BALZAC đ La Peau de Chagrin (RĂ©sumĂ©-analyse complet dĂ©taillĂ© par chapitre)
Summary
TLDRLe script de la vidéo analyse le roman "La Peau de Chagrin" d'Honoré de Balzac, marquant son succÚs précoce et son influence sur la Comédie Humaine. L'intrigue fantastique explore les limites de la science et de la rationalité, tandis que le jeune héros, Raphaël, est confronté à des désirs qui le mÚnent à la corruption et à la ruine. Le talisman magique, la Peau de Chagrin, symbolise les conséquences fatales du pouvoir et des souhaits non réfléchis, menant Raphaël à une fin tragique qui questionne la sagesse et les valeurs de la société.
Takeaways
- đ Balzac, avec "La Peau de Chagrin", rĂ©pond aux aspirations romantiques de sa gĂ©nĂ©ration et critique les codes de l'Ancien RĂ©gime.
- đź Le rĂ©cit fantastique explore les limites de la science et de la rationalitĂ©, prĂ©figurant la ComĂ©die Humaine, un vaste projet rĂ©aliste.
- đ Le personnage principal, introduit comme 'l'inconnu', symbolise la gĂ©nĂ©ration perdue et dĂ©sabusĂ©e aprĂšs l'Empire napolĂ©onien.
- đș La dĂ©couverte d'un magasin d'antiquitĂ©s sert de transition vers un monde surnaturel et mĂ©diterranĂ©en.
- đ Le thĂšme de la Peau de Chagrin, un talisman qui accorde les souhaits au prix de la vie, sert de mĂ©taphore pour l'Ă©nergie et les dĂ©sirs humains.
- đ§ Le vieillard du magasin d'antiquitĂ©s, prĂ©sentĂ© comme une figure diabolique ou divine, oppose la sagesse Ă la connaissance pour le jeune homme.
- đž La sociĂ©tĂ© dĂ©crite est matĂ©rialiste et cynique, oĂč l'argent et l'ambition dominent, reflĂ©tant la critique de Balzac sur son Ă©poque.
- đïž Balzac utilise l'intrigue de 'La Peau de Chagrin' pour explorer les thĂšmes de la dĂ©bauche, la corruption et la quĂȘte de bonheur.
- đ L'amour est prĂ©sentĂ© comme un Ă©lĂ©ment pur et redempteur, contrastant avec les dĂ©sirs Ă©goĂŻstes et les pactes avec le surnaturel.
- âïž Le choix entre le bonheur et la mort, incarnĂ© par le pacte avec la Peau de Chagrin, symbolise la lutte intĂ©rieure entre les vertus et les passions humaines.
Q & A
Quelle est la signification du titre 'La Peau de Chagrin' dans le contexte du roman?
-Le titre fait référence à un talisman magique qui exauce les souhaits de son possesseur mais à un coût : chaque souhait réduit la taille de la peau, symbolisant l'épuisement de l'énergie vitale du personnage.
Quel est le genre littéraire principal du roman 'La Peau de Chagrin'?
-Le roman est principalement de genre fantastique, mais il aborde également des thÚmes de la réalité et de la philosophie, préfigurant ainsi la fresque réaliste de la Comédie Humaine.
Comment le personnage de Raphaël est-il présenté dans le début du roman?
-Raphaël est introduit comme un jeune homme perdu et désabusé, symbole de la génération romantique confrontée à un monde matérialiste et désabusé aprÚs la chute de l'Empire napoléonien.
Quels sont les deux personnages que Raphaël rencontre qui l'influencent profondément?
-Raphaël rencontre un mendiant et une passante élégante, qui l'ignorent, ce qui l'amÚne à réfléchir sur son existence et son désir de réussite sociale.
Quel est le rĂŽle du vieillard dans l'antiquaire oĂč RaphaĂ«l dĂ©couvre la Peau de Chagrin?
-Le vieillard représente une figure diabolique offrant un pacte aux antipodes de l'idéalisme chrétien, proposant à Raphaël la possibilité de réaliser tous ses désirs au prix de sa vie.
Comment le roman 'La Peau de Chagrin' aborde-t-il les thÚmes de la science et de la rationalité?
-Le roman interroge les limites de la science et de la rationalité à travers le surnaturel et la présence de la Peau de Chagrin, suggérant que certains aspects de l'existence dépassent la compréhension scientifique.
Quelle est la mĂ©taphore de la Peau de Chagrin dans l'Ćuvre de Balzac?
-La Peau de Chagrin est une métaphore de la philosophie de l'énergie, symbolisant les conséquences de l'ambition et du désir humain, et comment ils peuvent mener à la destruction de l'individu.
Comment le personnage de Raphaël évolue-t-il à travers le roman?
-Raphaël passe d'un jeune homme plein d'ambition et de désirs à un individu qui réalise les conséquences de ses souhaits sur sa vie et son énergie vitale, aboutissant à une compréhension plus profonde de la valeur de la sagesse et de la vertu.
Quels sont les thÚmes sociétaux et philosophiques explorés dans 'La Peau de Chagrin'?
-Le roman explore des thĂšmes tels que l'ambition, la corruption, la dĂ©cadence de la sociĂ©tĂ©, la perte des valeurs morales, et la quĂȘte de sens et de satisfaction dans un monde matĂ©rialiste.
Comment Balzac utilise-t-il les descriptions dans 'La Peau de Chagrin' pour renforcer les thĂšmes du roman?
-Balzac utilise des descriptions dĂ©taillĂ©es et symboliques, telles que les objets dans l'antiquaire et la Peau de Chagrin elle-mĂȘme, pour renforcer les thĂšmes de la dĂ©cadence, du dĂ©sir et de la perte de l'Ăąme dans la sociĂ©tĂ©.
Outlines
đ Introduction Ă La Peau de Chagrin
Le paragraphe 1 nous prĂ©sente l'Ćuvre de Balzac, La Peau de Chagrin, publiĂ©e en 1831. Cette Ćuvre marque le dĂ©but du succĂšs de Balzac et est caractĂ©ristique de la gĂ©nĂ©ration romantique qui cherche de nouvelles Ă©motions au-delĂ des codes de l'Ancien RĂ©gime. L'intrigue fantastique du roman, oĂč le surnaturel dĂ©borde la rĂ©alitĂ©, sert de mĂ©taphore Ă la philosophie de l'Ă©nergie qui imprĂšgne toute l'Ćuvre de Balzac. Le paragraphe dĂ©crit Ă©galement l'entrĂ©e d'un jeune homme, appelĂ© 'l'inconnu', dans une maison de jeu, suggĂ©rant une introduction Ă La ComĂ©die Humaine. Ce personnage symbolise la dĂ©tresse d'une gĂ©nĂ©ration dĂ©sabusĂ©e aprĂšs l'Empire, et le rĂ©cit Ă©voque l'hĂ©ritage des LumiĂšres. Le jeune homme, aprĂšs avoir perdu son dernier NapolĂ©on, envisage le suicide mais rencontre un mendiant et une passante Ă©lĂ©gante avant d'arriver quai Voltaire. Il dĂ©couvre un magasin d'antiquitĂ©s oĂč il est confrontĂ© Ă des objets chargĂ©s d'histoire, suggĂ©rant une mĂ©ditation sur les ruines des civilisations. Un vieillard apparaĂźt, Ă©voquant Ă la fois le PĂšre Ăternel et MĂ©phistophĂ©lĂšs, et introduit la Peau de Chagrin, un objet diabolique qui permet de rĂ©aliser les dĂ©sirs au prix de la vie.
đź La Peau de Chagrin et le pacte avec le diable
Le paragraphe 2 dĂ©veloppe le thĂšme du pacte avec le diable symbolisĂ© par la Peau de Chagrin, oĂč chaque dĂ©sir accompli coĂ»te de l'Ă©nergie vitale. RaphaĂ«l, le jeune homme, est prĂ©sentĂ© comme un personnage complexe, dĂ©chirĂ© entre Ă©tude et dĂ©bauche, et il choisit la seconde aprĂšs avoir dĂ©couvert la Peau. Le vieillard, qui reprĂ©sente une philosophie alternative, met en avant le savoir comme clĂ© de tous les trĂ©sors, mais le jeune homme ignore ses avertissements et plonge dans une vie de plaisir. Le paragraphe explore Ă©galement les consĂ©quences de cette dĂ©cision, comme la rĂ©duction de la Peau de Chagrin, signifiant l'Ă©puisement de la vie de RaphaĂ«l. Les amis de RaphaĂ«l discutent de la politique post-rĂ©volutionnaire et la naissance d'un journal, reflĂ©tant le cynisme et la corruption de l'Ă©poque. Le paragraphe conclut sur une note critique de la sociĂ©tĂ©, oĂč les personnages sont tourmentĂ©s par les excĂšs et les passions, et oĂč RaphaĂ«l est dĂ©jĂ entourĂ© d'autres femmes, suggĂ©rant une vie de complexitĂ© Ă©motionnelle et sociale.
đ° RaphaĂ«l et son hĂ©ritage familial
Le paragraphe 3 nous plonge dans le passĂ© de RaphaĂ«l, rĂ©vĂ©lant son origine noble et la ruine de sa famille Ă la suite de la RĂ©volution. Son pĂšre, ruinĂ© par les Ă©vĂ©nements, est dĂ©cĂ©dĂ© de chagrin aprĂšs que RaphaĂ«l ait rĂ©ussi Ă rembourser ses dettes. RaphaĂ«l, aspirant Ă©crivain, s'isole pour Ă©tudier et Ă©crire, s'inspirant des LumiĂšres et des idĂ©es de la libertĂ© et de l'Ă©galitĂ©. Il est influencĂ© par les idĂ©es de Rousseau et se compare Ă lui, ce qui est suggĂ©rĂ© par son choix d'habiter dans la mĂȘme pension. Le paragraphe explore Ă©galement le contraste entre RaphaĂ«l et Rastignac, un jeune homme ambitieux et cynique, mettant en Ă©vidence la lutte pour la rĂ©ussite sociale dans un monde oĂč l'argent et l'influence sont prĂ©pondĂ©rants. La rencontre avec FĆdora, une femme Ă la mode et froide, marque le dĂ©but de la lutte intĂ©rieure de RaphaĂ«l entre ses dĂ©sirs et ses principes, et la Peau de Chagrin commence Ă jouer son rĂŽle dans cette lutte.
đż RaphaĂ«l et la sociĂ©tĂ© de son temps
Le paragraphe 4 dĂ©crit la confrontation de RaphaĂ«l avec la sociĂ©tĂ© de son temps, dominĂ©e par l'ambition et l'argent, incarnĂ©e par FĆdora. RaphaĂ«l, issu d'une aristocratie en dĂ©clin, est en butte Ă l'indiffĂ©rence et au rejet de cette sociĂ©tĂ© matĂ©rialiste. Le rĂ©cit explore les lieux symboliques de Paris, opposant la rive droite, teintĂ©e de luxe et de jeu, Ă la rive gauche, plus modeste et intellectuelle. RaphaĂ«l est poussĂ© Ă Ă©crire des mĂ©moires fictifs pour gagner de l'argent, ce qui le rapproche de la corruption et de la faussetĂ© de son Ă©poque. Son interaction avec FĆdora, qui le manipule pour ses propres intĂ©rĂȘts, souligne la superficialitĂ© et l'Ă©goĂŻsme de la haute sociĂ©tĂ©. Le paragraphe montre Ă©galement comment RaphaĂ«l, malgrĂ© sa richesse croissante, est hantĂ© par le souvenir de Pauline, une figure de puretĂ© et de bontĂ©, suggĂ©rant que le vĂ©ritable bonheur ne rĂ©side pas dans la possession matĂ©rielle mais dans les relations humaines authentiques.
đ Le choix de RaphaĂ«l et ses consĂ©quences
Le paragraphe 5 met en lumiĂšre le choix crucial de RaphaĂ«l entre le pacte diabolique de la Peau de Chagrin et l'amour pur de Pauline. RaphaĂ«l, aprĂšs avoir rĂ©alisĂ© que la peau ne rĂ©trĂ©cit pas lorsque son dĂ©sir est pour l'amour sincĂšre de Pauline, jette le talisman dans un puits, symbole de son rejet du pacte avec le mal. Cependant, le retournement de la Peau de Chagrin par le jardinier et les tentatives infructueuses de RaphaĂ«l pour la dĂ©truire soulignent la persistance du mal et la difficultĂ© de s'en dĂ©barrasser. Les conseils de diffĂ©rents mĂ©decins et les expĂ©rimentations avec la science et la technologie pour dĂ©truire la peau Ă©chouent, renforçant le thĂšme de l'insondable et de l'incontrollable. Le paragraphe explore Ă©galement les coĂŻncidences et la fatalitĂ©, laissant le lecteur se demander si la peau exauce vraiment les vĆux ou si c'est simplement une sĂ©rie de coĂŻncidences. La maladie de RaphaĂ«l, suggĂ©rĂ©e par une toux ressemblant Ă la tuberculose, et son voyage aux eaux d'Aix en Savoie pour guĂ©rir, montrent son dĂ©sir de s'approcher de la nature et de la poĂ©sie, loin de la corruption de la ville.
đč L'amour de Pauline et la fin tragique de RaphaĂ«l
Le paragraphe 6 conclut l'histoire de RaphaĂ«l avec son mariage avec Pauline, qui semble ĂȘtre la rĂ©demption Ă ses erreurs passĂ©es. Cependant, le retour de la Peau de Chagrin, retrouvĂ©e intacte et rĂ©trĂ©cie, annonce la fin tragique de RaphaĂ«l. La rĂ©vĂ©lation du secret de la peau Ă Pauline et la consĂ©quente rĂ©duction de la peau dans sa main, suivie de la mort de RaphaĂ«l, montrent que le pacte avec le diable est irrĂ©vocable. Le dĂ©sir final de RaphaĂ«l, exprimĂ© par une morsure, libĂšre toute la fatalitĂ© du roman, suggĂ©rant que la possession matĂ©rielle et la satisfaction des dĂ©sirs Ă©phĂ©mĂšres mĂšnent Ă la destruction. L'Ă©pilogue, qui compare Balzac Ă RaphaĂ«l en mourant Ă©puisĂ© aprĂšs son mariage, ajoute une dimension mĂ©tafictionnelle Ă l'Ćuvre. Le paragraphe finit par une rĂ©flexion sur les personnages fĂ©minins, Pauline comme l'amour et la poĂ©sie, et FĆdora comme l'incarnation de la sociĂ©tĂ©, laissant le lecteur Ă mĂ©diter sur les choix et les consĂ©quences dans la vie.
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Keywords
đĄLa Peau de Chagrin
đĄBalzac
đĄRomantisme
đĄLa ComĂ©die Humaine
đĄRaphaĂ«l
đĄFĆdora
đĄPacte
đĄĂtudes philosophiques
đĄLa ComĂ©die Humaine
đĄChagrin
Highlights
Balzac, avec 'La Peau de Chagrin', rĂ©pond aux aspirations romantiques de sa gĂ©nĂ©ration en quĂȘte de nouvelles Ă©motions.
Le récit est teinté de fantastique, questionnant les limites de la science et de la rationalité.
Le surnaturel sert de mĂ©taphore Ă la philosophie de l'Ă©nergie dans l'Ćuvre de Balzac.
L'intrigue suit un jeune homme, 'l'inconnu', dans une maison de jeu, symbole d'entrée dans la Comédie Humaine.
Le personnage de l'inconnu est dĂ©crit comme un ange Ă©garĂ©, rĂ©vĂ©lateur de la dualitĂ© de son ĂȘtre.
La perte d'une piÚce symbolise la détresse d'une génération aprÚs la chute de l'Empire.
Le jeune homme, Raphaël, est confronté à un vieillard qui lui propose un pacte avec la Peau de Chagrin.
La Peau de Chagrin reprĂ©sente un pacte diabolique oĂč chaque souhait coĂ»te de l'Ă©nergie vitale.
Le vieillard oppose la connaissance comme clef des trésors, critiquant l'avare et l'égoïsme de la sagesse.
Raphaël choisit une vie de débauche, symbolisant le renoncement à la sagesse pour le pouvoir.
Les amis de Raphaël critiquent la politique de l'époque et la société matérialiste.
La description des personnages Aquilina et Euphrasie révÚle la cynisme de la société.
Raphaël est déchiré entre ses désirs et la société qui les nourrit, illustrant le dilemme de sa génération.
L'histoire de Raphaël est un retour dans le passé, révélant son héritage et son désir de devenir écrivain.
Balzac utilise la technique du roman historique pour parler de son époque, influencé par Walter Scott.
Raphaël est confronté à des choix éthiques quand il est proposé d'écrire des Mémoires fictifs.
La rencontre avec FĆdora illustre la complexitĂ© des relations sociales et la froideur de la haute sociĂ©tĂ©.
La Peau de Chagrin rétrécit avec chaque souhait de Raphaël, symbole de l'éphémÚre bonheur des possessions matérielles.
Raphaël et Pauline représentent l'amour pur et la possibilité de bonheur hors de la société matérialiste.
Le talisman de la Peau de Chagrin est finalement inutile pour l'amour véritable, une leçon sur la valeur de la vie.
La mort de Raphaël symbolise le prix du pacte avec le surnaturel et la finitude de l'existence humaine.
Balzac parallÚle le destin de Raphaël avec le sien, suggérant une connexion entre l'art et la vie.
Transcripts
1831, quand il publie La Peau de Chagrin, Balzac est encore jeune,
il rĂ©pond aux attentes de sa gĂ©nĂ©ration â romantique â en quĂȘte de nouvelles Ă©motions,
lassĂ©s des codes de lâAncien RĂ©gime⊠Ce sera lâun de ses premiers grands succĂšs !
Lâintrigue est avant tout fantastique* : le surnaturel dĂ©borde la rĂ©alitĂ©.
Mais justement, le genre fantastique interroge les limites de la science et de la rationalité,
trace déjà les contours de la grande fresque réaliste de la Comédie Humaine
â titre quâil ne donnera quâen 1842 !
Et voilĂ pourquoi Balzac placera Ă ce moment-lĂ La Peau de Chagrin en tĂȘte des Ătudes philosophiques :
ce roman constitue une mĂ©taphore de la philosophie de lâĂ©nergie prĂ©sente dans toute son Ćuvre.
Dans cette vidĂ©o, je rĂ©sume et jâanalyse le roman au fur et Ă mesure.
Ensuite, mes analyses linéaires et mes dissertations thématiques se trouvent en vidéo PDF et podcast
sur mon site : www . mediaclasse . fr
Un jeune homme entre dans une maison de jeu du Palais Royal.
Pour lâinstant, on lâappelle « lâinconnu ».
Le vieillard du guichet est comparé à CerbÚre, le chien de garde des Enfers.
Et en effet, Balzac nous introduit dans La Comédie Humaine
comme Virgile emmÚne Dante aux Enfers dans La Divine Comédie.
Les habituĂ©s de la salle de jeu regardent lâinconnu attentivement.
Son portrait est rĂ©vĂ©lateur, jâen rĂ©alise une analyse linĂ©aire sur mon site.
Ange sans rayons, Ă©garĂ© dans sa route, [...] les tĂ©nĂšbres et la lumiĂšre, le nĂ©ant et lâexistence
sây combattaient en produisant tout Ă la fois de la grĂące et de lâhorreur.
Le jeune homme joue sa derniĂšre piĂšce et la perdâŠ
Ce NapolĂ©on perdu reprĂ©sente bien la dĂ©tresse dâune gĂ©nĂ©ration qui a rĂȘvĂ© des conquĂȘtes de lâEmpire
et qui subit désormais un monde matérialiste et désabusé.
DĂ©cidant dâattendre la nuit pour se jeter dans la Seine, il croise un mendiant, puis une passante Ă©lĂ©gante, qui lâignore. Enfin, il arrive quai Voltaire,
comme pour rappeler le poids de lâhĂ©ritage des LumiĂšres.
Et en effet, les tourments de Raphaël étaient un véritable phénomÚne collectif,
que Musset dĂ©crit dans ses Confessions dâun Enfant du SiĂšcle :
La maladie du siĂšcle prĂ©sent vient de deux causes [...] : tout ce qui Ă©tait nâest plus ; tout ce qui sera nâest pas encore.
Le jeune homme dĂ©couvre alors un magasin dâantiquitĂ©sâŠ
La description de Balzac, transition vers un monde fantastique,
nous fait mĂ©diter sur les ruines des civilisations dâOrient et dâOccident.
Lâinconnu compara [...] ces trois salles gorgĂ©es de civilisation, de cultes, [...] de chefs-dâĆuvre [...]
à un miroir dont [chaque facette] représentait un monde.
Les descriptions de Balzac ont vraiment une dimension archéologique : chaque objet porte les traces de son passé.
Montrer toute la poĂ©sie, le drame, la philosophie enfouies sous le monde prĂ©sentâŠ
Le projet de Balzac dĂ©passe de loin lâĂ©tat-civil !
Nâest-il pas [...] plus difficile de faire concurrence Ă lâĂtat-Civil [...] que de rĂ©diger des thĂ©ories ? [...]
Ne devais-je pas [...] surprendre le sens cachĂ© dans cet immense assemblage de figures, de passions et dâĂ©vĂ©nements ?
Dans la derniĂšre salle, surgit soudain un vieillard, Ă©clairĂ© dâune lampe.
Un peintre [aurait fait] de cette figure une belle image du PĂšre Ăternel,
ou le masque ricaneur du MéphistophélÚs,
car il se trouvait tout ensemble une suprĂȘme puissance dans le front et de sinistres railleries sur la bouche.
Ici, le PĂšre Ăternel sâoppose Ă MĂ©phistophĂ©lĂšs, le diable du Faust de Goethe.
La lampe rappelle le gĂ©nie dâAladdin.
Lâhomme, la sociĂ©tĂ©, lâhumanitĂ© seront dĂ©crits, jugĂ©s, analysĂ©s [...] dans une Ćuvre qui sera comme les Mille et Une Nuits de lâOccident.
Le vieillard dĂ©voile dâabord un portrait du Christ de RaphaĂ«l :
Cette peinture inspirait une priÚre, recommandait le pardon, [...] réveillait toutes les vertus endormies. [...]
Son triomphe Ă©tait complet, on oubliait le peintre.
On voit bien ici que pour le jeune Balzac, lâartiste doit exprimer des sentiments Ă©levĂ©s.
Mais peut-on encore, au XIXe siĂšcle, faire une telle peinture des vertus ? Non, il va falloir jouer sur les contrastes.
En face de ce fameux portrait du Christ, comme une antithĂšse* (un jeu dâopposition)
se trouve un morceau de cuir, avec un texte en sanskrit.
Si tu me possĂšdes, tu possĂ©deras tout. / mais ta vie mâappartiendra. Dieu lâa voulu ainsi.
Désire, et tes désirs / seront accomplis. Mais rÚgle / tes souhaits sur ta vie. /
Elle est là . à chaque / vouloir je décroitrai / comme tes jours. /
Me veux-tu ? / Prends. Dieu / tâexaucera. / Soit !
On devine tout de suite le caractĂšre diabolique de ce pacte : chaque vĆu prendra un peu dâĂ©nergie vitale.
Je rĂ©alise une explication linĂ©aire sur le moment oĂč RaphaĂ«l dĂ©couvre la Peau de Chagrin.
Le vieillard présente alors sa philosophie, une alternative implacable.
â Vouloir nous brĂ»le et Pouvoir nous dĂ©truit ;
mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. [...]
La pensée est la clef de tous les trésors,
elle procure les joies de lâavare sans donner ses soucis.
Mais oĂč est la sagesse, si le Savoir reste un plaisir avare, Ă©goĂŻste ?
En tout cas le jeune homme dĂ©cide dâarrĂȘter ses Ă©tudes, pour entrer dans une vie de dĂ©bauche.
â Jâavais rĂ©solu ma vie par lâĂ©tude et par la pensĂ©e ;
mais elles ne mâont mĂȘme pas nourri. [...] Voyons ! [...] Je veux une bacchanale digne [de ce] siĂšcle.
â Vous avez signĂ© le pacte : tout est dit. [...] Votre suicide nâest que retardĂ©.
FĂąchĂ© par le rire du vieillard, le jeune homme lui souhaite de tomber amoureux⊠dâune danseuse ; et sâen va.
La Peau de Chagrin sâamenuise.
Les personnages de ce roman sont-ils donc fatalement condamnĂ©s Ă lâĂ©puisement de leur Ă©nergie vitale ?
Je vous propose une dissertation à ce sujet en vidéo, PDF et podcast, sur mon site.
Avant dâatteindre les quais, le jeune homme tombe sur des amis, qui disent le chercher depuis une semaine.
On apprend enfin son prĂ©nomâŠ
â RaphaĂ«l [...] mon cher, [...] nous gĂ©missions sur la perte dâun homme douĂ© dâassez de gĂ©nie pour se faire Ă©galement chercher Ă la cour et dans les prisons.
Les amis de Raphaël commentent la situation politique :
depuis les Trois Glorieuses, Louis-Philippe est devenu Roi-citoyen, tous les camps politiques se plaignent.
Câest le moment de fonder un journal insolent.
â Sectateurs de MĂ©phistophĂ©lĂšs, [entreprenons] de recuire les rĂ©publicains,
de réchampir les bonapartistes et de ravitailler les centres,
pourvu quâil nous soit permis de rire in petto des rois et des peuples [...] et de passer une joyeuse vie.
Ils se rendent chez Taillefer, le banquier qui finance leur journal
et donne Ă cette occasion une grande fĂȘte dans sa somptueuse demeure.
â Ah ! Je veux vivre au sein de ce luxe ! [...] Et puis aprĂšs mourir.
Balzac rapporte alors les discussions des convives :
cyniques, ils sâenivrent sur les ruines de la civilisation.
Entre [...] ces enfants de la RĂ©volution [...] et les [...] joyeux buveurs [...] de Gargantua,
se trouvait tout lâabĂźme qui sĂ©pare le dix-neuviĂšme siĂšcle du seiziĂšme.
Celui-ci apprĂȘtait une destruction en riant, le nĂŽtre riait au milieu des ruines.
Pour Balzac, la Renaissance (Rabelais) puis les LumiĂšres (Voltaire et Rousseau)
ont balayé la monarchie et la religion,
privant le XIXe siĂšcle de ses repĂšres moraux, ne laissant de place quâĂ lâargent.
Arrivent alors deux prostituĂ©es : Aquilina, dont lâamant a Ă©tĂ© guillotinĂ©, et Euphrasie,
danseuse au visage dâange, mais parfaitement cynique.
â Vivre pour plaire et rĂ©gner, tel est lâarrĂȘt que prononce [...] mon cĆur.
La sociĂ©tĂ© mâapprouve ; ne fournit-elle pas sans cesse Ă mes dissipations ?
Les critiques de lâĂ©poque sont troublĂ©s par ces passages oĂč Balzac fait la satire dâun univers qui le fascine pourtant.
Gardez-vous de vous-mĂȘme en lisant le livre de Balzac. [...]
Il prend la dĂ©bauche, [...] lui peint le visage, en fait une jeune et jolie fille quâil livre Ă vos embrassements.
Voyant ces excĂšs, Ămile rĂ©sume lâalternative de leur gĂ©nĂ©ration :
â Tuer les sentiments pour vivre vieux, ou mourir jeune en acceptant le martyre des passions, voilĂ notre arrĂȘt.
Mais Aquilina et Euphrosine sâendormentâŠ
Et on découvre bien vite que la vie de Raphaël est déjà partagée entre deux autres femmes.
Dans les effluves du punch, RaphaĂ«l raconte sa vie Ă Ămile.
Câest une analepse* (un retour dans le passĂ©), sous forme de discours rapportĂ©.
Un jour, au bal du duc de Navarreins, son cousin, il joue lâargent que son pĂšre lui a confiĂ©,
mais remporte sa mise : son pĂšre ne sâaperçoit de rien et lui accorde mĂȘme une petite rente pour faire ses Ă©tudes.
On apprend alors que RaphaĂ«l de Valentin est issu dâune famille noble : son pĂšre a Ă©tĂ© ruinĂ© par la RĂ©volution.
La fortune de sa mĂšre leur a permis dâacheter des terres conquises sous lâEmpireâŠ
Mais la chute de Napoléon les a fait crouler sous les procÚs.
On ne sâen rend pas bien compte aujourdâhui, mais ici, Balzac fait une chose trĂšs originale : il applique les codes du roman historique Ă son Ă©poque.
Il sâinspire de Walter Scott, admirĂ© par les romantiques,
pour parler dâun passĂ© rĂ©cent qui passionne ses contemporains.
Ensuite, toute la Comédie Humaine sera marquée par cette idée,
qui fait de Balzac un véritable précurseur du mouvement Réaliste,
dont je parle plus longuement dans mes vidĂ©os dâHistoire LittĂ©raire.
AprĂšs un an de procĂ©dures, RaphaĂ«l parvient Ă conserver lâĂźle oĂč sa mĂšre est enterrĂ©e
et à rembourser les créanciers de son pÚre.
â Les larmes que je vis dans les yeux de mon pĂšre [ont] souvent consolĂ© ma misĂšre.
Dix mois aprÚs avoir payé ses créanciers, mon pÚre mourut de chagrin.
Il mâadorait et mâavait ruinĂ© ; cette idĂ©e le tua.
Raphaël veut devenir écrivain,
il sâenferme dans une pension, lâhĂŽtel Saint-Quentin, oĂč Rousseau lui-mĂȘme a vĂ©cu !
Balzac nous rappelle implicitement lâinfluence des LumiĂšres sur les jeunes esprits.
â Toi seul, mon cher Ămile, [...] admiras ma ThĂ©orie de la volontĂ©,
ce long ouvrage pour lequel jâavais appris les langues orientales, lâanatomie, la physiologie.
Balzac met beaucoup de lui-mĂȘme dans la vie de RaphaĂ«l : Ă©tudiant en droit, il travaille de nuit,
frĂ©quente les salons, les maisons dâĂ©dition, dĂ©pense beaucoupâŠ
Mais dans sa préface, il prend ses distances avec son héros :
lâĂ©crivain peut inventer le vrai sans le vivre !
Il se passe chez les poÚtes [...] un phénomÚne [inexplicable].
Une sorte de seconde vue qui leur permet [dâinventer] le vrai par analogie.
Mme Gaudin, qui tient la pension, a une fille, Pauline ;
câest la filleule de Pauline Bonaparte (sĆur de NapolĂ©on et princesse BorghĂšse) !
Son pĂšre, officier de la garde impĂ©riale, a disparu Ă BĂ©rĂ©zinaâŠ
Pauline rend des services Ă RaphaĂ«l, lui apporte du lait, des bougiesâŠ
RaphaĂ«l lui donne des leçons. Pauline est belle, vertueuse, maisâŠ
RaphaĂ«l sâinterdit de tomber amoureux dâelleâŠ
â Je lâavoue Ă ma honte. [...] Mon indigence parlait son langage Ă©goĂŻste, et venait toujours mettre sa main de fer entre cette bonne crĂ©ature et moi.
Pauline est comparée à Galatée, la sculpture de Pygmalion,
qui tombe amoureux de sa propre crĂ©ationâŠ
Ou encore Ă Peau dâ ne, lâhĂ©roĂŻne du conte de Perrault, Ăąme pure cachĂ©e sous la peau dâun animalâŠ
Lâonomastique* (lâĂ©tude des noms) oppose Pauline et Peau de Chagrin.
Son nom chrétien la distingue des autres femmes et la rattache au tableau de Raphaël.
Et si câĂ©tait elle le vĂ©ritable talisman du roman ?
BientĂŽt, RaphaĂ«l rencontre Rastignac, jeune gascon qui perce dans la sociĂ©tĂ©âŠ
Balzac en fait un intéressant jeu de contraste avec Raphaël.
â Moi, je suis bon Ă rien, [...] jâarriverai Ă tout. [...] La dissipation, mon cher, nâest-ce pas la moralitĂ© de la comĂ©die qui se joue tous les jours dans le monde ?
En 1834, Balzac se dit :
et si Rastignac revenait dans Le PĂšre Goriot ? Il deviendrait cynique Ă la suite de la mort du vieil hommeâŠ
Ce retour des personnages pourrait mĂȘme ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ© !
Câest une idĂ©e novatrice Ă lâĂ©poque. Sa sĆur Laure raconte quâil aurait couru la lui annoncer :
â Saluez-moi, car je suis tout bonnement en train de devenir un gĂ©nie !
Rastignac invite Raphaël chez une femme à la mode,
la comtesse FĆdora, et lui donne quelques conseils pour lâaborder.
Je crus comprendre lâattrait qui amenait lĂ [...] ces hommes de pouvoir. [...]
Elle ne sâĂ©tait donnĂ©e Ă aucun pour les garder tous.
â FĆdora ou la mort ! mâĂ©criai-je.
Ătrange alternative, oĂč il se piĂšge lui-mĂȘme !
LâĂ©puisement vital de RaphaĂ«l commence dĂšs ce deuxiĂšme chapitre, avec cette femme sans cĆur.
Foedus* en latin, le pacte, mais aussi lâhorreur ou le malheur.
FĆdora partage plusieurs traits avec la Peau de Chagrin : froideur, duretĂ©,
une touche dâorientalisme, la sĂ©duction, et mĂȘme une certaine pilositĂ©âŠ
Mollement couchée sur une ottomane, tenant à la main un écran de plumes [...]
ses lĂšvres rouges tranchaient sur un teint dâune vive blancheur. [...]
Une rivale aurait peut-ĂȘtre blĂąmĂ© lâimperceptible duvet qui ornait les contours de son visage.
Un soir, FĆdora refuse dâaccompagner RaphaĂ«l au thĂ©Ăątre.
Le billet lui ayant coĂ»tĂ© son dernier Ă©cu, il sây rend seulâŠ
Mais Ă peine arrivĂ©, une intuition lâavertit de sa prĂ©senceâŠ
En effet, il lâaperçoit dans sa loge.
FĆdora me vit et devint sĂ©rieuse : je la gĂȘnais.
Au premier entracte, jâallai lui faire une visite. Elle Ă©tait seule, je restai.
La comtesse lui demande de la raccompagner,
mais il pleut, et il nâa pas assez de monnaie pour payer le voiturier, FĆdora est glaciale :
â Sachez monsieur que des [...] richesses et des titres mâont Ă©tĂ© offerts ;
mais [...] je nâai jamais revu les personnes assez mal inspirĂ©es pour mâavoir parlĂ© dâamour.
Ă cet instant, FĆdora incarne bien cette sociĂ©tĂ©, que Balzac dĂ©nonce :
dominĂ©e par lâambition et lâargent.
Raphaël de Valentin, aristocrate, représente un ancien monde sur le point de disparaßtre.
Les lieux du roman reprĂ©sentent dâailleurs trĂšs bien cette division.
Rive droite : le thĂ©Ăątre, les maisons de jeu, Taillefer, FĆdora.
Rive gauche : la boutique, le quai Voltaire, lâhĂŽtel Saint-Quentin, la rue de Varenne.
Le lendemain, Rastignac présente Raphaël à un éditeur qui veut publier de fausses Mémoires sur Marie-Antoinette.
Il hésite, Rastignac insiste.
â Prends dâabord les cinquante Ă©cus et fais les mĂ©moires.
Quand ils seront achevés, tu refuseras de les mettre sous le nom de [...] Madame de Montbauron. [...]
Le libraire [saura bien] payer ta tante ce quâelle vaut.
Le lendemain, RaphaĂ«l reçoit une invitation de FĆdora au Jardin des Plantes !
Il trouve quelques piĂšces au fond dâun tiroir et sây rend Ă pied.
â La protection du duc de Navarreins votre cousin [...] me serait trĂšs utile [...] [pour] la reconnaissance de mon mariage par lâempereur.
RaphaĂ«l accepte et passe de merveilleux moments avec FĆdora,
mais le charme retombe lorsquâarrive le duc de Navarreins.
FĆdora [...] traita sans moi cette affaire mystĂ©rieuse [...] : jâavais Ă©tĂ© pour elle un moyen.
Elle paraissait ne plus mâapercevoir quand mon cousin Ă©tait chez elle.
LâinsensibilitĂ© de FĆdora obsĂšde tellement RaphaĂ«l quâil se cache un soir derriĂšre un rideau pour lâobserver seule...
Avant de sâendormir, FĆdora laisse Ă©chapper une plainte « Mon Dieu » :
Ătait-ce imprĂ©cation ou priĂšre, souvenir ou avenir, regret ou crainte ?
Il y avait toute une vie dans cette parole [...] ! LâĂ©nigme [...] renaissait.
Peut-ĂȘtre que FĆdora a un cĆur, aprĂšs tout ?
Deux jours plus tard, RaphaĂ«l retourne la voir pour lui faire une dĂ©claration dâamour.
â Le mariage est un sacrement [par lequel] nous ne nous communiquons que des chagrins [...]
et je vous aime si peu que cette scĂšne mâaffecte dĂ©sagrĂ©ablement.
En dĂ©sespoir de cause, RaphaĂ«l lui avoue alors quâil lâa entendue dire « Mon Dieu ! » alors quâelle croyait ĂȘtre seule.
â Avant-hier, oui ! [...] Jâavais oubliĂ© de [...] convertir mes rentes.
Les jours qui suivent, Raphaël démoralisé achÚve ses fausses Mémoires, et va les déposer chez son éditeur.
Sur le chemin du retour, il croise Rastignac à qui il confie ses pensées de suicide.
â Ăcoute, [...] Ă ta place, je tĂącherais de mourir avec Ă©lĂ©gance. [...] Menons une vie enragĂ©e, peut-ĂȘtre trouverons-nous le bonheur par hasard !
Raphaël va alors faire ses adieux à Pauline et déménage rue Taitbout :
CâĂ©tait une chambre [...] de mauvais sujet [...].
La vie sây dressait avec ses paillettes et ses haillons, soudaine, incomplĂšte comme elle est rĂ©ellement,
mais vive, mais fantasque comme dans une halte oĂč le maraudeur a pillĂ© tout ce qui fait sa joie.
RaphaĂ«l raconte Ă Ămile endormi les derniers Ă©vĂ©nements de sa vie :
ruinĂ©, il vend lâĂźle de sa mĂšre, perd son dernier NapolĂ©on au jeu, et songe au suicide.
Soudain, il se souvient de la Peau Chagrin :
â Au diable la mort ! [...] Je suis riche, jâai toutes les vertus. Rien ne me rĂ©sistera.
Le jour se lĂšve, les convives se remettent des excĂšs de la veille,
arrive alors un certain M. Cardot, notaire, qui se tourne vers Raphaël :
â Monsieur, vous ĂȘtes [lâunique hĂ©ritier] OâFlaharty, dĂ©cĂ©dĂ© en 1828 Ă Calcutta.
Toute la société acclame la bonne fortune de Raphaël et trinque en son honneur.
Mais Raphaël constate que la Peau de Chagrin a rétréci,
il comprend que câest pour lui le dĂ©but de la fin.
Je propose une analyse linéaire de ce passage-clé sur mon site.
M. Jonathas, ancien domestique des Valentin, réembauché par Raphaël,
raconte Ă un visiteur le quotidien de son maĂźtre rue de Varenne,
rive gauche : malgrĂ© sa richesse, RaphaĂ«l est toujours dans lâancien monde.
Monsieur le marquis nâa rien Ă souhaiter.
Le menu est dressĂ© pour lâannĂ©e entiĂšre.
[Sâil fait beau] je lui dis : Vous devriez sortir, monsieur ? Il me rĂ©pond oui, ou non.
On devine que Raphaël pauvre voulait tout mais ne pouvait rien.
Raphaël riche peut tout mais évite de formuler le moindre désir !
Le visiteur nâest autre que M. Porriquet, lâancien professeur de RaphaĂ«l !
Soupçonné par le pouvoir de soutenir Charles X, il a perdu son poste.
â Mon bon pĂšre Porriquet [...] je souhaite bien vivement que vous rĂ©ussissiezâŠ
Catastrophe, il vient de formuler un souhait : la Peau de Chagrin a encore rĂ©trĂ©ciâŠ
Raphaël bouleversé se laisse conduire par Jonathas aux Italiens pour voir la Semiramide de Rossini.
Au thĂ©Ăątre, quelle nâest pas sa surprise de croiser Euphrasie au bras du vieil antiquaire !
â Jâavais pris lâexistence au rebours. Il y a toute une vie dans une heure dâamour.
Le vieillard, comparĂ© Ă un tableau de Rembrandt, est affectĂ© par sa nouvelle passion, exactement comme RaphaĂ«l aprĂšs chaque vĆu...
Balzac sâintĂ©resse Ă la physiognomonie*
(les traits physiques et moraux sont liés)
mais il en fait surtout une mĂ©taphore de lâĂąme.
Depuis sa loge, RaphaĂ«l aperçoit de loin FĆdora triomphante.
Un jeune pair de France [portait] sa lorgnette.
Une joie inexprimable anima [sa] figure, quand elle eut conscience dâĂ©craser par sa parure les plus Ă©lĂ©gantes femmes de Paris.
Le jeune Balzac esquisse dĂ©jĂ une Ă©tude de mĆurs dans ce roman,
mĂȘlant noblesse, petite et grande bourgeoisie.
Mais il nâapprofondit pas tous les personnages, FĆdora notamment reste une coquille vide.
Au second acte, une femme vient se placer prÚs de Raphaël.
Tout le monde se tourne vers elle. RaphaĂ«l nâose pas la regarder, maisâŠ
Son imagination [...] lui dessina rapidement une femme en traits de feu.
Il se retourna brusquement. [...] â Pauline !
â Monsieur RaphaĂ«l !
Ils conviennent dâun rendez-vous et elle sâenfuit.
Une fois seul, RaphaĂ«l Ă©met le vĆu dâĂȘtre aimĂ© dâelleâŠ
La Peau de Chagrin ne rĂ©trĂ©cit pas : Câest Ă mon avis la clĂ© du roman : lâamour de Pauline est bien rĂ©el.
Le lendemain, ils se retrouvent dans son ancienne mansarde de lâHĂŽtel Saint Quentin.
Leur situation a beaucoup changé.
â Mon RaphaĂ«l ! Tu ne sais pas ? [...] Je suis une riche hĂ©ritiĂšre.
[...] Tu aimes le luxe [...] mais tu dois aimer mon cĆur aussi, [oĂč] il y a tant dâamour pour toi !
Tout est lĂ : RaphaĂ«l serait devenu riche et heureux sâil avait demandĂ© Pauline en mariage au lieu de signer le pacte.
â Tu seras ma femme, mon bon gĂ©nie. Ta prĂ©sence a toujours dissipĂ© mes chagrins et rafraĂźchi mon Ăąme ; [...]
ton sourire angĂ©lique mâa [...] purifiĂ©.
Balzac envoie des signaux forts : lâamour de Pauline est un bon gĂ©nie, dissipe les chagrins.
Est-il trop tard pour faire le bon choix ?
RaphaĂ«l jette la Peau de Chagrin au fond dâun puits.
RaphaĂ«l se laissa donc aller au bonheur dâaimer, et vĂ©cut cĆur Ă cĆur avec Pauline.
Leur mariage [...] devait se célébrer dans les premiers jours de mars.
Mais fin fĂ©vrier, le jardinier a repĂȘchĂ© la Peau de Chagrin, Ă©trangement intacte, sĂšche⊠et rĂ©trĂ©cie.
Raphaël, horrifié, décide de faire appel à la science, il consulte M. Lavrille, naturaliste.
â Il existe en Perse un Ăąne trĂšs rare, lâonagre.
Presque impossible Ă saisir dans les montagnes, il semble voler comme un oiseau.
De lĂ vient sans doute notre PĂ©gase.
Chagri (en Turquie) serait la ville oĂč on traite ce cuir particulier.
Pour étendre la surface de cette Peau de Chagrin, Raphaël se rend chez un spécialiste de la mécanique, M. Planchette,
qui met la peau dans une presse hydraulique.
Balzac dĂ©crit longuement la machine et il cite mĂȘme Blaise Pascal qui en est le premier concepteur.
Mais la peau résiste à la presse, qui vole en éclats.
Planchette accompagne alors Raphaël chez un célÚbre chimiste, Japhet :
Le chagrin sortit victorieux dâun Ă©pouvantable choc auquel il avait Ă©tĂ© soumis, grĂące Ă une quantitĂ© raisonnable de chlorure dâazote.
Ces Ă©checs font donc surtout surgir de nouvelles questions⊠La Peau exauce-t-elle vraiment les vĆux ?
JusquâoĂč vont les coĂŻncidences ?
Au fond, La Peau de Chagrin câest le roman lui-mĂȘme, dont nous tournons les pagesâŠ
Pour Balzac, lâart Ă©chappe Ă la science.
RaphaĂ«l tombe alors malade, sa mauvaise toux ressemble Ă un dĂ©but de phtisie (le nom quâon donnait Ă lâĂ©poque Ă la tuberculose).
Il consulte alors quatre médecins, dans une scÚne trÚs Moliéresque !
Pour le premier, M. Brisset, la cause est mécanique,
pour Caméristus, elle spirituelle.
Maugredie ne tranche pas : les sangsues nettoieront le corps, et lâair de la montagne soignera lâĂąme.
Le dernier médecin, Horace Bianchon, est plus sage et plus modeste :
â Ils sont logiques [...] CamĂ©ristus sent, Brisset examine, Maugredie doute.
Lâhomme nâa-t-il pas une Ăąme, un corps et une raison ? [...]
TĂąche donc de vivre sagement [...] ; le mieux [...] sera toujours de se confier Ă la nature.
RaphaĂ«l se rend donc aux eaux dâAix en SavoieâŠ
Il éprouve un réel apaisement aux abords du lac du Bourget.
Ce lac, câest le fameux lac de Lamartine, oĂč il pleure la mort de sa bien-aimĂ©e Elvire dans ses MĂ©ditations PoĂ©tiques.
Ce recueil est fondateur pour les romantiques.
La Province laisse une place Ă la Nature,
mais on y retrouve tout de mĂȘme la sociĂ©tĂ©,
et RaphaĂ«l rĂ©alise bientĂŽt que son air aristocrate lui a attirĂ© lâhostilitĂ© des autres pensionnaires.
Un soir, un jeune homme le provoque en duel. Raphaël le prévient de son pouvoir, en vain.
En tirant au hasard, RaphaĂ«l atteignit son adversaire au cĆur.
[...] Il chercha [...] la Peau de Chagrin pour voir ce que lui coûtait une vie humaine.
Le talisman nâĂ©tait plus grand que comme une petite feuille de chĂȘne.
Raphaël se rend alors en Auvergne aux eaux du Mont-Dor.
Cette fois-ci, il loge Ă lâĂ©cart chez une famille locale.
Mais un jour, RaphaĂ«l entend Jonathas parler avec lâAuvergnate et rĂ©alise la pitiĂ© quâil inspire.
â Pauvre jeune homme [...] il peut guĂšre ben finir. Câte fiĂšvre, [...] ça le ruine !
Balzac est lâun des premiers Ă sâintĂ©resser aux dialectes locaux et sociaux,
qui vont fasciner des Ă©crivains comme Hugo et Zola.
De retour rue de Varenne, RaphaĂ«l continue de sâaffaiblir et garde le lit.
Un soir, Jonathas le conduit dans la grande galerie et ouvre la porte :
Une acclamation [Ă©clata] rutilante comme les rayons de cette fĂȘte improvisĂ©e. [...]
Il vit ses amis convoquĂ©s, mĂȘlĂ©s Ă des femmes [...] ravissantes.
RaphaĂ«l maudit le pauvre Jonathas, qui avait organisĂ© cette fĂȘte sur les conseils de Bianchon, et il retourne dans sa chambre.
Vers minuit, il est réveillé par Pauline qui lui reproche sa longue absence.
Raphaël lui révÚle alors le secret de la Peau de Chagrin.
â [Ce talisman] accomplit mes dĂ©sirs, et reprĂ©sente ma vie.
Vois ce quâil mâen reste. Si tu me regardes encore, je vais mourir...
â Mourir, mais tu es jeune ! Mourir, mais je tâaime !
Pauline prend la Peau de Chagrin qui rĂ©trĂ©cit encore dans sa main au moment oĂč elle se tourne vers RaphaĂ«l.
Le moribond chercha des paroles pour exprimer le désir qui dévorait ses forces ;
mais [...] ne pouvant bientĂŽt plus former de sons, il mordit Pauline au sein.
Ce dernier dĂ©sir, qui nâa rien de platonique, libĂšre toute la fatalitĂ© du roman.
Raphaël meurt juste avant son mariage,
comme si son pacte avec la Peau de Chagrin lâempĂȘchait de prendre un nouvel engagement.
Je propose une explication linéaire de ce passage sur mon site.
Fait Ă©tonnant, Balzac lui-mĂȘme mourra dâĂ©puisement, 5 mois aprĂšs son propre mariage avec la comtesse HanskaâŠ
Il paraĂźt que sur son lit de mort, il aurait appelĂ© Horace BianchonâŠ
Dans cet épilogue, Balzac donne rapidement la parole au lecteur qui cherche à comprendre les deux personnages féminins.
Le narrateur dĂ©crit alors Pauline comme une allĂ©gorie, peut-ĂȘtre, de lâamour, de la poĂ©sie,
qui dépasse et réenchante la réalité, mais reste vague.
Reine des illusions, [...] vive comme un Ă©clair [...] elle a revĂȘtu je ne sais quel corps de flamme ! [Voltigeant] dans les airs comme un mot vainement cherchĂ©.
Le lecteur sâinterroge alors : et FĆdora, que reprĂ©sente-t-elle ?
â Oh ! FĆdora, vous la rencontrerez. Elle Ă©tait hier aux Bouffons, elle ira ce soir Ă lâOpĂ©ra, elle est partout,
câest, si vous voulez, la SociĂ©tĂ©.
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