les voyages.
Mindmap
Keywords
💡Confinement
💡Tourisme
💡Économie
💡Grand Tour
💡Mondialisation
💡Transports
💡Touriste
💡Stendhal Syndrome
💡Tourisme balnéaire
💡Tourisme médical
💡Tourisme responsable
💡Dark tourism
Highlights
La France en juin 2021 a connu des restrictions dues à la pandémie, mais avec l'approche de l'été, les mesures sanitaires semblent s'alléger, permettant aux voyages de redevenir possibles.
L'été 2021 voit un regain d'espoir pour les vacances, synonyme de départ et de tourisme, malgré le fait que près de 40% des Français n'ont pas voyagé en 2019 en raison de manque de moyens.
Le tourisme a bouleversé les habitudes, représentations, paysages, cycles économiques et structures sociales, selon le géographe Rémi Knafou.
Le phénomène touristique est récent dans l'histoire de l'humanité, malgré des exemples de voyages anciens comme L'Odyssée et L'Enéide.
Le tourisme moderne est une conséquence de la mondialisation, avec la colonisation européenne et les relations économiques qui ont renforcé les liens entre les pays.
Thomas Cook propose des tours du monde dès les années 1870, restant sur le réseau commercial et colonial de l'empire britannique.
La révolution des transports a permis une收缩 de l'espace-temps, rendant les régions lointaines plus proches et favorisant la diffusion du tourisme.
Le mot 'touriste' apparaît en 1800 en anglais, en 1803 en français et en 1875 en allemand, marquant la naissance de la pratique touristique dans ces pays.
Le Grand Tour était une pratique courante pour la gentry anglaise à partir du XVIIe siècle, servant à l'apprentissage de langues et au développement de connaissances du monde.
Le 'syndrome de Stendhal' décrit une expérience de voyage si enivrante qu'elle laisse des traces sur celui qui l'a vécue, illustré par l'écrivain Stendhal lui-même.
Le tourisme balnéaire a émergé avec Lord Henry Brougham qui, retenu à Cannes en raison d'une épidémie, a contribué au lancement touristique de la Côte d'Azur.
Le tourisme médical a été une pratique fondatrice, avec des endroits comme Brighton devenant populaires pour leur air marin et leurs soins.
Le tourisme a évolué avec l'apparition de stations touristiques, de campings et de politiques publiques d'encadrement et de moralisation du tourisme.
La raison thérapeutique du tourisme a progressivement cédé la place au besoin de détente, avec l'émergence des loisirs et du tourisme consumériste.
Le tourisme a connu une massification des pratiques et une transformation profonde des espaces, avec des innovations comme les guides touristiques et le Guide Michelin.
Le tourisme a évolué vers des formes plus oisives et populaires, avec des destinations comme Hawaï et Waïkiki devenant emblématiques.
La démocratisation de la voiture et l'élaboration d'un réseau routier dense ont permis à une plus grande partie de la population d'accéder à ses propres vacances.
Le tourisme a mondialisé, avec des œuvres comme 'Tendre est la Nuit' de F. Scott Fitzgerald illustrant la vie de l'ex-patriot et le développement de la culture touristique.
Le tourisme a adopté des formes de gigantisme et d'all-inclusive, comme à Las Vegas, offrant un espace clos avec tous les besoins du touriste à portée de main.
Les parcs à thème et les villages-vacances comme Club Méditerranée offrent un cadre de détente et de liberté encadré par des restrictions pour maximiser la consommation.
Le low cost a permis l'apparition de courts séjours, réduisant les distances et permettant des week-ends à l'étranger.
Le tourisme médical a évolué, avec des personnes partant à l'étranger pour des soins ou des opérations à moindre coût ou dans de meilleures conditions.
Le tourisme 'responsable' est apparu, combinant voyage et découverte d'une région avec aide aux populations et auto-découverte.
Le 'dark tourism' se développe, avec des voyages organisés dans des espaces de grande pauvreté ou violence, soulignant les paradoxes du tourisme.
La crise du covid-19 a modifié le paysage touristique, ralentissant le tourisme international et national, et soulevant des questions sur l'avenir du tourisme de masse.
L'industrie touristique, importante pour la richesse et l'emploi, est confrontée à la nécessité de s'adapter au contexte post-Covid-19.
Transcripts
Nous sommes en France, en juin 2021. Depuis quinze mois, le pays a connu des confinements,
des couvre-feux, des restrictions de déplacements. Comme ailleurs à travers le monde, des pans
entiers de l'économie ont été mis à l'arrêt, en particulier dans le secteur de la culture,
de la restauration, du divertissement. Mais alors que l'été approche, la pression se
lève légèrement : les restrictions sanitaires semblent sur le point d'être très allégées,
les déplacements vont redevenir possibles. Le beau temps ramène avec lui l'espoir des vacances.
Ancrées dans nos habitudes depuis maintenant près de deux siècles,
les vacances sont largement synonyme de départ et de tourisme – même si en 2019, près de 40%
des français ne sont pas partis par manque de moyens. Avec cet été 2021, nombreux sont ceux
qui espèrent goûter un peu à la « vie d'avant ». Pour le géographe Rémi Knafou, de l'Équipe MIT
(Mobilité, Itinéraires, Territoires), l'avènement du tourisme est ainsi « la révolution dont on
ne parle pas » (Tourismes, Lieux Communs, 2002). En s'affirmant toujours davantage,
le tourisme a bousculé les habitudes, les représentations, les paysages,
les cycles économiques, les structures sociales. Pourtant, malgré son poids certain sur nos vies,
le « phénomène tourisme » est très récent dans l'histoire de l'humanité. A l'aube de l'été,
il semble intéressant de se pencher un peu sur ses origines.
Commençons par une bonne vieille généralité : « DE TOUS TEMPS, LES INDIVIDUS ONT VOYAGE ».
Les récits antiques ou médiévaux comme L'Odyssée, L'Enéide, le voyage vers l'Ouest du roi-singe,
le Kalevala finnois, sont autant de preuves littéraires que l'idée de voyage n'est pas
récente. A cela, il faut ajouter les grandes campagnes de conquêtes, comme celle d'Alexandre
le grand à travers tout le Moyen-Orient et l'Asie Centrale, ou bien la vague mongole qui a, tout de
même, submergé 15% des terres émergées et mis en contact des dizaines de peuples et de cultures.
Par ailleurs, les marchands, les diplomates, les hommes de lettres, les espions ou encore les
pèlerins ont régulièrement parcouru le monde, que ce soit pour en découvrir les merveilles,
mais aussi pour les décrire ensuite et diffuser ce savoir dans leurs régions d'origines – au risque
de déformations, comme on l'avait évoqué dans le double épisode sur les légendes du Prêtre Jean.
Mais, jusqu'à la fin du XIXe siècle, si tout cela existait,
on ne parlait pas de tourisme, car le but du voyage n'était quasiment jamais de s'évader,
d'expérimenter la différence, de jouir d'une forme de divertissement capable de rompre
ponctuellement le quotidien vers lequel l'individu reviendrait inéluctablement.
Aussi, le tourisme tel qu'on le connaît aujourd'hui est à la fois une cause et
une conséquence de la forme la plus récente et la plus aboutie de la mondialisation.
C'est d'abord la colonisation européenne, puis les rapports économiques qui en ont découlé,
qui ont renforcé les liens entre les pays du monde. Par le biais d'alliances
politiques et financières entre États se sont dessinés les premiers liens de tourisme.
Ainsi, dès les années 1870, Thomas Cook propose un tour du monde à sa clientèle londonienne,
en s'appuyant sur le réseau mondial que constituent les comptoirs commerciaux et
coloniaux de l'empire britannique. Depuis le XIXe siècle, de nombreux
progrès techniques ont permis d'amplifier largement la circulation des personnes. La
révolution des transports, notamment, a permis une contraction exceptionnelle de l'espace-temps :
on a l'impression que les régions lointaines sont plus proches, à seulement quelques heures
d'avion. Cette situation a permis, dans les dernières décennies, une diffusion
du tourisme jusqu'aux marges de monde habité : on a vu apparaître des hôtels dans des recoins
longtemps inaccessibles ou des excursions en immersion parmi des peuples isolés...
et des entrepreneurs comme Jeff Bezos ou Elon Musk en sont même à planifier le tourisme spatial !
Mais la pratique touristique, si commune aujourd'hui, s'est développée dans le temps long.
En tant que tel, le mot « touriste » apparaît en 1800 dans la langue anglaise,
en 1803 en français et en 1875 en allemand. En mandarin, la langue officielle de la Chine,
le terme existe seulement depuis le début du millénaire. La chose est révélatrice, parce que
l'apparition du mot marque la naissance de la pratique touristique dans un pays, ainsi qu'un
développement suffisamment important pour qu'il devienne nécessaire de la qualifier clairement.
Mais avant d'aller plus loin, commençons... par le commencement.
Le Grand Tour est une pratique courante courante de la gentry anglaise, c'est-à-dire de la petite
noblesse, à partir du XVIIe siècle. Ce voyage à travers l'Europe devient rapidement une exigence
sociale pour que les nobles apprennent d'autres langues (le français et l'italien, notamment),
acquièrent une certaine connaissance du monde et, le cas échéant, mettent en place un réseau de
connaissances qui pourrait leur servir plus tard. Par ailleurs, le « loisir cultivé », hérité de
l'otium des latins, demeure la norme pour occuper son temps. Pour les représentants
des classes aisées qui s'y adonnent, le loisir est alors un travail en soi : on s'abandonne à
une œuvre charitable, à un travail intellectuel, à l'écriture d'un roman ou de poésie, … Le voyage
lui-même, hors du grand Tour, est une excuse pour gagner en culture : les ruines antiques,
par exemple, ont un charme certain mais constituent surtout un lien avec un passé fantasmé
qu'il s'agit de redécouvrir et de s'approprier. Dans ses « Mémoires d'un touriste » publiées
en 1838, Henri Beyle, plus connu sous son nom d'auteur de Stendhal, explique la transformation
du Grand Tour au XIXe siècle. Il écrit notamment que les villes deviennent particulièrement
attractives pour ceux qui recherchent l'accès à culture et la sociabilité tandis que, à l'inverse,
les peintres et les artistes recherchent plutôt l'isolement et le contact avec la
nature. Parti à Florence et subjugué par la cité des Médicis, l'écrivain raconte même
qu'il est tombé malade pendant plusieurs jours lorsqu'il a entrepris son retour vers la France.
Il définit ainsi le « syndrome de Stendhal » : une expérience de voyage si enivrante qu'elle
laisse des traces sur celui qui a pu la vivre. Et à l'inverse, il existe un « syndrome de
Paris », qui décrit la déception de certains touristes asiatiques qui découvrent la réalité
parfois peu reluisante de la capitale française alors que l'image qu'ils en avaient était bien
plus lumineuse et romantique. Je ne ferai pas davantage
de commentaire à ce sujet ! Jusqu'au XIXe siècle, la différence avec
le tourisme contemporain touche donc aux objectifs et aux personnes concernées. En effet, le tourisme
d'aujourd'hui n'a pas avant tout un but éducatif et ne concerne plus seulement les élites.
De nouveaux lieux touristiques vont émerger au fil des années. Moins marqués par la culture
classique, ils vont susciter d'autres sources d'intérêts et voir, de décennie en décennie,
la dimension éducative perdre en importance. Par exemple, au XVIIIe siècle, le physicien Horace
Benedict de Saussure a, pour effectuer une série de relevés scientifiques, organisé une grande
expédition afin d'escalader le Mont-Blanc. Ses résultats ont été publiés dans son ouvrage « Les
Voyages dans les Alpes », en 1779. Mais davantage que l'aspect scientifique, son travail a surtout
contribué à la renommée des massifs alpins, et donc au développement du tourisme de montagne.
Enthousiasmés par les descriptions de Saussure, Jacques Balmat et Michel-Gabriel Paccard sont les
premiers à effectuer l'ascension du Mont-Blanc en 1786, inaugurant la pratique de l'alpinisme.
Proche dans l'espace mais sur un tout autre plan, on peut se pencher sur le cas du tourisme
balnéaire, c'est-à-dire le tourisme de plage. En 1836, Lord Henry Brougham se rend en Italie
durant son Grand Tour, mais doit rebrousser chemin à cause d'une épidémie de choléra. En raison des
quarantaines et des difficultés du voyage, il est obligé de rester à Cannes qui n'est, à l'époque,
qu'un petit village provençal sans aucune renommée. Mais Lord Henry est subjugué par
la nature locale, les paysage et le mode de vie de la région. Faisant rimer culture avec nature,
il décide de s'y installer. Par ses lettres et allers-retours enthousiastes en Grande-Bretagne,
il a largement participé au lancement touristique de la Côte d'Azur.
Toujours sur les littoraux, le médecin britannique Richard Russel a pris l'habitude, au XVIIIe
siècle, d'envoyer ses patients à Brighton pour respirer l'air marin, multiplier les promenades et
donc se refaire une santé. Il a ainsi contribué à la renommée touristique de la région... et initié
une tradition touristique qui allait vivre plus d'un siècle : le modèle thérapeutique.
En 1988, l'historien Alain Corbin publie l'un de ses ouvrages majeurs :
Le territoire du Vide. Il y considère, non sans raison, que le voyage pour raison médicale a
constitué une pratique fondatrice du tourisme. Pratique dominante de la fin du XVIIIème au
début du XXème siècle, la retraite médicale a d'abord été concentrée sur les côtes, puis s'est
ensuite étendue aux espaces de haute montagne. Des territoires comme la côte provençale (on a
évoqué Cannes), la Normandie (citons l'exemple de Deauville) ou le pays basque ont vu émerger
leur industrie touristique à cette époque. Par exemple, l'auteur de Cyrano de Bergerac,
Edmond Rostand, a fait construire sa maison près des sources thermales de Cambo-les-Bains,
où il a fait descendre de nombreux amis de l'élite intellectuelle parisienne,
qui ont a leur tour apprécié la région et se sont installés, notamment, à Biarritz, qui avait déjà
attiré la petite famille de Napoléon III quelques temps plus tôt pour les vertus de son climat.
Ces healthy places, deviennent ainsi, au XIXe siècle, des lieux importants dans les pratiques
médicales, puis sociales des élites. La création de bâtiments dédiés à la fois à l'hébergement,
aux soins, à la distraction de ces voyageurs ponctuels ou saisonniers, sur plusieurs semaines
et pas uniquement pour quelques jours, est un phénomène novateur pour l'époque.
Les espaces sont également réaménagés, comme la promenade des anglais à Nice, qui permet
de profiter du paysage durant une ballade tranquille, tandis que les jetées de Brighton
Pier au Royaume-Uni voient s'élever une grande roue ou même l'une des premières montagnes russes.
Le facteur thérapeutique, présent au déclenchement du processus touristique,
demeure central jusqu'au XXe siècle, mais s'accompagne aussi d'ambitions esthétiques
pour la découverte des paysages, sociales pour les échanges entre pairs que permettent ces retraites
loin des grandes villes, et urbanistique puisqu'il faut bien rendre accessible ces
petits paradis si éloignés des centres urbains ! A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle,
on peut donc commencer à parler de certains de ces lieux, suffisamment attractifs et développés,
comme des premières véritables stations touristiques. Au tournant du siècle,
les premiers campings apparaissent, tandis que les pouvoirs publics lancent les premières
politiques d'encadrement et de moralisation du tourisme – et des touristes issus des classes
populaires. Pour les pouvoirs publics, il s'agit alors de ne pas lâcher des hordes
de sauvages à travers le pays, et d’éviter que les afflux de touristes ne causent des troubles.
L'activité devenant de plus en plus identifiée, certaines entreprises ferroviaires puis
automobiles créent des guides touristiques, censés orienter les touristes vers les meilleures
destinations, et par les meilleurs chemins : c'est le cas notamment du célèbre Guide Michelin,
qui trace les itinéraires, puis se met à noter les hôtels et les restaurants.
Cet état de fait amorce une bascule vers une conception plus approfondie du tourisme,
désormais perçu comme une véritable activité économique. Ce qui va
conduire à une massification des pratiques et une transformation profonde des espaces.
La raison purement thérapeutique va progressivement laisser la
place au besoin de détente en lui-même : « C'est parce qu'une pression inédite s'est
progressivement imposée sur le quotidien des européens qu'une nécessité s'est fait sentir
d'inventer une nouvelle logique dans les usages du temps. Ainsi sont nés et se sont
développés les loisirs, jusqu'à devenir un motif central de notre ère contemporaine ».
A partir des années 1930, un changement assez profond s'opère dans la fréquentation des
espaces : les bords de mer prennent le pas sur les collines, la chaleur balaie la fraîcheur.
L'heure est à la baignade explicite (sea), à la farniente allongé sur la plage (sand) aux
corps qui se dévoilent progressivement (sun). En 1962, le sociologue Joffre Dumazedier est
revenu sur cette évolution, dans son ouvrage Vers une civilisation du loisir ?. Dans une société
industrielle où le travail est un automatisme, parfois une souffrance physique ou morale,
les individus ont ressenti un besoin irrépressible de rupture avec leur quotidien, l'appel d'un
Ailleurs qui pourrait à la fois répondre à leur besoin de récréation et de re-création.
En France notamment, avec la généralisation des congés payés après l'élection du Front
Populaire en 1936 puis avec la 3e semaine de congés acquise en 1956, les eaux chaudes,
le sable et le soleil deviennent les nouveaux emblèmes d'un tourisme qui devient accessible
au plus grand nombre. Les congés sont rapidement assimilés au départ, à l'éloignement physique et
géographique du quotidien, donc au voyage, puis finalement au tourisme consumériste
que l'on connaît si bien aujourd'hui. Cette nouvelle forme de tourisme, davantage
oisive et populaire, a émergé en trois temps : Acte 1 : Hawaï et sa célèbre plage de Waïkiki. Là,
le journaliste américain Jack London découvre la pratique du surf, le ciel éclatant,
les eaux turquoises, l'attitude détendue et les corps bronzés et sportifs des insulaires.
Dans son livre La croisière du snark, publié en 1911, il en dresse un portrait fasciné qui va,
à son tour, intriguer la population américaine. Moins poétique, l'Acte 2 n'en est pas moins
fondamental : il s'agit de la démocratisation de la voiture et de l'élaboration d'un réseau
routier plus dense, qui permettent à une part plus grande de la population d'aller chercher
son petit coin de paradis lorsque vient l'été. Aux Etats-Unis, pays pionnier de ce tourisme nouveau,
les premières highways relient ainsi la Nouvelle Angleterre et la Floride dès les
années 1920. Le fait que, après les deux guerres mondiales, les côtés ensoleillées des Caraïbes,
de la Californie et de Hawaï aient été les lieux de convalescence privilégiés des soldats
blessés a également participé à ancrer dans les meneurs l'idée que ces espaces étaient
idéaux pour la détente et le divertissement. L'Acte 3, enfin atteste la mondialisation du
phénomène touristique : il est marqué par l’œuvre Tendre est la Nuit de Francis Scott
Fitzgerald. Publiée en 1934, l'auteur y raconte ses années d'expatriation sur la côte d'Azur,
où il côtoie à la fois les locaux, les élites françaises descendues depuis Paris,
et les anglais qui ont pris leurs habitudes dans la région. Tous, déjà, partagent les mêmes
occupations, les mêmes divertissements dans ces espaces tout entiers modelés,
d'année en année, pour répondre aux attentes des touristes qu'ils sont : les sports, les jeux,
les activités de détente, la restauration, … Et tout ce microcosme n'a pas fini de se
développer et de se concentrer. Passées les années 1950, le tourisme devient si généralisé,
si lucratif, que ses promoteurs embrassent sans hésiter le gigantisme... et le all-inclusive.
Comment mieux comprendre la démesure du tourisme qu'en allant... à Las Vegas ?
Simple ville-étape sur la route Est-Ouest traversant les montagnes,
la législation bienveillante des autorités a permis d'y implanter subitement une myriade de
casinos et d'hôtels, transformant le bourg isolé en mégalopole inattendue où se mêlent loisirs,
sociabilité et extravagance. On peut dire que Vegas est littéralement « née du jeu » et que
ses promoteurs ont cherché, très vite, à faire de chaque casino un havre autonome, dont le
touriste n'a nul besoin de sortir pour assouvir ses besoins, qu'ils soient en divertissement,
en nourriture, en repos ou en rencontres. C'est le tout-compris, le all-inclusive.
« Les marchands sont entrés dans le temple du loisir. Ils s'y sont installés et s'y sont
montrés fort inventifs. » Emmanuelle Loyer, 2017
Dans un genre légèrement différent, les parcs à thème fonctionnent sur le même principe. Ils
constituent un espace fermé dans lequel tout est à portée de main : restaurants,
hôtels, attractions. Paradoxalement, cet espace de détente et de liberté est un environnement marqué
par les restrictions : l'offre des magasins est drastiquement encadrée, l'espace est morcelé en
environnements thématiques, les déplacements et les files d'attentes sont codifiés.
Lieux de la joie et de l'amusent permanent (au risque d'une crispation faciale,
j'en conviens), tout y est fait pour dépayser sans déstabiliser, renvoyer au touriste un maximum de
représentations joyeuses et positives – ce qui le met en condition favorable
pour céder à la consommation et à la dépense. Cet encadrement, parfois jusqu'à l'absurde,
culmine avec la « formule club » des villages-vacances, comme le Club Méditerranée,
fondé en 1950. Le temps y est organisé selon les activités, les excursions, les heures de départ,
d'arrivée, de repas. Le dépaysement et le relâchement des mœurs sont garantis,
l'amusement et l'aventure mis en scène, le rythme intense assuré comme à l'usine.
D'autres formes touristiques continuent toutefois d'exister
en parallèle des grosses machines industrielles. L'avènement du low cost au tournant des années
2000 a permis l'apparition des courts séjours qui paraissent abolir les distances. C'est le
fameux « week-end à Rome » chanté par Étienne Daho. [noir, pas de musique] Ne me demandez
pas d'où vient cette référence, merci. [fin] Dans la même veine, le tourisme thérapeutique a
évolué en tourisme médical : partir deux semaines à l'étranger pour recevoir des soins ou être opéré
à moindre coût, ou dans de meilleures conditions. Un tourisme « responsable » est également apparu,
notamment à travers des expéditions dans lesquelles l'objectif est autant de voyager
et de découvrir une région que d'aider les populations et de se découvrir soi-même.
Mais pour le sociologue Rachid Amirou, il s'agt là de l'ultime tromperie ! Il parle ainsi d'une
construction exotiques de la pauvreté comme gage d'authenticité. C'est vous dire à quel
point il est peu emballé par la formule. En lien avec ce paradoxe, les géographes
ont établi la catégorie dite du « dark tourism » : les séjours organisés ou guidés
dans les espaces de grande pauvreté, voire de violence, comme dans les favelas de
Rio de Janeiro, ou dans les lieux morbides Par exemple, visiter Auschwitz peut relever
du tourisme mémoriel : se rappeler ou appréhender les horreurs commises par le régime nazi. C'est
une forme de voyage en soi, qui n'a rien de condamnable. Mais le même voyage à Auschwitz peut
bien constituer un petit shoot d'adrénaline pour ceux qui voudraient simplement voir un lieu où se
sont déroulés des atrocités, ce qui est subitement bien moins nobles sur le plan moral. Ce qui
correspond pourtant à une même réalité de voyage n'est pas à une même expérience vécue.
On en revient alors à l'origine même du principe du tourisme : voyager pour être coupé de son
quotidien, et expérimenté la différence. Le tout reste de savoir de quelle expérience on veut...
Aujourd'hui, ou en tout cas jusqu'à l'apparition du Covid-19, les sociétés d'Europe et d'Asie,
mais aussi les élites internationales en général, ont permis l'avènement d'une
nouvelle étape de « touristification » : un tourisme de masse omniprésent dans l'espace
et diversifié dans les pratiques. Jusqu'en 2019, les professionnels
du loisir mais aussi les sociologues et les géographes voyaient l'émergence d'un bloc
asiatique demandeur de voyage, à tel point que la consommation touristique de l'Asie
commençait à rattraper le bloc américain. Le bloc européen, lui, ralentissait, alors qu'il
avait longtemps dominé le paysage touristique. L'augmentation exponentielle des quantités
de touristes, et le fait que cet été 2021 voie la relâche des restrictions sanitaires
et une envie généralisée de « revenir à la normale » et donc à la reprise des voyages
et des divertissement « d'avant », pérennise le constat du géographe Michel Lussault :
le touriste est devenu un « genre commun ». Pourtant, la récente (et encore en cours) crise
sanitaire du covid-19 a rebattu les cartes. Le tourisme international a été subitement stoppé,
tandis que le tourisme national, en France, a été très fortement ralenti, jusque dans les secteurs
annexes comme la culture et la restauration. Dans une partie conséquente de l'opinion publique,
il devient désormais courant de lire et d'entendre que l'on ne voyagera plus comme avant, que
le tourisme de masse n'est plus valorisé ou même désirable, de par les risques de santé qu'il pose,
mais aussi en raison de son coût environnemental. Pourtant, l'industrie n'a pas eu le temps de se
retourner. Dans certains pays, elle pèse même pour une part importante de la richesse et des emplois
– c'est le cas en France, par exemple. Nous sommes en juin et, j'en suis sûr, nombre d'entre
vous ont déjà reçu la newsletter d'un voyagiste alignant les offres promotionnelles et célébrant
le retour des vols longs courriers, ou bien vu des affiches placardées dans les rues des villes,
comme si la mondialisation touristique s'apprêtait à relancer sa machine, exactement comme avant :
massive, attractive, rassurante. Sur cette chaîne, il n'y a aucun
devin. A l'inverse, notre truc, c'est plutôt de regarder en arrière. Aussi, je ne ferai aucune
prédiction tarabiscotée quant à l'avenir du tourisme, dans son ampleur ou dans ses formes.
J'espère, en revanche, que cette vidéo vous aura donné des éléments
de réflexion utiles pour appréhender cet été et les suivants. Je vous souhaite de
bien profiter et de prendre soin de vous. Et en attendant, je vous dis à la prochaine !
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