Mouvements RÉALISTE & NATURALISTE : vraiment objectifs ? ⌛ Lettres Philo Histoire Art XIXe siècle

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6 May 202226:37

Summary

TLDRCe script explore le réalisme et le naturalisme dans la littérature du XIXe siècle, soulignant leur quête de représenter fidèlement la réalité, sans idéalisation. Il trace l'évolution des mouvements, des origines romantiques à l'engagement social des écrivains, en passant par l'influence des sciences et la critique de la société. Les œuvres clés, de Balzac à Zola, illustrent comment ces auteurs ont tenté de comprendre et d'améliorer le monde à travers leur art.

Takeaways

  • ✍️ Le réalisme littéraire et artistique du XIXe siècle réagit contre le sentimentalisme et la subjectivité des romantiques, cherchant à représenter le monde tel qu'il est.
  • 🎨 Les artistes réalistes s'inspirent de traditions artistiques précédentes comme la statuaire romaine et l'art de la Renaissance, qui accordent une importance aux détails.
  • 🖼️ Gustave Courbet est un pionnier du réalisme en art, avec des œuvres comme son tableau de l'enterrement de province, qui remet en question les conventions artistiques.
  • 🏛️ Le mouvement réaliste se structure avec des lieux comme la brasserie Andler à Paris, devenue le temple du réalisme, et l'Exposition universelle de 1855 où Courbet crée le 'Pavillon du Réalisme'.
  • 📚 Le réalisme littéraire est influencé par des figures comme Stendhal et Balzac, qui explorent le 'réalisme subjectif' et la représentation des mœurs contemporaines.
  • 🌾 Le réalisme aborde la représentation de la vie du peuple, des paysans et, avec l'avènement de la Révolution industrielle, du prolétariat urbain.
  • 📖 Les romans réalistes comme 'Les Misérables' de Victor Hugo et 'Les Mystères de Paris' d'Eugène Sue mettent en scène la vie des classes défavorisées et des bas-fonds.
  • 🗣️ L'intérêt pour la langue populaire et l'argot est un trait distinctif du réalisme, reflétant une volonté de se rapprocher de la réalité vécue du peuple.
  • 🔬 Le naturalisme, issu du réalisme, est incarné par l'œuvre d'écrivains comme Zola, qui applique une méthode scientifique rigoureuse à la littérature pour explorer les déterminismes sociaux et héréditaires.
  • 🌱 Le réalisme et le naturalisme contribuent à la désillusion et à la critique de l'idéalisme romantique, offrant une vision plus sombre et déterministe de la société et de l'individu.

Q & A

  • Quels sont les artistes qui ont hérité de la tradition artistique pour représenter le monde tel qu'il est, selon le script?

    -Les réalistes du XIXe siècle, qui veulent représenter le monde tel qu'il est, ont hérité de la statuaire romaine, de l'art de la Renaissance et de la scène de genre.

  • Quelle est la différence principale entre l'art romantique et le réalisme selon le script?

    -Le réalisme se veut une représentation fidèle de la réalité, sans idéalisation ni esthétisation, tandis que l'art romantique privilégie le paysage intérieur et l'expression des sentiments.

  • Comment Gustave Courbet a-t-il contribué au mouvement réaliste?

    -Gustave Courbet a exposé un tableau immense représentant un enterrement de province, avec des personnages du commun, et a nommé son abri 'Pavillon du réalisme' lors de l'Exposition universelle de 1855, contribuant ainsi à la reconnaissance du terme.

  • Quel est le rôle de Stendhal dans l'évolution du réalisme?

    -Stendhal est à la fois précurseur et inclassable, il a soutenu l'idée de plaire au public de son époque en parlant du présent, ce qui est une revendication partagée avec le réalisme.

  • Quelle est la contribution de Balzac à l'idée de représenter le présent dans le roman?

    -Balzac, avec sa 'Comédie Humaine', a mis en place les codes d'un réalisme non théorisé, en dressant l'inventaire des mœurs et des caractères, rendant ainsi le roman un miroir de la société française de son temps.

  • Comment Victor Hugo a-t-il abordé le sujet de l'argot dans ses œuvres?

    -Victor Hugo a revendiqué son intérêt pour l'argot et a consacré plusieurs chapitres à ce sujet dans 'Les Misérables', reconnaissant que d'autres écrivains l'ont précédé.

  • Quelle est la différence entre le réalisme et le naturalisme selon le script?

    -Le réalisme cherche à représenter le monde tel qu'il est, tandis que le naturalisme, radicalisant cette démarche, considère que les personnages et leur langage sont déterminés par leurs conditions de vie et de travail.

  • Quels sont les principaux thèmes abordés par les écrivains réalistes dans le script?

    -Les écrivains réalistes abordent des thèmes tels que la description des mœurs, l'exploration critique de la société, la vie du peuple, la langue populaire et l'argot, ainsi que le refus de l'idéalisation.

  • Comment le script explique-t-il l'importance de l'objectivité dans le réalisme?

    -Le script souligne que l'objectivité dans le réalisme est importante pour donner l'illusion du vrai, sans nier la subjectivité du peintre ou de l'écrivain, et pour observer et comprendre les mécanismes cachés du réel.

  • Quelle est la contribution de Zola au développement du naturalisme?

    -Zola a utilisé la méthode expérimentale pour créer des romans qui sont des expériences sur les personnages, montrant les déterminismes sociaux et héréditaires, et s'engageant dans l'amélioration de la société à travers son écriture.

Outlines

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🖼️ Réalisme et ses origines

Le paragraphe 1 présente le mouvement réaliste du XIXe siècle en tant que réponse au sentimentalisme et à la subjectivité des romantiques. Les artistes réalistes cherchent à représenter le monde tel qu'il est, s'inspirant de traditions artistiques précédentes comme la statuaire romaine et l'art de la Renaissance. Le réalisme cherche à élever l'art du quotidien et des sujets triviaux au rang de l'art noble, tout en étant influencé par le romantisme qui avait déjà mis en avant la représentation de la vérité. Gustave Courbet et sa toile monumentale représentant un enterrement de province sont mentionnés comme exemples emblématiques du mouvement. Le paragraphe explore également l'origine du terme 'réaliste' et la manière dont il a été revendiqué par les artistes de l'époque.

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📚 Littérature réaliste et son évolution

Le paragraphe 2 d'explique comment le réalisme dans la littérature a évolué, en commençant par Stendhal qui défendait la représentation du présent et développait l'idée de 'réalisme subjectif'. Balzac est cité pour son ambition de documenter la société française dans sa 'Comédie Humaine', s'efforçant de créer une image détaillée des mœurs et des caractères. La littérature réaliste cherche à représenter de manière objective et détaillée la société, y compris ses aspects les plus sombres, et à poser des questions sur la responsabilité de l'auteur face à la représentation de l'immoralité. Le paragraphe aborde également la question de la satire sociale et la représentation du peuple dans la littérature, avec des exemples de George Sand et de Millet.

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🏭 Réalisme et la représentation de la classe ouvrière

Le paragraphe 3 explore la manière dont le réalisme s'est intéressé à la classe ouvrière et aux conditions de vie des travailleurs, en particulier à l'ère de la première Révolution industrielle. Les romantiques avaient déjà présenté des personnages de la classe défavorisée, mais le réalisme a poussé plus loin en dépeignant la vie quotidienne et les luttes des ouvriers. Victor Hugo dans 'Les Misérables' et Eugène Sue dans 'Les Mystères de Paris' sont mentionnés pour leur représentation de la misère et des bas-fonds. Le paragraphe souligne également l'intérêt des écrivains réalistes pour la langue populaire et l'argot, ce qui les distingue de l'esthétisme romantique. Le naturalisme de Zola est présenté comme une évolution du réalisme, avec un engagement plus marqué dans la description des conditions de vie et la lutte des classes laborieuses.

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🔍 Réalisme et Naturalisme

Le paragraphe 4 d'examine la distinction et les liens entre le réalisme et le naturalisme. Il explique comment les écrivains réalistes, tels que Flaubert, ont adopté une approche plus objective et documentée de la vie, en utilisant des faits divers et une abondante documentation. Le naturalisme, représenté par Zola, est décrit comme une extension du réalisme, avec une utilisation plus poussée de la méthode scientifique pour explorer les déterminismes sociaux et héréditaires. Le paragraphe souligne l'importance de la description précise et détaillée dans le réalisme, ainsi que l'utilisation de techniques narratives comme la focalisation pour renforcer l'effet de réel. L'influence des progrès scientifiques de l'époque sur le développement du naturalisme est également abordée.

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📉 Réalisme et ses implications sociales

Le paragraphe 5 d'examine l'impact social du réalisme et du naturalisme, soulignant comment ces mouvements littéraires ont contribué à décrire un monde désenchanté et souvent décevant. Les auteurs sont présentés comme des chercheurs qui explorent les raisons profondes des phénomènes sociaux et individuels. L'engagement des écrivains dans la critique sociale et la volonté de proposer des améliorations à la société sont mis en avant, en particulier à travers l'œuvre de Zola. Le paragraphe explore également comment les écrivains ont utilisé des métaphores et des allégories pour exprimer les contraintes imposées par les déterminismes sociaux et héréditaires. Les limites de l'idéalisation romantique sont soulignées, et l'attention est portée aux échecs et aux déceptions comme thèmes centraux de l'œuvre des réalistes.

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🌐 Réalisme et son héritage dans l'art du XXe siècle

Le paragraphe 6 d'explore l'héritage du réalisme dans l'art et la littérature du XXe siècle. Il souligne comment les idées du réalisme ont influencé des mouvements tels que le nouveau roman et le surréalisme, ainsi que des courants picturaux comme le pointillisme et le cubisme. Le paragraphe discute de la manière dont ces mouvements ont chacun abordé la représentation du réel et la recherche d'un sens dans un monde qui peut semble vide de sens. L'attention est également portée aux réflexions sur la narration et la structure romanesque, ainsi que sur la critique de l'idée de personnage cohérent héritée du réalisme.

Mindmap

Keywords

💡Réalisme

Le réalisme est un mouvement artistique et littéraire du XIXe siècle qui cherche à représenter fidèlement et objectivement la réalité, s'opposant ainsi aux idéalisations du romantisme. Dans le script, le réalisme est illustré par la volonté des artistes de peindre des scènes de la vie quotidienne, même les plus triviales, sans chercher à les esthétiser.

💡Romantisme

Le romantisme est un mouvement artistique et littéraire précédant le réalisme, marqué par l'expression des émotions, l'individualisme et l'idéalisation de la nature et de l'amour. Dans le script, le romantisme est mentionné en contraste avec le réalisme, notamment par l'exemple de Victor Hugo qui mélange le grotesque et le sublime dans le drame romantique.

💡Gustave Courbet

Gustave Courbet est un peintre français qui est considéré comme l'un des pères fondateurs du réalisme en art. Dans le script, il est évoqué en relation avec son tableau monumental représentant un enterrement de province, un sujet qui remet en question les conventions artistiques de l'époque.

💡Naturalisme

Le naturalisme est un mouvement littéraire et artistique qui s'inspire des méthodes scientifiques pour étudier les déterminismes sociaux et biologiques. Dans le script, le naturalisme est abordé à travers l'œuvre d'Émile Zola, qui utilise la littérature comme une expérience pour explorer les lois de la nature humaine.

💡Flaubert

Gustave Flaubert est un écrivain français associé au réalisme et au naturalisme, connu notamment pour ses œuvres 'Madame Bovary' et 'L’Éducation sentimentale'. Le script mentionne Flaubert en tant qu'auteur qui, malgré son refus d'être catégorisé, aboutit à un niveau de réalisme qui défie les conventions romantiques.

💡George Sand

George Sand est le pseudonyme d'Amantine-Lucile-Aurore Dupin, une romancière française du XIXe siècle. Dans le script, elle est mentionnée pour son approche réaliste des thèmes rustiques, notamment dans les œuvres 'François le Champi' et 'La Petite Fadette'.

💡Étude de mœurs

L'étude de mœurs est une méthode littéraire qui se concentre sur la description des modes de vie, des coutumes et des caractères d'une époque. Dans le script, l'étude de mœurs est utilisée pour souligner l'ambition des réalistes de documenter la société de leur temps, comme le fait Honoré de Balzac dans 'La Comédie Humaine'.

💡Objectivité

L'objectivité est la qualité de présenter les informations de manière impartiale et sans préjugés. Dans le script, l'objectivité est discutée en relation avec les efforts des réalistes pour représenter la réalité sans idéalisation, bien que cette objectivité soit souvent teintée de subjectivité.

💡Illusionnisme

L'illusionnisme littéraire est une technique qui vise à donner l'illusion de la réalité en utilisant des détails précis et des descriptions détaillées. Dans le script, l'illusionnisme est mentionné comme un outil utilisé par les réalistes pour créer un effet de réel tout en manipulant les perceptions du lecteur.

💡Focalisation

La focalisation est un terme narratif qui désigne le point de vue d'un récit, que ce soit externe, interne ou zéro. Dans le script, la focalisation est abordée comme un moyen pour les auteurs réalistes de contrôler la perspective narrative et d'explorer la subjectivité dans leur quête de représentation objective.

Highlights

Les réalistes du XIXe siècle veulent représenter le monde tel qu'il est, s'opposant ainsi au sentimentalisme romantique.

Ils s'inspirent de traditions artistiques anciennes comme la statuaire romaine et l'art de la Renaissance.

Le réalisme cherche à élever l'art du quotidien à un rang noble, en représentant même les sujets triviaux.

Les romantiques, avec leur quête de vérité, sont paradoxalement à l'origine de la démarche réaliste.

Le réalisme se caractérise par la représentation objective de la réalité, sans esthétiser le banal ou le laid.

Gustave Courbet, avec son tableau monumental, met en scène des personnages ordinaires, rompant avec les conventions.

La brasserie Andler à Paris devient le temple du réalisme, réunissant les principaux acteurs du mouvement.

Courbet crée le 'Pavillon du réalisme', un symbole fort de la revendication du mouvement.

Les réalistes affirment leur volonté de décrire les mœurs et les idées de leur époque, s'intéressant particulièrement au présent.

Stendhal, avec son œuvre Le Rouge et le Noir, explore le 'réalisme subjectif' en mettant en scène la subjectivité de ses personnages.

Balzac, dans la Comédie Humaine, ambitionne de documenter la société française avec un réalisme non théorisé.

Le réalisme se distingue par une approche critique de la société, en explorant notamment la vie du peuple.

La peinture réaliste, avec des œuvres de Millet, représente les paysans avec sobriété et émotion.

Le XIXe siècle voit naître le prolétariat avec la Révolution industrielle, un sujet de prédilection pour les écrivains réalistes.

Victor Hugo, dans Les Misérables, adopte un regard empathique sur les classes défavorisées.

Le réalisme s'intéresse à la langue populaire et à l'argot, comme en témoigne l'œuvre de Balzac et Victor Hugo.

Le naturalisme, avec Zola, radicalise le réalisme en liant les personnages et leur langage à leurs conditions de vie.

La description d'un monde désenchanté et décevant est un fil conducteur commun aux écrivains réalistes et naturalistes.

Flaubert, malgré son refus d'être classé réaliste, explore la déception des rêves romantiques face à la réalité.

Le mouvement réaliste influence profondément l'art du XXe siècle, notamment le nouveau roman et les surréalistes.

Transcripts

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Exaspérés par le sentimentalisme des romantiques,

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lassés par leur subjectivité introspective…

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Les réalistes du XIXe siècle veulent représenter le monde tel qu’il est,

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loin des paysages états-d'âme, loin des idéalisations trompeuses !

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Ils héritent d’ailleurs de toute une tradition artistique :

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• La statuaire romaine est connue pour ses détails peu flatteurs…

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• L’art de la Renaissance porte une attention étonnante aux détails…

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• La scène de genre est encore considérée comme un genre secondaire…

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Voilà ce que les réalistes du XIXe siècle vont tenter de faire :

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donner ses lettres de noblesse à un art qui ose tout représenter,

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même les sujets les plus triviaux.

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Or, il faut bien reconnaître que ce sont les romantiques eux-mêmes qui sont à l’origine de cette démarche…

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Vous vous souvenez que le drame romantique selon Hugo, devait mélanger le grotesque et le sublime…

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C’était déjà par souci de vérité,

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mais toujours avec une visée esthétique :

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le contraste devait produire une beauté plus proche des sensibilités contemporaines.

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Les réalistes du XIXe siècle, marqués par la vague romantique de 1830,

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s’engouffrent dans la brèche : pour eux,

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on peut tout représenter, même ce qui est banal ou laid,

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sans chercher à l’esthétiser, ni par contraste, ni par stylisation.

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Les réalistes du XIXe siècle sauront-ils donner ses lettres de noblesse à une représentation objective de la réalité ?

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Vous pourrez retrouver le texte et le plan de cette vidéo au format PDF, avec tous mes médias associés :

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le podcast, la frise chronologique, la fiche synthèse

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et le diaporama illustré, sur mon site : www.mediaclasse.fr

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Dès 1826, le Mercure de France utilise ce mot de « réaliste »,

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pour désigner une sensibilité littéraire émergente :

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Cette doctrine littéraire qui gagne tous les jours du terrain

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et qui conduirait à une fidèle imitation, non pas des chefs-d'œuvre de l'art, mais des originaux que nous offre la nature,

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pourrait fort bien s'appeler le réalisme [...] la littérature du vrai.

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En 1836, Gustave Planche, un critique littéraire alors célèbre,

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prend acte de l’existence de ce « réalisme » en art.

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Doctrine sérieuse, mais transitoire,

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qui pourra bien servir à la régénération de l’art, mais qui, à coup sûr, n’est pas l’art lui-même.

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Le réalisme [...] retrempera, j’en ai l’assurance, le métal amolli de la pensée.

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Mais les choses deviennent sérieuses en 1850 :

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Gustave Courbet expose un tableau immense :

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3 m de haut sur plus de 6 m de large !

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— Format normalement réservé aux scènes historiques…

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Mais là, il s’agit d’un enterrement de province,

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avec des personnages du commun.

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Absence de perspective,

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teintes pâles et sombres,

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anonymat du mort…

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Le public se demande : qu’est-ce qu’on enterre donc ? Des idéaux romantiques, artistiques, politiques ?

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Les artistes réalistes se retrouvent à la brasserie Andler à Paris

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— qu’on appelle bientôt le temple du réalisme.

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Courbet reçoit aussi dans son atelier les principaux acteurs du mouvement,

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son ami Champfleury, mais aussi des critiques qui l’ont toujours défendu, comme Baudelaire.

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Lors de l’Exposition universelle de 1855,

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les principales toiles de Courbet sont refusées :

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il fait alors construire un abri en bois qu’il nomme « Pavillon du réalisme » :

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ça y est, le terme est revendiqué !

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Le titre de réaliste m’a été imposé comme on a imposé le titre de romantique aux hommes de 1830. [...]

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Être à même de traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation,

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être non seulement un peintre, mais encore un homme, en un mot faire de l'art vivant, tel est mon but.

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« Les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque » :

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les réalistes revendiquent le droit de parler de tout, et notamment, du présent !

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Stendhal est à la fois précurseur et inclassable :

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pour lui, il faut d’abord plaire au public de son époque, et donc, parler du présent !

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C’est ce qu’il appelle le romanticisme.

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On voit bien ici comment le romantisme et le réalisme proviennent d’une même revendication :

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parler de ce que les règles classiques ne peuvent représenter.

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Ce point de départ du Réalisme se trouve d’ailleurs dans l’étymologie du mot.

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Res, rei : les choses :

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représenter les objets du quotidien, des choses triviales…

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Trivium en latin : à croisée des chemins

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— pas les carrefours prévus par les augures, non ! —

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ces chemins de terre à trois voies où les promeneurs s’arrêtent pour parler de tout et de rien…

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Stendhal développe justement cette image dans Le Rouge et le Noir :

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Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route.

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Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux,

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tantôt la fange des bourbiers de la route.

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Et l'homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d'être immoral !

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Dans les faits, ce roman-miroir de Stendhal représente le réel reflété par la subjectivité de ses personnages,

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commentée par un narrateur malicieux…

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Voilà pourquoi on parle souvent de « réalisme subjectif » pour Stendhal.

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Mais Le Rouge et le Noir est fermement rattaché au temps présent avec le sous-titre « Chroniques de 1830 ».

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La 1ère partie s’intitule même « façon d’agir de 1830 ». Le roman réaliste prend ses racines dans cette volonté de constituer,

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non pas une grande Histoire, mais un tableau des « façons d’agir » c’est-à-dire, des mœurs d’une époque.

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Quand Balzac écrit sa Comédie Humaine entre 1829 à 1850,

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il met en place les codes d’un réalisme qui n’est pas encore théorisé.

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La Société française allait être l’historien, je ne devais être que le secrétaire.

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En dressant l’inventaire des vices et des vertus, [...] en peignant les caractères, [...]

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peut-être pouvais-je arriver à écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs.

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La Comédie humaine, c’est une centaine de romans et plus de 2500 personnages.

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Le plan qu’en donne Balzac révèle bien son ambition :

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les études de mœurs distinguent Paris, la province, la campagne…

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et aboutissent à de véritables études philosophiques.

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Balzac veut faire « concurrence à l’État civil »,

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parce que pour lui, ce foisonnement de personnages recèle les secrets de la nature humaine :

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N’est-il pas véritablement plus difficile de faire concurrence à l’État-Civil [...]

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que de rédiger des théories qui égarent les peuples ? [...]

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Ces personnages, [...] ne vivent qu’à la condition d’être une grande image du présent [...]

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tout le cœur humain se remue sous leur enveloppe, il s’y cache souvent toute une philosophie.

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On retrouve alors chez Balzac la même préoccupation que Stendhal :

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l’écrivain est-il responsable de l’immoralité de ce qu’il représente ?

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Si vous êtes vrai dans vos peintures ; si, à force de travaux [...] vous parvenez à écrire la langue la plus difficile du monde,

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on vous jette alors le mot immoral à la face.

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Représenter le présent a toujours quelque chose de subversif…

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On peut alors se poser la question…

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Cette soit-disant objectivité, cette vérité des peintures,

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ne cache-t-elle pas une volonté satirique ?

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Au théâtre, la comédie corrige les mœurs.

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Dans le même sens, la Comédie Humaine est une satire sociale.

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Baudelaire explique très bien comment Balzac s’éloigne de l’objectivité :

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Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe,

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tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie,

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plus actifs et rusés dans la lutte, [...]

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plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre.

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Dans sa Divine Comédie, Dante descend aux Enfers et décrit les châtiments réservés aux pécheurs impénitents.

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C’est un modèle pour Balzac :

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La Comédie Humaine sera un voyage à travers l’enfer de la société du XIXe siècle…

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Aussi, derrière chaque personnage de la Comédie humaine

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se cache un type humain ou social :

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l’aristocrate décadent,

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le bourgeois obtus,

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le spéculateur cynique, et même, l’artiste maudit.

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La satire est aussi présente à travers toute l’œuvre de Stendhal…

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Avec cette idée que parler de tout est nécessairement subversif :

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Pourvu qu’on ne plaisantât ni de Dieu, ni des prêtres, ni du roi, [...] ni de tout ce qui est établi ;

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pourvu qu’on ne dît du bien ni [...] de Voltaire, ni de Rousseau,

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ni de tout ce qui se permet un peu de franc-parler ; [...]

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on pouvait librement raisonner de tout.

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À la suite de Balzac et Stendhal, les écrivains réalistes vont chacun à leur manière

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explorer la société avec un regard critique.

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Et notamment, ils vont décrire la vie du peuple, sujet désormais digne d’être représenté !

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Traditionnellement, le peuple désigne d’abord les paysans.

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Chez George Sand, le pittoresque romantique a déjà des traits réalistes dans François le Champi ou La Petite Fadette…

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En peinture, Millet représente les paysans très sobrement, mais avec un regard chargé d’émotions.

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Mais le XIXe siècle est un siècle de bouleversements techniques :

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la machine à vapeur provoque la première Révolution industrielle.

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La main-d’œuvre quitte les campagnes et constitue un véritable prolétariat.

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Les romantiques se donnaient déjà des héros issu des classes défavorisées :

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roturiers ou déshérités, enfants pauvres, brigands…

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Dans Les Misérables, Victor Hugo assume son regard empathique.

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Le roman social prend sa source dans les deux mouvements romantique et réaliste.

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Dans Les Mystères de Paris, Eugène Sue décrit les bas-fonds parisiens,

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mais le récit très dramatisé est encore loin des codes réalistes.

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Les romans-feuilletons touchent un public de plus en plus large, qui aime retrouver des éléments de son quotidien,

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mais aussi des aventures à rebondissements.

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Maupassant, qui débute comme journaliste, écrit de nombreuses nouvelles qu’il publie dans la presse.

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Dans ses Contes de la Bécasse, il met en scène des commerçants, des juristes, des paysans, des ouvriers.

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Ce célèbre tableau de Caillebotte révèle bien un nouveau regard, dénué de pittoresque :

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le mouvement des bras, les outils. L’appartement haussmannien hors-champ.

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Sur le côté, une bouteille de vin rappelle le thème central de L’Assommoir.

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Les écrivains qui se penchent sur le monde ouvrier découvrent alors une chose qui va les passionner : la langue du peuple, l’argot.

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Balzac apportait déjà un grand soin aux paroles rapportées,

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pour imiter une langue populaire.

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Le personnage de Vautrin dans Le Père Goriot par exemple :

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VAUTRIN. — Voilà la vie telle qu’elle est. Ca n’est pas plus beau que la cuisine, ça pue autant,

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et il faut se salir les mains si l’on veut fricoter ;

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sachez seulement vous bien débarbouiller : là est toute la morale de notre époque.

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Victor Hugo revendique régulièrement son intérêt pour l’argot,

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et lui consacre même plusieurs chapitres dans Les Misérables,

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en reconnaissant que d’autres écrivains l’ont précédé :

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Deux puissants romanciers, dont l’un est un profond observateur du cœur humain,

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l’autre un intrépide ami du peuple,

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Balzac et Eugène Sue, ayant fait parler des bandits dans leur langue naturelle

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comme l’avait fait en 1828 l’auteur du Dernier jour d’un condamné,

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les mêmes réclamations se sont élevées. On a répété :

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— Que nous veulent les écrivains avec ce révoltant patois ? l’argot est odieux ! l’argot fait frémir !

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Pour Champfleury, qui s’apprête à théoriser le mouvement réaliste,

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c’est justement cet intérêt pour une langue crue qui va amener les écrivains réalistes à se distinguer de l’esthétisme romantique :

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Quelques esprits [...] fatigués des mensonges versifiés [...] de la queue romantique, [...]

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descendent jusqu'aux classes les plus basses,

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s'affranchissent du beau langage qui ne saurait être en harmonie avec les sujets qu'ils traitent [...].

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Le naturalisme de Zola radicalise cette démarche :

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les personnages et leur langage même sont déterminés par leurs conditions de vie et de travail :

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les décrire sans les idéaliser devient un véritable acte engagé.

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Mon crime est d’avoir eu la langue du peuple. [...] C’est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple.

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Et il ne faut point conclure que le peuple tout entier est mauvais, car mes personnages ne sont pas mauvais,

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ils ne sont qu'ignorants et gâtés par le milieu de rude besogne et de misère où ils vivent.

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Des personnages qui sont rendus mauvais par leur milieu…

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On touche maintenant à ce qui distingue radicalement la démarche réaliste de la démarche romantique :

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le refus de l’idéalisation.

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En France, la Révolution de février 1848 instaure la deuxième République.

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Lamartine, grand poète romantique,

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participe à la Constituante et parvient même à faire adopter un suffrage universel masculin

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(progrès par rapport au suffrage censitaire).

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Chez un romantique comme Hugo, les scènes qui décrivent les barricades de 1848 sont habitées l’émotion, un souffle épique :

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On eût dit des frères ; ils ne savaient pas les noms les uns des autres.

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Les grands périls ont cela de beau qu’ils mettent en lumière la fraternité des inconnus.

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On ne trouve plus du tout cet idéal chez un réaliste comme Flaubert, qui décrit le même événement dans son Éducation Sentimentale :

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De temps à autre, un coude trop à l'étroit enfonçait une vitre ;

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[...] Tous les visages étaient rouges, la sueur en coulait à larges gouttes ;

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Hussonnet fit cette remarque : « Les héros ne sentent pas bon ! »

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Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier est élu premier président de la République Française.

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4 ans plus tard, en 1852, il fait un coup d’État instaure le second Empire.

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Entre temps, les idéaux d’une République Sociale ont été abandonnés :

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liberté de la presse, de manifestation, ateliers nationaux, droit de vote des femmes… Tout ça est enterré.

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1870 : la guerre franco-prussienne se termine par la défaite de Sedan. Napoléon III capitule.

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Le nouveau gouvernement de Défense Nationale est contesté par les parisiens qui ont subi un siège éprouvant et n’acceptent pas d’être désarmés.

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En 1871, la Commune de Paris durement réprimée marque les débuts de la IIIe République,

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c’est l’ultime insurrection du XIXe siècle.

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Bien sûr, tous ces événements marquent la littérature. Maupassant, Huysmans et d’autres écrivains réalistes

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se réunissent chez Zola à Médan, et publient un recueil de nouvelles décrivant la guerre d’un point de vue réaliste.

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La nouvelle la plus célèbre du recueil, qui reste aujourd’hui dans les mémoires, c’est Boule de Suif :

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l’histoire d’une prostituée, forcée par ses compatriotes de coucher avec l’ennemi, puis méprisée pour cela.

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Déceptions, sentiments de révolte et d'injustice,

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les émotions ne sont pas absentes de l'écriture réaliste.

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On va voir tout de suite que la volonté d’objectivité n’empêche pas d’assumer une certaine subjectivité.

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Dans les années 1850, en compagnie de ce fameux Champfleury dont nous avons déjà parlé,

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Duranty théorise ce nouveau mouvement littéraire dans une revue intitulée Le Réalisme, (où il théorise ce nouveau mouvement littéraire) :

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Le réalisme conclut à la reproduction exacte, complète, sincère du milieu social de l’époque où l’on vit, il faut qu’il ne déforme rien.

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En littérature, on utilise alors des procédés dits d’illusion référentielle :

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des dates et lieux précis, des descriptions détaillées,

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des « petits faits vrais » assez caractéristiques pour qu’on se dise qu’ils n’ont pas pu être inventés.

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C’est une toute nouvelle tonalité littéraire : le registre réaliste !

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On peut penser aux fameux exemple de la pension Vauquer dans Le Père Goriot de Balzac :

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la description des meubles prolonge les portraits des personnages,

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inscrit le récit dans un contexte historique et social.

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Souvent, les écrivains réalistes partent d’un fait divers comme dans Le Rouge et le Noir ou Madame Bovary.

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Ils consultent aussi une importante documentation.

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Flaubert lit des traités de médecine pour l’épisode de opération du pied-bot par Charles Bovary.

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Je pense aussi au Journal des frères Goncourt où ils consignent toutes leurs observations :

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Semblables à ces montagnes de calepins de poche qui représentent, à la mort d’un peintre, tous les croquis de sa vie,

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[...] seuls [...] les documents humains font les bons livres :

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les livres où il y a de la vraie humanité sur ses jambes.

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Avec le Naturalisme, Zola va jusqu’au bout de cette démarche. Par exemple, pour écrire Germinal,

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il assiste à la grève des mineurs d'Anzin.

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Il cite des chiffres précis, et n’hésite pas à citer le vocabulaire employé par les mineurs eux-mêmes :

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— Payez-nous 5 centimes de plus par berline, et nous mettrons au boisage les heures voulues,

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au lieu de nous acharner à l'abattage, [...] qui ne suffit déjà pas à nous faire vivre.

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Dès 1857, Champfleury compare la peinture au daguerréotype qui vient d’être inventé :

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contrairement aux photographes, les peintres, face à un même paysage, présentent des résultats foncièrement différents :

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L’homme, quoiqu’il fasse pour se rendre l’esclave de la nature, est toujours emporté par son tempérament particulier

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qui le tient depuis les ongles jusqu’aux cheveux et qui le pousse à rendre la nature suivant l’impression qu’il en reçoit.

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Ce mot « impression » n’est pas là par hasard, puisque le mouvement impressionniste en peinture est directement issu du réalisme :

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une nouvelle manière de représenter le réel sans nier la subjectivité du peintre.

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Voilà pourquoi, dans la littérature réaliste, on va souvent trouver des jeux avec les points de vue, la fameuse « focalisation ».

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• En focalisation externe, l’écrivain observe de loin ses personnages, il évite toute marque de subjectivité.

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• En focalisation interne, au contraire, il va adopter le point de vue d’un personnage : on accède à ses pensées, son ressenti.

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• En focalisation zéro, l’auteur omniscient passe d’un personnage à l’autre, parfois même en donnant son propre avis !

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Pour Maupassant, l’effet de réel demande en fait un véritable effort de stylisation :

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Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai,

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suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession.

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J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes.

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Le souci d’objectivité inclut donc naturellement l’art de croiser les subjectivités,

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parce que le but se trouve au-delà :

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il s’agit surtout d’observer pour comprendre,

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déceler les mécanismes cachés du réel.

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C’est un argument qui revient souvent chez les réalistes pour se démarquer des romantiques :

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leur travail a une valeur heuristique,

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c’est une démarche pour comprendre le monde.

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Pour mériter les éloges que doit ambitionner tout artiste,

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ne devais-je pas étudier les raisons ou la raison de ces effets sociaux,

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surprendre le sens caché dans cet immense assemblage de figures, de passions et d’événements.

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Balzac s’intéresse par exemple à la physiognomonie,

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selon laquelle les traits physiques annoncent un caractère moral.

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Aujourd’hui, cela nous paraît naïf, mais cela révèle surtout que chez Balzac,

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tout participe à un réseau de déterminismes,

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très visible quand on relit le portrait de Mme Vauquer par exemple :

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Toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. [...]

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L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie,

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comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital.

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Balzac compare souvent son travail à celui du chercheur en sciences naturelles,

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et il dédie d’ailleurs son Père Goriot à Geoffroy de Saint Hilaire,

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comme pour indiquer la proximité entre leurs travaux :

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La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie,

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autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ?

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C’est que le XIXe siècle connaît un important progrès des sciences.

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Lamarck théorise l’évolution animale, que Darwin dépasse en décrivant la sélection naturelle.

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Pasteur démontre le rôle des microbes dans la propagation des maladies.

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Claude-Bernard invente la médecine expérimentale, méthode qui va inspirer Zola.

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Avec ce détour par les sciences, ça y est, nous sommes prêts à comprendre la naissance du Naturalisme en littérature !

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Pour les frères Goncourt, la rigueur scientifique est ce qui va libérer le roman :

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Aujourd’hui que le Roman [...] devient [...] l’Histoire morale contemporaine,

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aujourd’hui que le Roman s’est imposé les études et les devoirs de la science,

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il peut en revendiquer les libertés et les franchises.

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En partant de la méthode expérimentale de Claude-Bernard,

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Zola veut dépasser le projet réaliste :

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pour lui, le roman est une véritable expérience faite sur les personnages :

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Le romancier est fait d'un observateur et d'un expérimentateur. [...]

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Il est indéniable que le roman naturaliste, tel que nous le comprenons à cette heure,

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est une expérience véritable que le romancier fait sur l'homme, en s'aidant de l'observation.

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Comme Balzac, Zola veut réaliser une grande fresque littéraire, mais il va se concentrer sur une seule famille : les Rougon-Macquart.

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Cette Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire

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lui permettra de montrer les déterminismes sociaux et héréditaires.

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C'est là ce qui constitue le roman expérimental :

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posséder le mécanisme des phénomènes chez l'homme [...] sous les influences de l'hérédité et des circonstances ambiantes,

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puis montrer l'homme vivant dans le milieu social [...] qu'il modifie tous les jours,

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et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue.

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Le milieu influence l’homme mais l’homme peut aussi modifier son milieu !

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Ce explique tout l’engagement de Zola :

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par ses observations, l’écrivain naturaliste permet au législateur d’améliorer la société :

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Nous devons nous contenter de chercher le déterminisme des phénomènes sociaux, en laissant aux législateurs, aux hommes d'application,

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le soin de diriger [...] ces phénomènes, de façon à développer les bons et à réduire les mauvais.

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Mais en réalité, Zola dépasse sans cesse ce rôle d’observateur :

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ses préfaces, ses articles de journaux, et le ton satirique même de ses romans

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montrent bien un écrivain engagé.

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Dans son œuvre, les déterminismes qui écrasent l’individu prennent la forme de grandes allégories :

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la grande serre de La Curée, la mine du voreux dans Germinal, la locomotive de La Bête Humaine…

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Sans aller aussi loin que Zola, les écrivains qu’on rattache au naturalisme

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décrivent surtout les dessous scabreux de la société.

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On peut citer les frères Goncourt, Maupassant dans ses romans, Huysmans à ses débuts, ou encore Alphonse Daudet.

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Réalistes ou naturalistes, ce qui semble finalement relier tous ces auteurs,

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c’est la description d’un monde désenchanté, d’une réalité fondamentalement décevante.

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Flaubert refuse d’appartenir au mouvement réaliste, et pourtant il est celui qui va jusqu’au bout de cette logique.

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Dans Madame Bovary, les rêves romantiques sont brisés par les réalités de la vie de Province.

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On franchit une nouvelle étape avec L’Éducation Sentimentale :

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la vie amoureuse, c’était bien ce qu’il y avait de plus important aux yeux des romantiques !

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Or l’éducation de Frédéric Moreau vide progressivement les sentiments de toute consistance.

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C’est véritablement un livre sur rien, un anti-roman d’apprentissage, que Flaubert oppose aux romantiques.

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Déjà chez Balzac, Le Père Goriot ou Les Illusions Perdues

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sont des romans d’apprentissages déroutant pour l’époque :

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le héros ne gagne pas de l’expérience, il perd ses illusions.

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Dans Bel-Ami de Maupassant, c’est le cynisme qui domine :

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George Duroy réussit parce qu’il n’a aucun scrupule à utiliser les femmes…

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Chez Jules Vallès, la seule issue se trouve dans la révolte…

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Dans sa trilogie L’Enfant, Le Bachelier, L’Insurgé, retrace les soubresauts d’un siècle jusqu’à la Commune de Paris.

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Comme Flaubert, Alphonse Daudet fait le constat d’un échec : malgré tout son parcours, Le Petit Chose,

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enfant protégé par son frère, ne devient jamais vraiment adulte.

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L’art du XXe siècle doit beaucoup au mouvement réaliste.

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Le nouveau roman dénonce les attributs du personnage réaliste :

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le lecteur, soupçonneux, n’y croit plus.

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Pour eux, l’aboutissement du livre sur rien, c’est l’aventure d’une écriture.

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De leur côté, les surréalistes veulent réenchanter le monde,

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créer un nouveau merveilleux guidé par l’inconscient et le rêve.

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D'autres mouvements picturaux réfléchissent à cette question de la représentation du réel.

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Le pointillisme et le cubisme, inspirant des écrivains comme Apollinaire ou Aragon,

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multiplient les regards sur un réel insaisissable.

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La littérature de l’absurde accepte l’idée d’un monde vide de sens,

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mais pour trouver d’autres manières de l’habiter malgré tout.

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