Les profiteurs de l'Afrique - Ces idées qui gouvernent le monde

LCP - Assemblée nationale
12 Mar 202356:32

Summary

TLDRL'émission 'Ces idées qui gouvernent le monde' explore les défis et les opportunités de l'Afrique dans le contexte de la mondialisation. Les invités, dont Aminata Dramane Traoré, Sylvie Brunel, Calixthe Beyala et Antoine Glaser, débattent des facteurs internes et externes qui influencent le développement du continent, tels que la corruption, les conflits, et les politiques économiques des grandes puissances. Ils discutent également de la souveraineté africaine, de l'impact des ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales, et de la résilience de l'Afrique face à la pandémie de Covid-19. L'échange met en lumière la nécessité pour l'Afrique de prendre en main son destin économique et social, en reconnaissant et en exploitant ses richesses et sa démographie jeune.

Takeaways

  • 🌏 L'Afrique est un continent riche en ressources et en potentiel de développement, mais confronté à des défis internes tels que la corruption, les conflits et le terrorisme.
  • 📉 L'influence des institutions telles que le FMI, la Banque mondiale et l'OMC est reconnue pour avoir un impact négatif sur l'économie africaine par le biais d'ajustements structurels.
  • 💡 L'Afrique est en quête de souveraineté légitime pour faire face aux enjeux économiques, sociaux et climatiques globaux.
  • 👥 La participation de personnalités telles que Mme Aminata Dramane Traoré, Sylvie Brunel, Calixthe Beyala et Antoine Glaser apporte des perspectives variées sur les problèmes et les opportunités de l'Afrique.
  • 🔄 L'histoire de l'esclavage et de la colonisation a profondément affecté le développement de l'Afrique, laissant un héritage de pauvreté et de dépendance.
  • 🌱 L'Afrique a démontré de la résilience face à des crises telles que la pandémie de Covid-19, montrant son potentiel pour un développement durable.
  • 🌐 L'interconnexion mondiale et la présence de puissances telles que la Chine, la Russie et l'Europe ont un impact sur les affaires intérieures de l'Afrique.
  • 📚 L'éducation et la santé sont identifiés comme des domaines clés pour l'amélioration de la situation socio-économique en Afrique.
  • 🏛️ La corruption et les dictateurs sont évoqués comme des obstacles au développement et à la prospérité de l'Afrique.
  • 🛑 L'Afrique est souvent perçue comme une victime de l'exploitation des ressources et du pillage, nécessitant une approche différente pour gérer ses richesses.
  • 📈 L'Afrique a le potentiel de devenir une puissance mondiale à mesure que les défis sont relevés et que les opportunités sont saisies.

Q & A

  • Quelle est la principale affirmation du pape François concernant l'Afrique?

    -Le pape François a déclaré que l'Afrique subissait toujours les effets délétères d'un colonialisme économique déchaîné.

  • Quels facteurs sont mentionnés pour expliquer la situation précaire de l'Afrique?

    -Les facteurs mentionnés incluent les conflits violents, le terrorisme, la corruption endémique, ainsi que l'ingérence et le contrôle par des puissances étrangères.

  • Quels sont les griefs de Mme Aminata Dramane Traoré contre le système économique mondial?

    -Mme Traoré accuse le système économique mondial d'être destructeur et prédateur, et de maintenir l'Afrique dans une position de sous-tutelle, empêchant le continent d'être protagoniste de son propre destin.

  • Comment Sylvie Brunel perçoit-elle l'impact de la colonisation de l'Afrique?

    -Sylvie Brunel souligne que les marchands, militaires et missionnaires qui ont fondé la colonisation de l'Afrique continuent d'exister sous d'autres formes, avec une présence omniprésente dans les 54 pays africains.

  • Quelle est la position de Calixthe Beyala sur la situation économique de l'Afrique?

    -Calixthe Beyala estime que l'Afrique est riche mais que sa population est pauvre et luttent pour sa survie. Il accuse les dirigeants africains de ne pas agir en faveur de leur peuple.

  • Quels sont les arguments d'Antoine Glaser sur le rôle des institutions financières internationales en Afrique?

    -Antoine Glaser soutient que les institutions comme la Banque mondiale et le FMI ont créé une dépendance en Afrique, en imposant des ajustements structurels qui ont eu des conséquences néfastes.

  • Que pensez-vous de l'idée que l'Afrique est devenue un dépotoir pour les déchets du monde industrialisé?

    -Cette idée est largement reconnue par les participants, qui déplorent le fait que l'Afrique reçoive les déchets et les produits obsolètes des pays développés, contribuant à sa pollution et à son sous-développement.

  • Comment les invités perçoivent-ils le rôle de la jeunesse africaine dans le développement du continent?

    -Ils reconnaissent l'importance de la jeunesse africaine, soulignant qu'elle est devenue digne et consciente de la richesse du continent. Ils croient que la jeunesse a le potentiel de guider l'Afrique vers un développement durable.

  • Quelle est la vision de l'avenir de l'Afrique exprimée par les invités?

    -La vision de l'avenir est optimiste, avec l'idée que l'Afrique peut devenir un leader mondial grâce à sa jeunesse, sa démographie et ses ressources naturelles, à condition de gérer intelligemment ces atouts.

  • Comment les invités abordent-ils la question de la souveraineté et de la dépendance de l'Afrique par rapport au reste du monde?

    -Ils discutent de la manière dont l'Afrique peut atteindre une souveraineté légitime tout en étant conscients de sa dépendance actuelle à l'égard des puissances mondiales, en particulier en ce qui concerne le développement et l'aide.

  • Quels sont les défis auxquels l'Afrique est actuellement confrontée selon les invités?

    -Les défis mentionnés incluent la corruption, la mauvaise gouvernance, la dépendance aux ressources naturelles, la pollution par les déchets en provenance des pays développés, et la nécessité de trouver un modèle de développement alternatif.

Outlines

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🌏 L'Afrique et la mondialisation

Le paragraphe introduit le sujet de la participation de l'Afrique à la mondialisation et souligne les défis internes tels que les conflits, le terrorisme et la corruption qui entravent son développement. Le rôle de l'ingérence extérieure, y compris les politiques économiques imposées par des institutions telles que la Banque mondiale, le FMI et l'OMC, est également critiqué. La discussion met en lumière le désir de l'Afrique de gagner en souveraineté et de mieux contrôler son destin.

05:02

👥 Les acteurs de la prédation en Afrique

Ce paragraphe présente une discussion entre des invités sur les causes de l'état actuel de l'Afrique, y compris l'histoire de l'esclavage et de la colonisation. Les invités abordent les conséquences de ces politiques, comme la pauvreté, la corruption et la dépendance, et discutent de la manière dont l'Afrique cherche à surmonter ces défis pour atteindre un développement durable.

10:03

💬 L'Afrique face à la dépendance et la souveraineté

Les invités débattent sur la manière dont l'Afrique peut assumer un destin souverain tout en étant dépendante du reste du monde. Ils discutent des différences entre les profiteurs extérieurs et ceux du continent, ainsi que des responsabilités des institutions financières internationales et des dirigeants africains dans la situation actuelle de l'Afrique.

15:04

🌱 L'Afrique et la gestion de ses ressources

Le paragraphe met en avant les richesses naturelles de l'Afrique et la nécessité de gérer ces ressources de manière intelligente pour assurer un développement durable. Les invités abordent la question de la jeunesse africaine, de l'exode des cerveaux et de la manière dont l'Afrique peut tirer parti de sa démographie pour devenir une puissance mondiale.

20:04

🔄 Les défis et les opportunités pour l'Afrique

Les invités discutent des défis économiques et sécuritaires auxquels l'Afrique est confrontée, y compris les interventions militaires et les stratégies des puissances émergentes. Ils identifient également les opportunités pour l'Afrique de renforcer sa souveraineté et de jouer un rôle plus important sur la scène internationale.

25:06

🌐 L'Afrique dans la nouvelle économie mondiale

Ce paragraphe explore comment l'Afrique peut tirer profit de la transition écologique et des nouvelles technologies pour devenir une puissance mondiale. Les invités soulignent l'importance de la souveraineté et de la gestion intelligente des richesses naturelles pour le développement de l'Afrique.

30:08

📚 L'importance de l'éducation et de la santé en Afrique

Les invités discutent de la manière dont l'Afrique a progressé dans les domaines de l'éducation et de la santé au cours des 50 dernières années. Ils reconnaissent les réalisations tout en identifiant les défis qui restent, tels que la création d'universités panafricaines et l'adoption de systèmes de santé traditionnels.

35:11

🛑 L'impact des politiques économiques internationales en Afrique

Ce paragraphe examine l'impact des ajustements structurels imposés par les institutions telles que le FMI et la Banque mondiale sur les économies africaines. Les invités débattent sur la manière dont ces politiques ont affecté la souveraineté des pays africains et ont contribué à des problèmes socio-économiques.

40:12

🚫 L'Afrique comme un dépotoir du monde

Les invités dénoncent la manière dont l'Afrique est devenue un dépotoir pour les déchets et les produits obsolètes provenant de l'Occident. Ils discutent de la pollution et de l'impact sur l'environnement et l'économie de l'Afrique, ainsi que de la nécessité pour l'Afrique de se développer sans suivre le modèle capitaliste destructeur.

45:12

🌱 L'Afrique et la chance de l'écologie

Dans ce paragraphe, les invités abordent l'opportunité pour l'Afrique de développer un modèle écologique durable qui profite à la fois de ses traditions et de la modernité. Ils discutent de la manière dont l'Afrique pourrait être un leader dans la gestion des ressources naturelles et la protection de l'environnement.

50:14

👩‍🌾 L'importance de la souveraineté alimentaire en Afrique

Les invités reconnaissent l'importance de la souveraineté alimentaire pour l'Afrique et la nécessité de valoriser les paysans et l'agriculture traditionnelles. Ils débattent de la manière dont la pandémie et les conflits ont mis en lumière l'importance de la sécurité alimentaire et de la nécessité de reconsidérer les pratiques agricoles et la place des paysans dans la société.

Mindmap

Keywords

💡Mondialisation

La mondialisation est le processus par lequel les échanges économiques, culturels, politiques et technologiques entre les nations deviennent plus étroits et interdépendants. Dans le script, la mondialisation est mentionnée comme un cadre dans lequel l'Afrique participe, mais son profit est discuté en raison de facteurs internes et externes tels que les conflits, la corruption et les politiques économiques imposées par des organisations internationales.

💡Colonialisme économique

Le colonialisme économique se réfère à l'exploitation et au contrôle d'une économie par une puissance étrangère, souvent au détriment du pays colonisé. Le pape François est cité dans le script pour dénoncer les effets délétères du colonialisme économique sur l'Afrique, soulignant comment ce passé continue d'affecter le continent.

💡Ajustements structurels

Les ajustements structurels sont des réformes économiques radicales prescrites par des institutions telles que le FMI et la Banque mondiale, souvent en échange d'aide financière. Ils impliquent généralement des coupes budgétaires, la libéralisation du commerce et la privatisation. Le script mentionne les ajustements structurels comme étant responsables de la précarisation de l'Afrique.

💡Pillage des ressources

Le pillage des ressources fait référence à l'extraction illégale ou non réglementée des richesses naturelles d'un pays. Dans le script, le pillage est évoqué comme l'une des pratiques historiques et actuelles qui ont empêché l'Afrique de bénéficier pleinement de ses richesses minières et énergétiques.

💡Souveraineté

La souveraineté est l'autorité suprême et l'indépendance d'un État ou d'un gouvernement. Le script aborde la souveraineté comme un défi pour l'Afrique, qui cherche à exercer un contrôle plus étroit sur son destin face aux pressions internationales et à la manipulation de ses ressources.

💡Développement

Le développement fait référence à la progression économique et sociale d'un pays ou d'une région. Le script remet en question la signification du développement pour l'Afrique, considérant les indicateurs de progrès humain tels que la santé, l'éducation et le niveau de vie, malgré l'image persistante de prédation et de sous-développement.

💡Dette

La dette est une obligation financière contractée par un État ou une institution, souvent pour financer des projets d'infrastructure ou des mesures économiques. Le script discute de la dette de l'Afrique comme élément du système de prédation, où les pays africains sont endettés pour financer des projets bénéfiques à des entreprises étrangères et doivent rembourser ces dettes.

💡Dépendance

La dépendance économique se manifeste lorsque la prospérité et le développement d'un pays sont largement influencés ou contrôlés par d'autres nations ou organisations. Dans le script, la dépendance est abordée comme un obstacle à la souveraineté et au développement autonome de l'Afrique.

💡Inégalités

Les inégalités font référence aux différences dans le statut socio-économique, les droits et les opportunités entre différents groupes de la société. Le script souligne les inégalités au sein de l'Afrique et la nécessité de les corriger pour permettre une union économique et une harmonie sur le continent.

💡Déstabilisation

La déstabilisation est le processus par lequel l'ordre, la stabilité ou la cohésion sociale est compromise, souvent de manière à favoriser des changements politiques ou économiques. Dans le script, la déstabilisation est implicite dans la discussion des impacts des politiques internationales et des interventions sur la situation en Afrique.

💡Transition écologique

La transition écologique est le passage vers des systèmes économiques et sociaux basés sur l'utilisation durable des ressources et la réduction du changement climatique. Le script mentionne que l'Afrique possède les richesses nécessaires pour réussir cette transition, ce qui souligne l'importance de la souveraineté et de la gestion responsable des ressources.

💡Imperialisme

L'impérialisme est la politique ou la pratique d'une nation qui cherche à étendre son pouvoir et son influence sur d'autres pays, souvent par la domination économique ou militaire. Dans le script, l'impérialisme est impliqué dans les discussions sur les nouvelles puissances qui s'intéressent à l'Afrique pour leurs propres intérêts.

💡Développement durable

Le développement durable est un mode de développement qui satisfait les besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Le script suggère que l'Afrique a le potentiel de se développer de manière durable, en utilisant ses ressources de manière responsable et en apprenant des modèles occidentaux sans reproduire leurs erreurs.

💡Paysans et agriculture

Le script met en lumière l'importance des paysans et de l'agriculture pour la souveraineté alimentaire et la sécurité écologique en Afrique. Les paysans sont soulignés comme étant au cœur de la production de nourriture et la gestion des ressources naturelles, et leur travail est essentiel pour répondre aux défis actuels et futurs.

💡Alimentation

L'alimentation est mentionnée dans le script comme un enjeu crucial qui est souvent négligé au profit de l'industrialisation et du capitalisme international. La souveraineté alimentaire est présentée comme un élément clé pour la stabilité et la prospérité de l'Afrique, et la nécessité de reconnaître et de valoriser le travail des paysans est abordée.

Highlights

L'Afrique participe activement à la mondialisation et possède de nombreux atouts pour favoriser le progrès et le développement, tels qu'une démographie jeune, des richesses minières et énergétiques, une classe moyenne consommatrice et une croissance soutenue.

En dépit de ses richesses, l'Afrique ne bénéficie pas à la mesure de ses ressources en raison de facteurs internes tels que des conflits violents, le terrorisme et une corruption endémique.

Selon une majorité d'observateurs, l'Afrique n'est pas maîtresse de son destin, soumise à des influences externes telles que les ajustements structurels de l'FMI, la Banque mondiale et l'OMC, ainsi que les pressions de la Chine, de la Russie et de l'Europe.

Le pape François a souligné les effets délétères du colonialisme économique déchaîné en Afrique, lors d'un récent déplacement en République démocratique du Congo.

L'Afrique cherche à conquérir une souveraineté légitime pour faire face aux enjeux économiques, sociaux, climatiques et stratégiques mondiaux.

L'histoire de l'esclavage et de la colonisation a laissé un héritage de prédation et de mal-développement en Afrique, avec des talents et des dirigeants forts éliminés ou exilés.

La décolonisation en Afrique est restée inachevée, avec des pays sous tutelle et un système économique destructeur et prédateur.

Les marchands, militaires et missionnaires, qui ont fondé la colonisation de l'Afrique, sont toujours présents sous d'autres formes.

L'Afrique est en queue des indicateurs de développement, en dépit de ses richesses et de la vitalité de sa population.

La jeunesse africaine est devenue digne et consciente de ses richesses et de son potentiel de développement.

Il existe une asymétrie économique entre les différents pays africains, avec certains pays plus avancés que d'autres en termes d'éducation, de système de santé et de produit national brut.

La diversité des pays africains et les différences dans le leadership expliquent en partie les disparités de développement économique.

L'Afrique doit gérer sa jeunesse croissante, qui représente une opportunité mais aussi un défi en termes de formation et d'emploi.

L'Afrique a montré une résilience extraordinaire face à la pandémie de Covid, contrairement à ce que beaucoup n'ont pas anticipé.

Les pays émergents et les puissances mondiales s'intéressent de plus en plus à l'Afrique, offrant de nouvelles opportunités et défis.

Les ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales ont eu un impact négatif sur les économies africaines et ont créé une dépendance.

L'Afrique doit reprendre la souveraineté sur ses richesses et sur son développement pour éviter la prédation et pour progresser.

Les traditions africaines en matière d'écologie et de développement durable pourraient être un atout pour le continent à l'ère du changement climatique.

L'Afrique a le potentiel de devenir une puissance mondiale à l'image des pays d'Asie, grâce à sa démographie, ses ressources et sa capacité à innover.

Transcripts

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Générique

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...

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-Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".

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Les profiteurs de l'Afrique, de quoi s'agit-il ?

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L'Afrique participe

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de la mondialisation, tout comme les autres continents.

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Elle ne manque pas d'atouts pour être un aiguillon

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du progrès et du développement.

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Une démographie vigoureuse et jeune,

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des richesses minières

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et énergétiques,

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une classe moyenne qui consomme, une croissance soutenue,

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mais elle n'en profite pas à la mesure

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de ses richesses pour des raisons intérieures,

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parce que ce continent est sans cesse précarisé

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par des conflits violents, le terrorisme et une corruption

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endémique, mais aussi et surtout,

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selon la majorité des observateurs africains,

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voire occidentaux, parce que ce continent

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n'est pas protagoniste de son destin.

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Selon le pape François, au cours d'un récent déplacement

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en République démocratique du Congo,

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l'Afrique subirait toujours

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les effets délétères - je le cite -

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d'un colonialisme économique déchaîné.

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Sont incriminés,

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pêle-mêle, les drastiques ajustements

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structurels du FMI, de la Banque mondiale, de l'OMC,

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les pressions de la Chine, de la Russie,

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de l'Europe, le pillage des ressources,

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le soutien des dictateurs, l'ingérence

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dans les affaires intérieures. Bref,

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l'Afrique cherche à conquérir une légitime souveraineté

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pour agir face aux enjeux économiques, sociaux,

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climatiques et stratégiques

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qui agitent

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la planète. Pour en parler

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et discerner qui sont ces profiteurs de l'Afrique,

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nous le ferons avec mes invités

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que je vous présente.

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Nous avons Mme Aminata Dramane Traoré

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qui est en visioconférence depuis le Mali.

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Je rappelle, Mme Traoré, que vous êtes ancienne ministre

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de la Culture et du Tourisme du Mali.

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Vous êtes également essayiste. Sylvie Brunel,

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vous êtes professeur

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des universités. Calixthe Beyala,

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vous êtes romancière.

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Antoine Glaser, vous êtes journaliste et essayiste.

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Vous venez de voir cette citation du pape François

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qui dit : "Cessez d'étouffer

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"l'Afrique : elle n'est pas une mine à exploiter

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"et une terre à dévaliser."

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D'après les statistiques et autres projections,

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tant internationales qu'africaines, l'Afrique connaît

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un développement certain et des avancées

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conséquentes, de l'espérance de vie

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aux autres indicateurs du développement humain,

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qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, du niveau de vie.

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Pourquoi cette image persistante de prédation,

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de pillage des ressources, de corruption croissante,

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bref, de mal-développement ? Calixthe Beyala.

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-Ecoutez, je tenais d'abord à saluer Aminata.

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Vraiment, mais vraiment. Salut.

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Cela est dû, essentiellement, d'abord,

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à l'histoire de l'esclavage, à l'histoire coloniale aussi.

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Quand un peuple a été, pendant des siècles,

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aussi maltraité, méprisé, écrasé, étouffé...

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N'oubliez surtout pas que, durant ces périodes,

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tous les hommes brillants

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ont été systématiquement

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soit déportés, soit assassinés.

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L'Afrique s'est retrouvée, à un moment donné,

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très démunie. Tous les Kwame Nkrumah sont

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retrouvés morts en exil, les Um Nyobe...

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Tous ces hommes qui portaient l'Afrique

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- vous savez, toutes les sociétés ont besoin

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de figures fortes pour avancer -

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ont été décimés. On a laissé les plus fragiles.

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Ceux qui demandaient

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le moins l'indépendance, on les a mis au pouvoir.

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Les plus faibles parmi nous,

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on les a mis au pouvoir

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pour pouvoir mieux les contrôler, mieux exploiter l'Afrique,

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mieux tuer les Africains, d'ailleurs, parce que

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nous sommes pris par ces organisations mondiales

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dont vous parlez, qui nous exploitent,

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mais aussi - ça dépend des pays, d'ailleurs -

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en Afrique centrale, par nos propres dictateurs,

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nos propres frères qui nous mettent dans une situation difficile.

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Depuis les ajustements structurels...

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-On va rentrer dans le détail. Je voulais juste

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une première impression. Vous aurez l'occasion

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de détailler les différents points. Mme Traoré,

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une première impression sur cette question-là,

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ce mal-développement malgré les atouts.

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Une première impression. Qu'est-ce que vous en pensez ?

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*-Moi, je doute,

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d'abord.

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Je me pose des questions sur ce que...

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ce développement veut dire.

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Quand vous dites que l'Afrique est

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dans la mondialisation au même titre que les autres

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et que j'entends parler

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d'un certain nombre d'indicateurs,

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l'idée consiste à dire de toute façon

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que la mondialisation est un marché et aurait tiré

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- en tout cas, en ce qui concerne le Sud global -

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bon nombre de gens de la pauvreté, et ainsi de suite.

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Soyons réalistes. Prenons le pouls

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du monde, au moment où je vous parle,

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d'où vous me parlez et d'où je vous parle.

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J'ai l'intime conviction

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que la mondialisation heureuse est une sorte de chimère

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et que, chez nous, de toute façon,

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la décolonisation est restée inachevée.

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Nous sommes des pays sous tutelle.

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Immédiatement après l'accession

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à ce que nous avons cru être l'indépendance,

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on a emboîté le pas...

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En fait, on n'a pas su rompre avec un système économique

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destructeur, prédateur, ce qui est lié à la nature

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du système global. -Vous incriminez

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le système global. Vous en pensez quoi,

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Sylvie Brunel,

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de cette image

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un peu déconsidérée de l'Afrique, malgré les atouts

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et le développement ? -Un fait est certain :

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les marchands, militaires et missionnaires

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qui fondaient la colonisation de l'Afrique

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sont toujours à l'oeuvre dans les Afrique.

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Ils prennent d'autres formes, mais ce sont toujours des marchands,

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militaires et missionnaires omniprésents dans les 54 pays

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d'Afrique, et quand on regarde... -Vous voulez dire

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qu'il y a un continuum colonial ?

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-Oui, mais il a changé de nature. Les profiteurs de l'Afrique

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sont aujourd'hui extrêmement nombreux,

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à l'extérieur et à l'intérieur. C'est ça, le comble.

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Ce continent qui est formé de forces vives

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extrêmement marquantes et qui pourrait apprendre

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au reste du monde ce que sont

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le développement durable, la résilience,

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l'économie de l'ensemble des matières,

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la relation

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avec la nature, cette vitalité, eh bien, ce continent continue

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d'être en queue des indicateurs de développement.

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J'en veux pour preuve quelque chose qui me marque :

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le taux de mortalité infantile.

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C'est un bon révélateur de la situation d'un pays.

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C'est le nombre d'enfants qui meurent avant l'âge d'un an

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pour 1000 naissances vivantes.

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La moyenne mondiale est de 28 pour 1000.

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Elle a beaucoup baissé.

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On est vraiment dans une évolution qui est très encourageante,

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mais en Afrique, c'est toujours presque le double.

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Ce continent africain, c'est un continent riche,

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peuplé de pauvres qui se battent

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au quotidien pour leur survie, avec des dirigeants

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qui ne font pas ce qu'il faudrait pour aider leur peuple.

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-Et vous, Antoine Glaser ?

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-Pour poursuivre un peu, je pense que c'est surtout

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une sorte de substitution, je veux dire,

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en dehors d'un certain nombre d'acteurs

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qui sont toujours présents. Ce qui m'a vraiment surpris

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- bien sûr, j'ai plus connu la période postcoloniale -

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c'est à quel point, finalement,

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des personnalités dans tous les secteurs,

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et moi-même... Je me considère

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comme un profiteur de l'Afrique. En tant que journaliste

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spécialiste de l'Afrique, j'ai pu, pendant 30 ans,

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faire des bouquins. Mes petites publications

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avaient un retentissement, parce que mes confrères

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africains et français d'origine africaine

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n'étaient pas pris au sérieux en France

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ou étaient sous la pression

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des autocrates dans leur pays.

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Je balaye devant ma porte. J'ai connu

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la substitution. Ca a été l'enseignement.

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Tout le domaine de l'enseignement, pendant 30 ans,

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c'était des dizaines de milliers de Français

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qui faisaient la coopération. Je ne critique pas leur travail,

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mais j'ai vu des rapports du ministère de la Coopération.

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En 89-90 encore, ils ont dit : "Arrêtons, parce que, là,

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"sur 5000 coopérants, il y en a 70

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"qui sont des enseignants et qui font à la place

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"des Africains." Si on ne comprend pas

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qu'il faut arrêter de se substituer

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aux Africains, pas simplement

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leur donner des leçons, mais faire à leur place...

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Et puis, la deuxième chose... A un moment donné,

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il faut comprendre qu'il y a une période

play10:05

où il faut arrêter de faire "à la place de"

play10:08

et apprendre de l'Afrique. On n'a pas appris de l'Afrique.

play10:11

On a exporté, dans tous nos pays,

play10:13

pas juste une Constitution ou notre langue,

play10:15

mais notre façon de faire.

play10:18

-Aminata Traoré, je voudrais vous poser

play10:20

une question qui peut paraître provocante et délicate,

play10:25

mais j'aimerais avoir votre avis.

play10:28

L'Afrique se veut de plain-pied dans le monde,

play10:34

même si vous dites que la mondialisation est malheureuse.

play10:38

Elle est quand même pleinement active,

play10:40

parce que c'est une forte population

play10:43

avec des ressources, une activité,

play10:46

mais elle est toujours à la recherche

play10:49

d'une aide au développement.

play10:51

La question que je vous pose - et c'est à vous que je la pose,

play10:54

parce que vous avez exercé des responsabilités politiques -

play10:58

c'est : comment on peut assumer un destin souverainement,

play11:02

tout en restant dépendant du reste du monde ?

play11:08

-Moi, d'abord,

play11:10

je voudrais que l'on fasse

play11:14

la distinction entre un profiteur de l'extérieur

play11:18

et un profiteur de l'intérieur.

play11:21

Je crois que, pour...

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Il faut inscrire l'Afrique dans le monde.

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Il n'y a pas... Il y a des spécificités africaines.

play11:32

C'est une histoire singulière,

play11:34

pour les raisons que Calixthe a évoquées,

play11:38

mais, moi, je me dis que

play11:42

les responsabilités... Je peux pas dire que...

play11:45

Le FMI, la Banque mondiale...

play11:49

Toutes ces institutions financières, monétaires...

play11:56

C'est des relations de dominant à dominé.

play11:58

Ca a toujours été ça.

play12:02

De la traite négrière à ce jour, le système capitaliste

play12:06

a toujours eu besoin des richesses du continent,

play12:09

en hommes, les esclaves, en ressources naturelles.

play12:13

Rien n'a changé. Quand je réfléchis...

play12:16

J'ai regardé ce matin la situation de la dette africaine.

play12:19

Nous nous sommes endettés en mettant en place

play12:22

des infrastructures dont les grandes entreprises

play12:26

étrangères avaient besoin et ont besoin.

play12:29

On rembourse, aujourd'hui.

play12:32

Vous dites que j'ai été au pouvoir. J'ai été ministre de la Culture

play12:36

et du Tourisme. Je sais de près

play12:40

que l'Afrique n'a pas eu que des dictateurs,

play12:42

que des corrompus.

play12:44

Les dirigeants n'ont pas de marge de manoeuvre,

play12:46

car les décisions se prennent ailleurs.

play12:49

Ca, c'est pas spécifique à l'Afrique.

play12:51

-Oui, mais... -Je connais bien...

play12:53

-Mme Traoré, sur la question de la dépendance,

play12:57

est-ce qu'il n'y a pas un problème ?

play13:00

Etre à la fois dépendant et vouloir être souverain,

play13:04

c'est quand même... Les gens s'interrogent

play13:07

à ce sujet-là. -Mais l'Afrique n'a pas choisi

play13:10

d'être dépendante. On a créé cette dépendance.

play13:14

Quand nous étions à la sortie de ce...

play13:17

Quand nous avons cru échapper au joug colonial,

play13:20

qu'est-ce que nous avons fait ?

play13:21

Nous avons continué la même culture de rentes,

play13:24

ce que Samir Amin appelle "l'échange inégal".

play13:27

L'échange inégal a prévalu et continue.

play13:32

Nous ne décidons pas du prix des matières premières.

play13:35

Quand on connaît le processus

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de l'endettement, on a été...

play13:40

Je ne suis pas dans la victimisation,

play13:43

mais c'est clair que le fardeau de la dette,

play13:45

la manière dont le commerce mondial

play13:49

est structuré et géré, c'est un système de pillage

play13:53

de l'Afrique, et pas du fait des Africains.

play13:56

C'est pas le choix des Africains.

play13:58

-Calixthe Beyala,

play13:59

pour poursuivre le débat,

play14:02

j'aimerais avoir votre avis. L'Afrique, ce sont des Afrique

play14:06

et de nombreux pays

play14:07

africains. Comment expliquer que

play14:11

certains se débrouillent mieux que d'autres,

play14:14

à la fois au niveau

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de l'éducation,

play14:17

du système de santé, voire du produit

play14:20

national brut ? Comment vous expliquez

play14:22

cette différence

play14:24

entre les économies et les sociétés en Afrique ?

play14:27

-Avant de répondre, je voudrais revenir sur quelque chose.

play14:31

Vous avez parlé de dépendance de l'Afrique,

play14:33

mais, aujourd'hui, nous sommes tous interdépendants.

play14:37

L'Afrique dépend de l'Occident, qui dépend de l'Afrique

play14:40

et de l'Asie. Nous sommes interconnectés

play14:43

à des degrés divers, mais, aujourd'hui,

play14:46

personne n'est totalement autonome. Il faut arrêter.

play14:49

Non, non. -L'aide au développement

play14:51

ne concerne pas tous les pays.

play14:53

-Mais vous pouvez la récupérer, votre aide

play14:56

au développement ! Vous envoyez

play14:58

de l'aide à des dictateurs

play15:00

et vous dites aider les Africains ? Personne ne nous aide.

play15:03

Je tiens à le signaler. Deuxième chose :

play15:06

la jeunesse africaine est devenue

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très digne. Elle n'est pas en train

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de quémander. Même s'il y a quelques gamins

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qui traversent la mer pour survivre,

play15:15

l'Afrique n'a jamais été aussi digne

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qu'à l'heure actuelle. Je tiens à le dire.

play15:20

Nous ne sommes pas des mendiants.

play15:22

La jeunesse africaine a conscience, aujourd'hui,

play15:26

qu'elle a des matières premières, qu'elle est riche,

play15:29

qu'elle peut se développer. Nous sommes sur un autre...

play15:33

Enfin, un autre schéma. Beaucoup de choses ont changé.

play15:36

Je vais répondre à votre question.

play15:38

Certains pays sont plus avancés que d'autres,

play15:41

parce qu'ils ont eu des meilleurs dirigeants.

play15:43

Ils ont eu des meilleurs dirigeants, notamment au Ghana,

play15:47

avec les Rawlings qui ont quand même éliminé

play15:51

- on a beau dire ce qu'on veut - tous les corrompus

play15:54

et qui ont permis que le peu qu'ils avaient

play15:57

- malgré ce que la Banque mondiale et le FMI faisaient -

play16:00

servait à éduquer leur peuple,

play16:04

à le scolariser

play16:06

et à le soigner. Par exemple, en Afrique centrale,

play16:09

on a eu des bouffons.

play16:10

Il faut se dire la vérité. Au Cameroun,

play16:13

au Gabon ou en Centrafrique,

play16:17

on a eu des sanguinaires, des gens qui étaient là,

play16:19

qui pillaient tout, qui volaient tout,

play16:23

qui ne se sont pas souciés de leur peuple.

play16:25

Il y a cette responsabilité qui est là.

play16:28

Je ne suis pas toujours en train de dire

play16:30

que la responsabilité est ailleurs.

play16:32

Quelquefois, on peut nourrir sa famille

play16:34

avec peu. On peut avoir le sens du partage.

play16:37

Beaucoup d'Africains aussi,

play16:40

comme leurs maîtres européens,

play16:42

n'ont pas eu le sens du partage, du vivre-ensemble,

play16:47

de donner un peu à l'autre. Il y a une responsabilité partagée.

play16:51

Moi, au fil des années, quand j'avance dans la vie,

play16:54

je trouve qu'il n'y a pas

play16:56

quelqu'un qui ressemble plus à un homme

play16:58

qu'un autre homme, quelle que soit sa couleur.

play17:01

Ils se ressemblent. Les capitalistes

play17:03

les pires dans le monde, franchement,

play17:06

j'ai trop vieilli pour penser qu'ils sont d'un côté

play17:09

et pas de l'autre. -Antoine Glaser,

play17:11

vous qui avez crapahuté, si je puis dire,

play17:15

dans beaucoup de pays africains et depuis

play17:17

si longtemps, comment vous expliquez

play17:20

cette différence de niveau économique

play17:22

entre les pays

play17:24

africains ? -D'abord,

play17:26

c'est vrai qu'on est toujours obligé de parler de la diversité.

play17:30

Vous avez un certain nombre de pays

play17:32

qui ont mené des mouvements de libération,

play17:34

que ce soit l'Afrique du Sud, l'Algérie ou autre.

play17:37

Ils ne demandent pas à avoir des cadres de l'extérieur

play17:41

ou, alors, il y a une aide, mais c'est vraiment différent

play17:44

que des pays qui ont vraiment vécu une période

play17:47

dans un cocon postcolonial, pour faire court,

play17:50

qu'on appelle la Françafrique. Encore une fois,

play17:53

pour moi, avec le recul, c'est vraiment ce truc

play17:56

de faire à la place des Africains, de pas laisser, finalement,

play18:00

pendant longtemps... On parle, actuellement,

play18:03

des changements - Emmanuel Macron -

play18:06

des nouvelles stratégies africaines vis-à-vis de l'armée

play18:09

qui a été humiliée au Mali et au Burkina Faso.

play18:12

Moi, j'ai connu pendant 30 ans, pas simplement parce que la France

play18:16

le voulait, mais parce que les chefs d'Etat préféraient

play18:20

que l'armée française ne forme pas leurs propres militaires,

play18:23

parce qu'ils craignaient les coups d'Etat...

play18:26

-Ca, vous l'avez dit.

play18:27

-Voilà les profiteurs. -Très bien,

play18:29

mais l'asymétrie économique entre les différents pays...

play18:33

-Quand vous avez un pays comme le Gabon

play18:35

où va se rendre Emmanuel Macron... Il y a un million d'habitants.

play18:38

Il y a des richesses incroyables. Il y a eu de l'uranium.

play18:42

Il y encore du manganèse, du pétrole.

play18:44

Si c'était bien géré, ça devrait poser aucun problème.

play18:47

Vous ne pouvez pas comparer ça

play18:49

avec le Nigéria qui fait des élections...

play18:52

Elles sont peut-être pas honnêtes, mais il y a une vraie démocratie

play18:56

avec des élections. Il y a 200 millions d'habitants.

play18:59

Il y en aura 400 millions en 2050.

play19:03

Ca sera... Vous vous rendez compte

play19:05

qu'il y aura un habitant sur Terre sur quatre qui sera africain ?

play19:09

On peut pas comparer. La seule chose

play19:12

qu'il faut se rappeler, c'est que c'est vraiment le moment

play19:15

pour que... Voilà. C'est aux Africains...

play19:18

"L'Afrique aux Africains", c'est pas qu'un mot.

play19:21

On va pas continuer

play19:22

à faire à leur place. Quand je dis

play19:25

"Qu'ils se démerdent", tout le monde dit "Non".

play19:27

-Sylvie Brunel, j'aimerais avoir

play19:30

votre avis, à partir de ce qui a été dit.

play19:33

De ce qui a été dit sur cette différence

play19:36

de développement, est-ce qu'il vous paraît

play19:39

illusoire

play19:41

qu'un jour il y ait un marché économique,

play19:45

une union africaine, mais qui fonctionne en corrigeant

play19:49

ces inégalités, tant au niveau des ressources

play19:51

que de la démocratie ? Est-ce qu'il y a quelque chose, là,

play19:55

qui empêche cette harmonie

play19:58

africaine ? -Vous savez,

play20:00

dans les années 60, on entendait que

play20:02

l'Asie ne pourrait pas se développer.

play20:04

On entendait qu'elle allait basculer dans la famine.

play20:08

Je me souviens encore, quand j'enseignais

play20:10

dans mes jeunes années : l'Inde et la Chine,

play20:13

c'était ce qu'on appelait les PMA, les pays les moins avancés.

play20:16

Aujourd'hui, on parle de la puissance chinoise

play20:19

qui est en train de rivaliser

play20:21

avec la puissance américaine.

play20:23

En réalité, quand on regarde le continent africain,

play20:26

on se rend compte que c'est un vieux socle géologique

play20:30

qui présente l'intérêt d'avoir aujourd'hui

play20:33

à peu près toutes les ressources dont le monde a besoin pour entamer

play20:36

la nouvelle révolution digitale. C'est vraiment

play20:39

le continent le plus avancé, à la fois

play20:43

dans sa gestion de l'économie

play20:46

et dans sa gestion

play20:48

des ressources naturelles.

play20:50

On sait bien que les paysans africains sont

play20:52

dans une stratégie de minimisation des risques.

play20:55

On sait bien à quel point ils ont, depuis très longtemps,

play20:58

mis au point des systèmes pour faire face

play21:01

aux aléas. Le continent africain,

play21:03

ce dont il souffre - mais c'est aussi un atout -

play21:06

c'est que la moitié de la population

play21:08

a moins de 15 ans. Comment voulez-vous gérer

play21:10

un pays où la moitié de la population

play21:13

a moins de 15 ans ? En plus,

play21:15

quand vous formez ces jeunes, eh bien, ils partent.

play21:17

En fait, vous formez des gens extrêmement compétents

play21:20

qui deviennent médecins, ingénieurs, agronomes

play21:23

dans le reste du monde. C'est l'exode des cerveaux.

play21:26

On a, aujourd'hui,

play21:28

une sorte - comment dire - de recul qui fait

play21:32

qu'on a l'impression que l'Afrique est

play21:34

très difficile à développer. Ma conviction, c'est que,

play21:37

dans 30 ans, on regardera ça, en se disant :

play21:40

"Et dire qu'on pensait que l'Afrique

play21:42

"ne se développerait jamais..." En réalité,

play21:45

qu'il s'agisse des personnes âgées

play21:47

qui ne sont pas livrées à elles-mêmes,

play21:49

des mécanismes de solidarité, des mécanismes de résistance

play21:53

et de résilience face aux chocs climatiques,

play21:56

de la capacité à adopter très vite

play21:58

l'innovation, dans ce qu'on appelle

play22:00

le saut de grenouille, on a l'impression qu'il suffit

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qu'il y ait un déclic... On le voit dans certains pays,

play22:06

parce que certains pays sont très, très avancés.

play22:09

Malheureusement, ce sont plutôt

play22:11

des pays où les dirigeants sont un peu autoritaires,

play22:14

mais nous avons aussi des démocraties très avancées.

play22:17

Pour moi, le jour où l'Afrique apprendra

play22:20

à gérer intelligemment tous ces gens qui veulent

play22:24

tirer parti de ses richesses, en faisant jouer

play22:27

les concurrences et les convoitises chinoises, indiennes,

play22:31

turques, israéliennes, françaises, anglaises,

play22:34

américaines, comme le font déjà certains pays,

play22:37

elle deviendra la première puissance mondiale,

play22:40

car elle aura la jeunesse, la démographie,

play22:43

les matières premières et la capacité à gérer la nature.

play22:53

-Venons-en à des questions sécuritaires et stratégiques

play22:58

avec vous, Antoine Glaser.

play23:00

La France poursuit son désengagement

play23:02

militaire de l'Afrique. Des puissances émergentes

play23:06

s'y installent

play23:08

et se payent en ressources minières

play23:11

et autres prédations foncières. Qu'est-ce que

play23:15

vous pensez de ces nouveaux profiteurs ?

play23:17

-Les nouveaux profiteurs...

play23:19

On pense aux Russes de Wagner ou autres.

play23:22

C'est bien évident qu'il y a des profiteurs,

play23:25

mais ils profitent sur un système,

play23:27

c'est-à-dire que c'est pas eux qui créent les problèmes.

play23:30

Ils profitent d'un système ancien. C'est une sorte

play23:33

d'anachronisme historique, parce qu'ils vont être là

play23:36

dans des secteurs... Par exemple, je pense que

play23:39

la France a eu tort de se retirer de la Centrafrique

play23:42

avec l'opération Sangaris,

play23:44

parce qu'ils ont sous-estimé à quel point

play23:48

la Centrafrique était un pays totalement géostratégique,

play23:51

compte tenu de ses frontières,

play23:53

compte tenu du fait que c'est un pays

play23:55

où il y a des diamants.

play23:57

Ca veut dire que Wagner se paye sur les diamants,

play24:00

en particulier. Une poignée de diamants,

play24:02

si vous allez... Un copain y était allé.

play24:05

Vous prenez une poignée de diamants

play24:07

et vous avez 100 millions de dollars dans la main.

play24:10

Avec ça, Wagner peut se payer des mercenaires.

play24:13

La France a laissé tomber la Centrafrique,

play24:15

à tel point que ce sont les Américains

play24:17

qui veulent venir chasser les Russes de Centrafrique.

play24:21

La France en a été chassée,

play24:23

effectivement, mais à mon avis, c'était une période historique.

play24:27

C'était une période décoloniale. On était beaucoup trop présent

play24:31

pendant une période trop longue. Je veux dire que

play24:34

c'est l'histoire qui parle. Il faut

play24:37

vraiment penser que ce continent est devenu...

play24:41

L'Afrique s'est mondialisée sans qu'on s'en rende compte.

play24:44

On regardait la réunification

play24:46

de l'Allemagne. On voyait pas du tout

play24:48

l'Afrique se mondialiser. Je me souviens,

play24:50

dans les milieux patronaux, les mecs disaient

play24:53

"Les Chinois auront besoin de nous", etc.

play24:56

C'est une période historique. Très honnêtement,

play24:59

sur ce continent, il faut faire confiance aux gens

play25:03

qui sont à la manoeuvre. S'il y a des autocrates,

play25:06

ils se débrouilleront, mais les Russes surfent

play25:08

sur des situations anciennes, sur des anachronismes,

play25:12

sur le refoulé, mais il faut parler de l'histoire,

play25:15

de cette période particulière.

play25:17

-Calixthe Beyala, il ne s'agit pas

play25:21

d'avoir des questions qui fâchent, mais il s'agit

play25:24

d'avancer. On parle

play25:26

de profiteurs. C'est le thème de l'émission.

play25:29

La Russie, la Chine, la Turquie... Plein de pays sont là.

play25:34

Ils sont là pour leurs propres intérêts,

play25:36

comme l'était la Françafrique.

play25:40

A votre avis,

play25:42

l'expérience que vous avez de l'Afrique

play25:45

suffit-elle à empêcher ces nouveaux profiteurs

play25:50

de piller l'Afrique ? Qu'est-ce qu'il faudrait

play25:54

pour ne pas les laisser

play25:58

libres de cette prédation ?

play26:00

Tous les pays sont prédateurs.

play26:02

Il n'y a pas que l'Europe, dans ce domaine-là.

play26:06

-Je pense que vous sous-estimez beaucoup

play26:09

les Africains. Ca me gêne vraiment.

play26:11

Ca me gêne, parce que nous sommes des êtres humains.

play26:15

Nous avons une expérience de la prédation.

play26:18

On ne va pas quitter la Françafrique pour tomber aux mains des Russes.

play26:21

Vous pensez qu'on est là, parce que nous les adorons ?

play26:24

On ne les connaît même pas. Je ne parle pas

play26:27

le russe. Il y a peut-être quelques Africains

play26:29

qui parlent le russe. On ne les connaît pas,

play26:32

mais on a eu besoin d'eux pour des situations

play26:34

bien précises de terrorisme.

play26:37

Vous pensez qu'on va les laisser là ?

play26:39

Mais vous vous gourez ! Aucun Africain

play26:42

ne va laisser...

play26:43

On ne va plus laisser quelqu'un rester là et nous piller.

play26:47

On ne va pas non plus se couper du reste du monde.

play26:50

On aura toujours des partenaires, dont les Russes,

play26:53

les Français, les Américains,

play26:55

les Chinois, etc., mais arrêtez de nous prendre

play26:58

- c'est ce qui me gêne, dans ce débat -

play27:00

pour des gens...

play27:02

Des enfants qu'on pille, qu'on torpille,

play27:06

qu'on doit aider, que ceci... On a grandi.

play27:10

Ce que j'ai aimé dans ce que vient de dire mon ami,

play27:13

tout à l'heure,

play27:14

c'est que vous n'avez pas vu l'Afrique

play27:17

se mondialiser. Vous ne l'avez pas vue grandir.

play27:20

Sinon, vous ne me poseriez pas ce genre de questions.

play27:23

On utilise les autres

play27:25

comme ils nous utilisent et on va les mettre

play27:27

dehors. S'ils nous dérangent,

play27:29

on mettra les Russes dehors, comme avec la Françafrique.

play27:32

On est en train d'essayer de casser tout ça.

play27:35

Faites-nous confiance. Je tiens à dire quelque chose.

play27:38

Excusez-moi.

play27:40

Beaucoup d'Africains ne quittent pas l'Afrique.

play27:43

Ca, c'est une idée reçue. Il y a à peine

play27:46

0,2 % d'Africains qui quittent

play27:48

l'Afrique. -Il y a plus de médecins béninois

play27:51

en France qu'au Bénin. C'est ça, le problème.

play27:53

C'est qu'on s'est embêté à former des gens brillants

play27:56

qui partent. -Non.

play27:58

Tous les gens brillants ne partent pas.

play28:00

0,2 % seulement d'Africains quittent le continent.

play28:03

La plupart de l'immigration africaine

play28:06

se fait à l'intérieur du continent. -Je sais bien,

play28:08

mais... -Les médecins camerounais

play28:12

vont travailler au Gabon, plus qu'en France.

play28:15

Si, si. Ils vont travailler au Gabon

play28:17

où ils seront mieux payés, en Afrique du Sud.

play28:20

L'immigration africaine est d'abord interafricaine.

play28:24

En même temps, les hommes se sont toujours déplacés.

play28:27

Il y a aussi des médecins français en Afrique, aux Etats-Unis.

play28:31

Vous n'allez pas empêcher

play28:33

le monde d'être le monde, c'est-à-dire que

play28:36

des hommes se rencontrent, comme depuis la nuit des temps,

play28:39

qu'ils échangent des idées et des expériences.

play28:41

Ca a toujours été comme ça.

play28:43

-Sylvie Brunel, il faut qu'on avance

play28:46

un peu dans cette émission.

play28:48

Il y a une question économique

play28:51

qui se pose.

play28:53

On considère que les ajustements structurels

play28:56

- vous pourrez même expliquer

play28:58

ce que ça veut dire - du FMI,

play29:00

de la Banque mondiale,

play29:02

de l'OMC, etc.,

play29:05

ont provoqué des faillites socio-économiques,

play29:08

pas qu'en Afrique. On l'a vu aussi

play29:10

en Amérique latine. Est-ce que

play29:13

vous considérez que c'est encore vrai, aujourd'hui ?

play29:17

-Alors, il faudrait rappeler très, très rapidement

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que l'Afrique est entrée dans la crise de la dette

play29:23

dans les années 1980-1990.

play29:27

A la suite de cela, elle a vu des cohortes

play29:30

d'experts internationaux lui prendre sa souveraineté

play29:35

pour appliquer ce qu'on appelle des programmes

play29:38

d'ajustement structurel : libéralisation,

play29:40

ouverture des frontières, privatisation

play29:43

des entreprises publiques. Parallèlement à cette ingérence

play29:47

économique, il y a eu une ingérence politique,

play29:50

puisqu'on a conditionné l'aide à la démocratisation,

play29:53

sachant qu'un certain nombre de chefs d'Etat

play29:55

tenaient leur légitimité de leurs soutiens extérieurs,

play29:59

que ces soutiens viennent du monde occidental

play30:01

ou du monde soviétique. Dans les années 1990-2000,

play30:05

l'Afrique est entrée dans ce que j'appelle

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"la décennie du chaos". Ces deux chocs extrêmement brutaux

play30:11

ont provoqué un grand nombre de guerres civiles

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- 35 pays en guerre sur 53,

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puisque le Soudan du Sud n'existait pas encore -

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face auxquelles nous avons répondu d'abord par de l'humanitaire,

play30:23

dans une logique de "containment".

play30:25

-Tout ça, c'est de l'histoire,

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mais aujourd'hui ? -Oui,

play30:29

mais pour comprendre aujourd'hui, il faut mettre

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un petit peu le nez dans l'histoire.

play30:34

Ensuite, l'Afrique est entrée

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dans une forte période de croissance,

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la période 2000-2010, à peu près.

play30:41

Il y a eu, en Occident, la crise des subprimes.

play30:43

Elle a pensé qu'elle en serait exclue,

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mais elle en a subi le rebond, ce qui a provoqué

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un certain nombre de crises. Ensuite, il y a eu, de 2010 à 2020,

play30:52

ce qu'on pourrait appeler la période chinoise,

play30:55

avec une Chine extrêmement présente en Afrique,

play30:58

investissant beaucoup, et puis, des process

play31:00

d'annulation de dettes de la part des Européens, des Occidentaux,

play31:05

se rendant compte qu'ils avaient placé les Africains

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dans des conditions dont ils ne pouvaient pas sortir.

play31:11

Ensuite, il y a eu la pandémie de Covid.

play31:13

Cette pandémie de Covid a eu quelque chose de très surprenant :

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on s'est rendu compte que

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l'Afrique manifestait une résilience extraordinaire.

play31:22

Le reste du monde tombait dans une espèce

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d'hécatombe et l'Afrique résistait.

play31:27

-Oui, mais votre diagnostic, aujourd'hui ?

play31:30

-Oui. Mon diagnostic,

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aujourd'hui, c'est qu'il n'y a jamais eu autant d'acteurs

play31:36

étrangers qui s'intéressent à l'Afrique

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et qu'il n'y a jamais eu autant d'opportunités

play31:42

- comme l'a dit Calixthe -

play31:44

pour les Africains, de jouer

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de ces concurrences pour tirer leur épingle du jeu,

play31:49

sachant que c'est eux qui possèdent aujourd'hui

play31:52

les richesses que le monde entier convoite

play31:55

pour pouvoir réussir la transition écologique.

play31:58

Ils ont toutes ces richesses.

play31:59

Il s'agit juste

play32:01

qu'ils en reprennent la souveraineté.

play32:04

-Aminata Traoré, j'aimerais avoir

play32:06

votre avis sur cette question

play32:09

des institutions financières internationales :

play32:12

le FMI, la Banque mondiale.

play32:14

Est-ce que vous considérez que ces institutions,

play32:18

aujourd'hui, encore aujourd'hui,

play32:21

empêchent, j'allais dire,

play32:24

des situations harmonieuses en Afrique ?

play32:28

-Oui, bien sûr.

play32:30

Moi, je ne suis pas sûre, comme Sylvie...

play32:36

-Brunel.

play32:37

-Comme Sylvie Brunel le soutient,

play32:41

que les choses vont si bien dans certains pays.

play32:48

La question fondamentale, c'est ce que "développer" veut dire.

play32:52

Qu'est-ce que "développer" veut dire ?

play32:55

Est-ce que c'est des infrastructures,

play32:57

des bâtiments qui poussent, des investisseurs étrangers

play33:00

qui viennent ? Je n'en suis pas sûre.

play33:05

Nos pays, nos Etats ont les mêmes maîtres.

play33:08

Ils ont les mêmes maîtres : FMI, Banque mondiale, OMC,

play33:12

Union européenne... Ce sont les mêmes.

play33:17

Nous nous inscrivons, nous...

play33:19

L'Afrique, aujourd'hui, s'inscrit

play33:22

dans une dynamique mondiale qui relève de la guerre.

play33:26

La mondialisation néolibérale,

play33:28

c'est la guerre. C'est une guerre sans merci.

play33:31

C'est elle, aujourd'hui, qui est...

play33:33

Aujourd'hui, la guerre russo-ukrainienne,

play33:37

l'OTAN... Nous ne sommes...

play33:39

L'Afrique ne fonctionne pas en dehors de ces réalités.

play33:42

L'OTAN s'occupe aujourd'hui du Sahel.

play33:45

Pourquoi on s'étonne que... Au début de cette guerre,

play33:48

il y a 10 ans, j'ai dit que c'était pas notre guerre.

play33:51

Aujourd'hui, les Africains disent que ce n'est pas notre guerre.

play33:55

Je suis de ceux qui, dès 2013, ont dit : "Cette guerre

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"soi-disant anti-djihadistes n'est pas notre guerre."

play34:01

Les djihadistes que je connais, que je vois, aujourd'hui,

play34:04

qui sèment la terreur dans les villages, qui tuent,

play34:07

sont des victimes des programmes d'ajustement structurel.

play34:11

On peut pas dire que c'était une autre histoire.

play34:13

C'est la même histoire.

play34:17

Qu'est-ce qui se passe ? Souvenez-vous.

play34:20

La grande... Disons...

play34:24

La Banque mondiale ne jurait que par la lutte

play34:26

contre la pauvreté. C'est devenu, aujourd'hui...

play34:29

Ca s'est transformé en une lutte contre les pauvres,

play34:32

parce que les projets mis en oeuvre profitent d'abord à d'autres,

play34:36

à une poignée d'Africains initiés qui savent...

play34:39

-Mais Mme Traoré, Mme Traoré, l'assujettissement

play34:43

économique, c'est pas la relation

play34:45

de maître à esclave d'il y a plusieurs siècles.

play34:49

Les pays sont indépendants, aujourd'hui, alors...

play34:53

-Les pays... Les acteurs sont les mêmes.

play34:57

J'ai entendu dire, dans le cadre

play35:00

de l'intervention militaire de la France

play35:02

au Mali que c'est un devoir de civilisation.

play35:05

Et c'est ce que j'entends aujourd'hui

play35:07

dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne

play35:10

ou plutôt de l'Occident contre la Russie ou vice versa,

play35:14

j'en sais rien. Ce que je sais, c'est que rien n'a changé

play35:17

et c'est notre grille de lecture,

play35:19

c'est le diagnostic qui me paraît aujourd'hui totalement erroné.

play35:24

Vous pouvez pas comprendre l'Afrique

play35:26

sans l'inscrire dans ce système global

play35:28

et dans cette levée de boucliers des peuples du monde.

play35:31

Il n'y a pas qu'ici. Les peuples du monde aujourd'hui disent non

play35:35

à la dictature du marché.

play35:36

-Calixthe Beyala, vous vouliez

play35:39

intervenir sur la question

play35:41

des institutions financières

play35:43

par rapport à ce qui a été dit. -J'épouse tout ce qui a été dit

play35:46

par rapport aux institutions financières n'étant pas économiste.

play35:50

Je me souviens de cet ajustement structurel

play35:53

qui avait mis le Cameroun K.-O.

play35:55

Mes oncles se sont retrouvés au chômage, je devais me débrouiller,

play35:59

j'étais toute jeune, à Paris, pour leur envoyer de quoi manger.

play36:03

Mais sachez aussi

play36:05

que, au-delà du FMI et tout ça,

play36:07

les gouvernements, notamment du Cameroun,

play36:10

vont profiter de l'ajustement structurel

play36:13

pour dominer les populations. Comment ?

play36:16

A savoir que ces ajustements structurels ont pris fin

play36:20

dans les années 2000, d'accord.

play36:22

Au Cameroun, les salaires avaient été divisés par 3.

play36:26

Aujourd'hui, alors que la plupart des pays

play36:29

ont remis les salaires en place, le Cameroun ne l'a pas fait.

play36:33

Ce qui veut dire que

play36:35

on a un salaire 3 fois moindre

play36:38

que, par exemple, au Gabon ou en Centrafrique

play36:41

et dans d'autres pays africains.

play36:43

C'est fait exprès pour mieux écraser les peuples,

play36:48

pour mieux les dominer.

play36:50

-Mais comment vous pouvez dire des choses pareilles

play36:53

quand on voit que ces 50 dernières

play36:55

années, l'Afrique a

play36:57

considérablement progressé en espérance

play37:01

de vie, en politique d'éducation, de santé, etc. ?

play37:05

Est-ce que c'est pas

play37:07

exagéré que de dire que ces institutions sont venues

play37:12

écraser ? -Vous oubliez aussi une chose,

play37:16

c'est la capacité d'inventivité, de créativité du peuple africain.

play37:20

Nous avons nous-mêmes avec nos petits moyens

play37:22

construit des petites écoles dans les villages,

play37:25

construit des petits dispensaires, remis en place

play37:29

les méthodes traditionnelles de soins.

play37:31

Notre pharmacopée aujourd'hui est plus valide que jamais.

play37:35

Vous avez parlé tout à l'heure de la Covid-19.

play37:37

Nous n'avons pas attendu les vaccins pour soigner

play37:40

nos malades de Covid. On a

play37:42

récupéré nos médicaments traditionnels.

play37:46

J'y étais.

play37:47

Donc tout ce qui était méprisé autrefois a été

play37:51

réhabilité. Ne pensez pas que nous sommes là,

play37:54

on attend qu'on nous apporte ce qu'il faut.

play37:56

On bâtit nos universités aujourd'hui, des universités

play38:00

panafricaines

play38:01

avec d'autres modes de réflexion,

play38:05

d'autres façons d'enseigner aussi.

play38:08

Dans un pays comme le Cameroun,

play38:10

c'est un peuple extrêmement dynamique, qui crée

play38:13

des universités. On n'attend pas les aides. On sait que quelquefois,

play38:17

c'est un poison

play38:19

et que, souvent, c'était une manière de nous inféoder

play38:22

et de nous dominer. Nous en sommes conscients.

play38:25

Moi, je suis une enfant d'après

play38:27

les indépendances. Ce n'est pas pareil

play38:30

que nos parents qui sont nés avant les indépendances.

play38:33

On a une autre façon de regarder le monde.

play38:35

Nous faisons partie du monde et nous allons le conquérir.

play38:38

Je suis très confiante sur le fait

play38:40

que, dans 30 ans, comme disait Sylvie,

play38:42

notre pays, notre continent

play38:45

sera la terre d'accueil

play38:46

de tous les autres peuples du monde.

play38:49

-Antoine Glaser, votre point de vue

play38:52

sur cette question des institutions.

play38:54

C'est vrai qu'on a beaucoup critiqué le FMI,

play38:58

la Banque mondiale.

play39:00

Quand des pays sont en difficulté, ils exigent des ajustements

play39:05

qui ont des conséquences.

play39:06

Mais vous avez le sentiment

play39:09

que tout ce qui a été distribué comme aide au développement

play39:14

à travers ces institutions n'a eu que des effets négatifs ?

play39:19

-Je suis incapable de me prononcer sur le fond.

play39:22

Je suis pas économiste. Simplement, ce que je peux dire, c'est que,

play39:26

de la même façon que la France a exporté dans ces pays

play39:28

toutes ses institutions, etc., ce qui permet

play39:31

que les chefs d'Etat y sont devenus des vrais constitutionnalistes.

play39:35

Ca leur permet de faire des 2e, 3e, 4e mandats.

play39:37

Mais surtout, ce que je crois par contre,

play39:40

c'est que ces grandes institutions

play39:42

de Bretton Woods, FMI,

play39:44

Banque mondiale, ça leur a permis de faire

play39:47

vivre des dizaines de milliers d'experts. Pourquoi ?

play39:50

Parce qu'ils envoyaient avec les programmes d'ajustement structurel,

play39:54

autour de ce qui était imposé d'une façon ou d'une autre,

play39:57

il y a bien évidemment... mais vraiment,

play40:00

moi, j'ai connu dans les hôtels, des hôtels en Afrique

play40:03

qui étaient bourrés d'experts. C'était comme si c'était

play40:06

une autre langue, le FMI et la Banque mondiale.

play40:09

C'était la langue des économistes

play40:11

que les Africains, fallait surtout pas leur apprendre cette langue.

play40:15

C'est des experts qui étaient autour des conseillers,

play40:19

autour de tous les ministres, etc. C'est ça,

play40:22

la domination aussi. Moi, je me prononce pas, je sais pas

play40:25

ce qu'ils ont apporté, ce qu'ils ont retiré,

play40:28

mais je peux vous dire que vraiment ça a fait vivre l'extérieur.

play40:31

Il y a la même chose, on va en parler

play40:33

sans doute avec Sylvie,

play40:35

sur les ONG. Pourquoi, par exemple, de l'extérieur,

play40:38

on donne jamais à des ONG locales,

play40:40

on donne toujours à des ONG de l'extérieur ?

play40:43

Je vais pas citer l'agence

play40:44

ou d'autres, qui disent toujours,

play40:46

on peut pas, on est banquiers.

play40:48

En tant que banquiers, on peut pas donner à une ONG locale.

play40:52

Tout ça, c'est ça qui crée aussi ce sentiment de dépossession

play40:55

de l'Afrique par rapport à ces grandes institutions.

play40:58

Ca veut pas dire qu'à l'intérieur de la Banque mondiale ou du FMI,

play41:02

ils ont intégré énormément de jeunes Africains.

play41:05

On parle de ces grandes

play41:07

institutions, Sylvie Brunel, mais

play41:09

certaines ONG sont en elles-mêmes

play41:11

de grandes institutions.

play41:13

Pour ne pas les citer, par exemple, OXFAM a des moyens

play41:16

considérables. Quel bilan

play41:18

vous faites de cette action des ONG,

play41:22

disons des principales ONG,

play41:26

en Afrique ? Le bilan, il est

play41:29

contrasté, il est positif ?

play41:32

-Vous savez, Emile, il y a un proverbe en Afrique qui dit :

play41:35

"La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit."

play41:38

Vous avez donc une prolifération d'institutions

play41:42

qui prétendent toutes sauver l'Afrique malgré elle.

play41:45

Vous savez que le développement,

play41:47

c'est avoir la capacité de choix, être souverain

play41:50

quand on est face à son destin. Que constate-t-on ?

play41:53

Que, dans le domaine de l'humanitaire,

play41:55

tout un ensemble d'acteurs prétendent à leur niveau

play41:59

savoir mieux que le paysan africain ce qui est bon pour son avenir.

play42:04

Que, dans l'environnement,

play42:06

et Calixthe y a fait allusion,

play42:07

on crée des zones protégées, mais protégées

play42:10

contre l'éleveur africain, contre le paysan africain.

play42:13

Avec la complicité

play42:15

des autorités locales.

play42:17

On constate aussi que, chaque fois que l'on reçoit un prêt,

play42:20

alors, vous savez que l'Europe a largement aujourd'hui

play42:24

annulé sa dette et délié son aide, c'est-à-dire

play42:27

qu'elle ne conditionne plus son aide

play42:29

à l'achat de biens et de services en provenance de l'Europe,

play42:33

mais ce n'est pas le cas de la Chine,

play42:35

qui, d'une façon beaucoup plus cynique, exige

play42:38

pour pouvoir construire des infrastructures,

play42:40

avoir accès aux ports,

play42:42

mettre en place des mécanismes de coopération,

play42:45

d'avoir la mainmise sur les matières premières africaines,

play42:49

qui crée aussi des systèmes complètement fermés

play42:52

où elle n'emploie pas les Africains.

play42:54

Il y a très peu de mariages qu'on pourrait appeler "inter-raciaux",

play42:58

même si ça ne veut rien dire.

play42:59

Donc on se rend compte que l'Afrique est envahie d'acteurs

play43:04

aux motivations plus ou moins troubles,

play43:06

qu'elle a beaucoup de mal à coordonner, qu'elle a beaucoup

play43:09

de mal surtout à dominer si je puis dire.

play43:12

Et je pense qu'il faut qu'elle reprenne

play43:14

en ce domaine sa souveraineté.

play43:16

Pour ça, il ne faut plus qu'elle demande d'aide

play43:19

de l'extérieur, parce qu'elle a elle-même les moyens sur place

play43:22

avec toutes ses matières premières,

play43:25

tous ses atouts, de transformer sur place en créant

play43:28

un marché intérieur, un processus de développement

play43:31

qui la rendrait

play43:32

comme les pays d'Asie, comme la Chine, comme les émergents

play43:36

de l'Asie de l'Est, totalement souveraine quant à son avenir.

play43:39

Pour revenir à ce que disait Calixthe,

play43:42

je pense qu'on peut très bien avoir

play43:44

dans 30 ans un renversement total de l'histoire de l'humanité

play43:49

avec une Afrique, où un humain sur quatre

play43:51

sera effectivement africain,

play43:53

et qui donnera le la au reste du monde

play43:56

sur la gestion des personnes âgées, sur la gestion de la nature,

play43:59

sur la gestion de l'énergie, sur la gestion aussi

play44:02

d'un développement qui sait saisir le meilleur des technologies.

play44:06

-Alors, puisqu'on est bientôt à la fin de cette émission

play44:10

et qu'on parle de grande transformation,

play44:13

Madame Traoré, vous êtes

play44:15

avec nous depuis Bamako,

play44:17

je voudrais vous poser une question

play44:21

qui fait partie de vos préoccupations politiques

play44:25

au niveau de l'écologie.

play44:27

La prise de conscience du réchauffement climatique,

play44:31

elle est acquise partout.

play44:33

En Afrique comme ailleurs.

play44:36

Les politiques économiques ne suivent pas toujours,

play44:40

notamment en matière de coopération,

play44:43

de commerce extérieur, de transition énergétique.

play44:47

Qu'est-ce qui empêche à votre avis l'Afrique

play44:51

d'avoir aujourd'hui une politique écologique

play44:56

qui tienne compte à la fois des traditions et de la modernité ?

play45:02

-C'est pour ça

play45:05

que je m'interroge encore une fois.

play45:07

J'ai l'impression...

play45:09

Notre débat va dans le sens de...

play45:12

Même si on n'idéalise pas le développement,

play45:16

c'est comme s'il y a un modèle

play45:18

performant et vertueux quelque part,

play45:21

l'Afrique n'y est pas et elle va certainement

play45:24

y arriver comme les autres. Mais moi, je n'envie pas les autres.

play45:28

Quand je vois l'état du monde aujourd'hui,

play45:31

je n'envie pas les autres. -C'est vrai.

play45:33

-C'est à nous, à la lumière

play45:34

de l'état catastrophique de la planète,

play45:38

c'est à nous de nous dire,

play45:41

ils prétendent avoir décollé, ils sont partis,

play45:45

mais nous voici au même endroit. Quand je regarde

play45:48

la bagarre pour les retraites, et les tremblements de terre,

play45:52

les migrants, on a tellement de problèmes !

play45:56

Calixthe a raison de dire que c'est humain.

play45:58

On a devant nous

play46:00

une somme considérable de situations

play46:04

qui ne permet pas d'être

play46:08

optimiste, en disant : on va y arriver comme les autres.

play46:11

Mais j'ai pas envie d'y arriver

play46:13

comme les autres, les autres n'y sont pas. Ils n'y sont pas

play46:17

précisément parce que leur modèle,

play46:19

le modèle dont on parle, c'est le même modèle.

play46:22

Nous, on n'a pas eu le temps de penser,

play46:24

d'avoir une pensée économique et politique qui devait nous mettre

play46:28

à l'abri de cette situation. C'est parce que les autres savent,

play46:31

ceux qui sont partis, les sociétés, les nations esclavagistes

play46:35

et colonialistes qui sont sorties par la fenêtre,

play46:38

qui reviennent par la porte,

play46:40

qui disent "les autres" quand ils parlent de la Russie,

play46:43

de la Chine et de la Turquie. Ils disent "les compétiteurs",

play46:47

"les concurrents". Ce qui veut dire quoi ?

play46:50

Que l'Afrique est une proie. L'Afrique est une proie,

play46:53

donc les gagnants de ce système, ceux qui ont cru qu'ils gagnaient,

play46:56

se bousculent, veulent occuper le terrain

play46:59

pour que les autres ne viennent pas.

play47:01

Et nous, Africains, qu'est-ce qu'on fait ?

play47:03

On va être là en train de dire : venez,

play47:05

il y a les terres, il y a les ressources et allons-y.

play47:08

Nous voulons développer comme vous,

play47:11

mais moi, j'ai pas envie de me développer comme eux,

play47:14

d'autant plus que notre continent, on est un dépotoir.

play47:17

Les déchets.

play47:18

Je ne vois que des déchets. Je me suis battue toute ma vie

play47:22

pour les textiles africains,

play47:23

mais je ne vois que la friperie, partout.

play47:26

De Nairobi à Dakar. La plupart des boutiques,

play47:28

nos jeunes ne vendent que des restes.

play47:31

-En somme, vous êtes en train de dire

play47:33

que l'écologie est une chance pour l'Afrique ?

play47:37

-Bien sûr. -Elle pourrait être une chance,

play47:41

pourvu que ce soit pas le modèle capitaliste destructeur,

play47:44

congénitalement destructeur.

play47:46

Des humains, de la cohésion sociale et du vivant.

play47:49

-Ce qui n'empêche pas qu'il y ait du capitalisme

play47:53

dans les pays africains et ailleurs.

play47:55

Un mot là-dessus

play47:57

et on a terminé, Calixthe Beyala.

play47:59

-Oui... -Sur l'écologie comme une chance.

play48:03

-L'Afrique n'a pas eu besoin du mot écologie pour être écologiste.

play48:07

Le peuple africain autrefois, naturellement,

play48:10

ne prenait dans la nature que ce dont il avait besoin.

play48:14

On ne prenait jamais plus.

play48:15

Je me souviens quand j'étais enfant de mes oncles,

play48:18

quand ils allaient à la chasse, ils ramenaient un gibier,

play48:21

pas parce qu'ils en avaient pas trouvé,

play48:24

mais un. D'ailleurs, ils me demandaient le matin :

play48:27

"Qu'est-ce que tu veux manger aujourd'hui ?"

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Je disais : "Je veux une biche." Et ils amenaient une biche

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pour tout le village, mais pas dix biches.

play48:36

Donc on n'a pas eu besoin de l'Occident pour pouvoir savoir

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ce qu'il faut faire pour vivre en cohésion avec la nature.

play48:44

Ca, c'est le 1er point. Le 2e point,

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c'est que, effectivement, comme le disait

play48:49

Aminata, on a eu...

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Nous sommes devenus un dépotoir avec les vieilles voitures,

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la friperie, les vieux frigos,

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les vieilles télévisions, tout ce dont l'Occident n'a pas besoin.

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Ils mettent ça dans les bateaux et jettent ça chez nous

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et ça nous pollue. Donc nous allons faire un travail,

play49:10

et moi, je suis confiante là-dessus, pour balayer

play49:13

tout cela, réapprendre aux gens,

play49:15

comme nos parents le faisaient autrefois, à marcher à pied.

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On faisait 20 kilomètres pour aller à l'école.

play49:21

Les jeunes Africains ont oublié ça.

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On va repartir vers un autre type de développement.

play49:26

On ne va pas rejeter

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ce qu'il y a de bon en Occident,

play49:30

on va prendre ce que vous avez de bon

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et on va faire

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à notre façon pour ne pas avoir ce que vous avez produit de mal.

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C'est la chance que nous avons.

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Je suis contre ceux qui disent de rejeter l'Occident.

play49:42

Il y a de très belles choses et nous allons les prendre.

play49:46

Le système de retraite,

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je trouve ça très bien et on va

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les appliquer ou les lois sur le travail,

play49:52

il faudrait peut-être qu'on s'inspire

play49:55

de ça et que les travailleurs soient plus protégés.

play49:58

La Sécurité sociale, j'aimerais bien qu'on ait ça chez nous.

play50:02

Mais il y a des choses

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que je n'aimerais pas, le développement

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à tout prix, les immeubles partout,

play50:09

parce que l'humain n'a pas besoin de tant de richesses,

play50:13

de tant d'argent pour survivre.

play50:15

Nous allons refuser cet aspect-là. -Merci.

play50:19

L'émission se termine là-dessus, donc sur une Afrique

play50:24

qui serait et qui est, comme vous l'avez dit,

play50:27

en phase avec ce développement durable

play50:30

et contre tous les gaspillages.

play50:32

Il me reste à vous présenter une bibliographie.

play50:36

Aminata Traoré, vous avez publié

play50:39

il y a quelques années

play50:40

"L'étau. L'Afrique dans un monde sans frontières".

play50:43

Vous n'avez pas changé d'avis aujourd'hui ?

play50:47

-Non.

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Rires -Vous pensez que

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l'étau est toujours là ?

play50:54

-Qu'il se resserre, mais on va se battre.

play50:56

-Bien.

play50:58

Alors, je voudrais signaler le livre d'Eric Toussaint,

play51:02

"Banque mondiale, une histoire critique".

play51:05

C'est un livre qui est plein d'informations

play51:09

sur les relations

play51:11

dont on a parlé entre l'Afrique et les grandes institutions

play51:16

et tous ces ajustements structurels qui ont provoqué,

play51:19

comme ça a été dit au cours de cette émission

play51:22

de nombreux dégâts. Alors, Antoine Glaser, vous avez

play51:26

publié il y a quelques années

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avec Stephen Smith

play51:30

"L'Afrique sans Africains".

play51:32

-"Le rêve blanc du continent noir".

play51:34

-"Le rêve blanc du continent noir".

play51:37

Et votre livre, "Le piège africain de Macron",

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vient d'être publié chez Pluriel.

play51:44

Quelle continuité il y a

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entre tous ces livres sur l'Afrique ?

play51:50

C'est une mission chez vous ? -Non, c'est pas une mission.

play51:55

Mais c'est vrai que, quand j'entends Aminata

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parler d'Afrique dépotoir, ça me fait bondir.

play52:01

Je vais pas être critique sur le voyage

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du Président Macron au Gabon,

play52:05

mais avant de dire que les grandes forêts du Gabon,

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c'est le bien commun de l'humanité,

play52:12

comme si ça appartenait pas

play52:14

aux Africains, les biens communs de tous,

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il faut pas y toucher,

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qu'on s'occupe déjà

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de l'Afrique dépotoir !

play52:22

-Un mot quand même. Quand on dit que les forêts sont des biens,

play52:26

c'est dans la mesure

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où ils capturent le gaz carbonique. -Oui, mais

play52:30

on dit que c'est les biens communs de l'humanité. OK, mais à part ça,

play52:34

l'Afrique finalement a été très vertueuse

play52:36

par rapport à l'ensemble du monde sur la pollution du monde

play52:40

et on va dire :

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touchez surtout pas à vos forêts,

play52:44

ça peut servir à tout le monde. OK.

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C'est là où il y a un vrai problème.

play52:49

-Bien. Calixthe

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Beyala, vous avez publié il y a quelques années

play52:53

"Les honneurs perdus".

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-Ou "Le Christ selon l'Afrique", le plus récent.

play52:59

-Ou "Le Christ selon l'Afrique".

play53:01

Tout ça, vous restez finalement

play53:04

dans ce lignage africain

play53:06

quand vous écrivez ?

play53:08

C'est l'Afrique qui écrit en vous

play53:11

ou finalement, maintenant, comme vous vivez également en France,

play53:15

est-ce que c'est le monde qui vous motive ?

play53:17

-Il y a l'Afrique qui me motive certes,

play53:20

mais en même temps, j'appartiens au monde.

play53:22

Je crois plus en l'identité géographique des peuples

play53:25

qu'en l'identité raciale. Vous prenez un petit Européen,

play53:29

vous le mettez en Afrique, pour moi, c'est un Africain,

play53:32

parce que l'environnement dans lequel il vit

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va faire de lui ce qu'il est. Donc ce que je suis,

play53:37

c'est un mélange de l'Afrique et de l'Europe.

play53:40

Et personne ne peut me le dénier. Mes enfants sont pareils.

play53:44

Chaque être humain aujourd'hui dépend de son environnement.

play53:48

C'est pour ça que ceux qui parlent

play53:50

de grand remplacement et toutes ces conneries,

play53:53

j'appelle ça vraiment... -Ce n'est pas au coeur

play53:56

de notre émission.

play53:58

Donc ignorons

play54:00

cet extrémisme-là. -Ca fait partie,

play54:03

c'est pour dire que nous sommes tout cela à la fois.

play54:06

-Bien entendu.

play54:07

Sylvie Brunel, vous venez

play54:10

de publier "Nourrir. Cessons de maltraiter

play54:13

"ceux qui nous font vivre !".

play54:15

Nous aurons l'occasion de parler des paysans, de l'agriculture,

play54:19

mais pourquoi avoir publié ce cri aujourd'hui ?

play54:23

-Bah parce que, dans le monde entier, on n'a jamais autant parlé

play54:26

de l'arme alimentaire, de l'insécurité alimentaire,

play54:30

qu'il y a dans le monde entier plus de 1,3 milliard de paysans

play54:33

qui travaillent dur, qui nous nourrissent

play54:36

et que, dans tous les pays, ils sont méprisés,

play54:38

ils sont critiqués,

play54:40

alors que tous les enjeux aujourd'hui, écologiques,

play54:43

énergétiques, paysagers, patrimoniaux

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et bien sûr nourriciers, passent par eux,

play54:48

parce qu'ils travaillent avec le vivant.

play54:50

Et c'est particulièrement vrai que le continent africain,

play54:54

où les mégalopoles sont extrêmement importatrices de nourriture,

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alors qu'on a encore plus de la moitié de la population

play55:01

qui travaille dans les campagnes.

play55:03

-Donc vous considérez aujourd'hui

play55:06

que l'alimentation est sacrifiée au profit

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de la grosse industrialisation

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et du capitalisme international ? -Non, je considère

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que la souveraineté alimentaire est une question essentielle

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qui est revenue au 1er plan avec la pandémie,

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la guerre en Ukraine, l'inflation,

play55:24

le fait que les exportations de la Russie et de l'Ukraine

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ont été bloquées pendant très longtemps,

play55:30

alors que la Russie est aujourd'hui le 1er

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producteur de blé au monde et que nous avons besoin

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aujourd'hui, dans ce monde de plus en plus urbain,

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de reconsidérer ces gens dans les campagnes qui triment

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dur, comme l'a dit Calixthe, qui élèvent

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des bêtes et qui sont souvent considérés

play55:47

comme la dernière roue du carrosse.

play55:49

-Merci pour cet éloge mérité de la paysannerie

play55:52

et du monde agricole.

play55:55

Il me reste à vous remercier, Mesdames,

play55:57

cher Antoine Glaser.

play56:01

Je voudrais remercier

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l'équipe de LCP, qui a permis donc la réalisation de cette émission.

play56:07

Et avant de nous quitter, je vous laisse

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avec cette citation de Nicolas Baverez :

play56:13

"L'Afrique a considérablement changé

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"depuis la fin du XXe siècle,

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"elle participe à la naissance d'un Sud global."

play56:23

SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA

play56:28

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