Comment la France a fait disparaitre ses médecins ?

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19 Sept 202410:20

Summary

TLDRCe script traite de la crise médicale en France, marquée par un vieillissement de la population et des médecins, et une pénurie de généralistes. Il explique comment un petit groupe de médecins a limité l'accès à la profession pour garder leurs patients. Le document souligne les tentatives pour résoudre le problème, comme le numerus clausus et le numerus apertus, et met en lumière les défis de répartition des médecins et la résistance au changement.

Takeaways

  • 📈 Dans les pays occidentaux, la moyenne d'âge de la population augmente, entraînant une augmentation des besoins en soins médicaux.
  • 👨‍⚕️ Le nombre de médecins ne suit pas cette croissance, avec en France une perte de plus de 10 000 généralistes depuis 2010.
  • 📉 Les médecins vieillissants contribuent à cette pénurie, avec 49% de la profession potentiellement à la retraite dans les dix prochaines années.
  • 💣 L'Organisation Mondiale de la Santé qualifie la situation de 'bombe à retardement' en termes de crise médicale imminente.
  • 🎓 La crise est anticipée depuis longtemps, mais la France a organisé cette pénurie de médecins plutôt que de la résoudre.
  • 🏛️ Les événements de Mai '68 ont marqué le début d'un mouvement contestataire contre l'élite médicale et la verticalité des carrières médicales.
  • 👥 Le nombre d'étudiants en médecine a doublé en quatre ans, menaçant la respectabilité de l'institution selon les mandarins.
  • 🚫 Les professeurs de médecine ont créé un syndicat pour lutter contre la démocratisation de la profession et protéger leurs intérêts.
  • 👥 Le numerus clausus a été instauré en 1972 pour limiter le nombre d'étudiants en médecine, entraînant une baisse drastique de la formation médicale.
  • 🏥 La réduction du nombre de médecins a des conséquences négatives sur les hôpitaux, où les internes sont essentiels pour le bon fonctionnement.
  • 🌐 La répartition géographique des médecins en France s'est détériorée, avec des déserts médicaux dans certaines zones malgré une offre globale insuffisante.

Q & A

  • Quel est le problème principal abordé dans le script ?

    -Le problème principal abordé est le manque croissant de médecins en France, en particulier de généralistes, qui est aggravé par le vieillissement progressif de la population médicale et de la population en général.

  • Quelle est la raison de la perte de plus de 10 000 généralistes en France depuis 2010 ?

    -La perte est due au vieillissement de la population de médecins qui atteignent l'âge de la retraite, et à la fois, la population française vieillit, augmentant ainsi la demande de soins médicaux.

  • Quel pourcentage de la profession médicale devrait prendre sa retraite dans les dix prochaines années ?

    -49% de la profession médicale devrait prendre sa retraite dans les dix prochaines années.

  • Quel est le terme utilisé pour décrire la situation de la pénurie de médecins en France ?

    -Le terme utilisé est 'bombe à retardement', une expression qui suggère que la situation est prévisible et potentiellement explosive si elle n'est pas gérée.

  • Quels événements historiques ont eu un impact sur la formation des médecins en France ?

    -Les événements historiques qui ont eu un impact sont les événements de Mai '68 qui ont conduit à une remise en question de la hiérarchie médicale et à une augmentation du nombre d'étudiants en médecine.

  • Quel rôle ont joué les syndicats de médecins dans la limitation de l'accès à la profession ?

    -Les syndicats de médecins ont joué un rôle clé en limitant l'accès à la profession pour conserver leurs patients et en prenant le contrôle des conseils des facultés de médecine.

  • Quelle mesure a été introduite en 1972 pour limiter le nombre d'étudiants en médecine ?

    -En 1972, a été introduit le numerus clausus, un nombre de places fixé par l'État limitant le nombre d'entrants en deuxième année.

  • Quel a été l'impact du numerus clausus sur la formation des médecins en France ?

    -Le numerus clausus a entraîné une réduction significative du nombre d'étudiants en médecine, passant de 8588 étudiants à 3500 étudiants en 1993, ce qui a contribué à la pénurie actuelle de médecins.

  • Quels sont les défis auxquels les hôpitaux ont dû faire face en raison du manque d'étudiants en médecine ?

    -En raison du manque d'étudiants, les hôpitaux ont manqué d'internes, ce qui a rendu la gestion des gardes et des astreintes plus difficile, car les internes sont souvent utilisés comme du personnel médical bon marché.

  • Quelle solution a été envisagée pour augmenter le nombre de médecins formés en France ?

    -Une solution envisagée est de construire de nouvelles facultés de médecine pour répartir les lieux de formation et augmenter le nombre d'étudiants formés, en supposant qu'il y ait suffisamment de personnes pour les former.

  • Quel est le terme utilisé pour décrire la stratégie de répartition des médecins en fonction de la densité de la population ?

    -Le terme utilisé est 'conventionnement sélectif', qui consiste à limiter la rémunération des médecins par la sécurité sociale dans les zones où il y a déjà un surplus de médecins.

Outlines

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👨‍⚕️ La pénurie de médecins en France

Ce paragraphe aborde la crise du manque de médecins en France, en particulier les généralistes. Depuis 2010, plus de 10 000 généralistes ont quitté la profession en raison d'une population vieillissante et d'un nombre croissant de médecins atteignant la retraite. L'Organisation Mondiale de la Santé avertit d'une 'bombe à retardement' avec 49% des médecins atteignant la retraite d'ici dix ans. L'histoire remonte aux événements de Mai '68 qui ont remis en question l'élite médicale et la formation des médecins. Suite à ces événements, le nombre d'étudiants en médecine a doublé en quatre ans, menaçant la respectabilité de l'institution selon les mandarins de l'époque. Pour lutter contre cette 'banalisation' de la profession, des professeurs de médecine ont créé un syndicat et ont utilisé leur influence politique pour limiter le nombre d'étudiants en médecine, ce qui a abouti à la mise en place d'un numerus clausus en 1972. Ce système a entraîné une réduction du nombre d'étudiants et, par conséquent, une réduction des dépenses de l'assurance maladie. Cependant, cela a créé une situation intenable dans les hôpitaux où les internes, souvent payés sous le SMIC, assurent une grande partie du travail médical. Les médecins étrangers ont également été recrutés pour pallier le manque d'internes, mais ils ont demandé un statut de médecins à part entière. Finalement, le numerus clausus a été relâché et remplacé par un numerus apertus en 2020.

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📈 La formation des médecins et la répartition géographique

Le paragraphe discute des défis de la formation des médecins en France et de la répartition inégale des médecins géographiquement. Malgré l'objectif de former 70% d'étudiants supplémentaires d'ici la rentrée 2027, la réalité est que le nombre de places n'a augmenté que de 5% depuis 2020. Il faudra 15 ans pour résoudre le problème en raison de l'inertie des décisions prises. Même avec un nombre accru de médecins, la crise ne sera pas résolue tant que la répartition des médecins ne sera pas améliorée. Les médecins ont tendance à rester dans les zones où ils ont été formés, ce qui crée des déserts médicaux dans certaines régions. Pour résoudre ce problème, il a été suggéré de construire de nouvelles facultés de médecine pour répartir les lieux de formation et augmenter le nombre d'étudiants formés. Cependant, cela prend du temps et ne résoudrait pas le problème si les médecins continuent de s'installer dans les mêmes zones. Une solution possible serait le conventionnement sélectif, où les médecins qui s'installent dans des zones surdotées ne seraient pas remboursés par la sécurité sociale, encourageant ainsi une meilleure répartition. Cependant, en France, la médecine libérale est attachée à la liberté d'installation, ce qui rend cette solution difficile à mettre en place. D'autres pays, comme l'Allemagne, ont mis en place des systèmes de quotas de médecins par zone avec succès, mais en France, malgré des discussions sur l'introduction de telles mesures, elles ont été rejetées par les médecins libéraux et les députés médecins.

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⏳ Le défi imminent du remplacement des médecins en retraite

Ce paragraphe met en évidence l'urgence du problème des médecins en retraite en France. Près de la moitié des médecins atteindront l'âge de la retraite dans les dix prochaines années, alors que les hôpitaux sont déjà saturés. Le défi est de savoir qui prendra soin des patients de ces médecins une fois qu'ils auront quitté la profession. Le paragraphe conclut en laissant planer la question de qui s'occupera des patients des médecins en retraite, suggérant que la réponse ne sera connue qu'en quinze ans.

Mindmap

Keywords

💡vieillissement de la population

Le vieillissement de la population fait référence à l'augmentation de la proportion de personnes âgées dans une société. Dans le script, cela est lié au défi croissant de soins aux personnes âgées et à la pression sur le système de santé. Par exemple, 'Dans les pays occidentaux, on vit de plus en plus vieux. Les besoins de soins explosent' illustre comment le vieillissement affecte la demande en soins médicaux.

💡pénurie de médecins

La pénurie de médecins est un manque croissant de professionnels de la santé pour répondre aux besoins en soins. Le script mentionne 'En France, on a perdu plus de 10 000 généralistes, depuis 2010', soulignant la crise imminente que cela représente pour la prestation de services médicaux.

💡numerus clausus

Le numerus clausus est une politique qui limite le nombre d'étudiants admis dans certaines facultés, comme celle de médecine. Dans le script, cela est mentionné comme une mesure prise pour 'réduire l'accès aux soins, l'assurance maladie dépensera moins', mais qui a eu des conséquences négatives à long terme sur la formation de médecins.

💡répartition des médecins

La répartition des médecins fait référence à la distribution géographique des professionnels de la santé. Le script indique que 'la répartition des médecins généralistes a empiré', montrant comment les déserts médicaux se développent dans certaines régions, alors que d'autres sont surdotées.

💡conventionnement sélectif

Le conventionnement sélectif est une politique qui permet de limiter l'installation de médecins dans des zones où ils sont déjà nombreux. Le script discute de cette approche comme une solution possible, mais mentionne que 'l'amendement a été rejeté par l'Assemblée Nationale', indiquant les défis politiques auxquels cela fait face.

💡liberté d'installation

La liberté d'installation fait référence au droit des médecins de s'établir où ils le souhaitent. Dans le script, cela est abordé comme un obstacle à la répartition équitable des médecins, car 'la médecine libérale reste intimement attachée à sa totale liberté d'installation'.

💡lobby médical

Le lobby médical fait référence à l'influence des professionnels de la santé sur les décisions politiques. Le script remet en question l'idée d'un lobby médical puissant, en disant que 'parler d'un lobby médical relève du mythe', tout en reconnaissant l'influence des médecins dans la politique.

💡Mai '68

Mai '68 est un événement historique majeur qui a eu un impact sur la société française, y compris sur la formation des médecins. Le script mentionne 'Mai ‘68, à Paris les premières lacrymos, sont tirées', et discute de la contestation de l'élite médicale et des valeurs de la profession.

💡démocratisation de la profession

La démocratisation de la profession signifie l'ouverture de la profession médicale à un éventail plus large de personnes, y compris ceux qui ne sont pas issus des classes sociales supérieures. Dans le script, cela est lié à la crainte des mandarins médicaux que 'notre profession s'est, d'une certaine manière, banalisée' avec l'augmentation du nombre d'étudiants en médecine.

💡mandarins médicaux

Les mandarins médicaux se réfèrent à l'élite de la hiérarchie médicale, tels que les professeurs de médecine et les directeurs d'hôpital. Le script décrit comment ces individus ont eu un contrôle significatif sur les décisions concernant la formation et la pratique médicale, et comment ils ont réagi à la contestation des valeurs traditionnelles de la profession.

Highlights

Les pays occidentaux vivent de plus en plus vieux et ont besoin de plus de soins, mais le nombre de médecins ne suit pas cette croissance.

En France, plus de 10 000 généralistes ont disparu depuis 2010, en raison de l'augmentation de l'âge de la population et des médecins.

49 % des médecins français doivent partir à la retraite dans les dix prochaines années.

L'Organisation Mondiale de la Santé parle d'une 'bombe à retardement' en termes de crise dans le secteur médical.

La pénurie de médecins en France est le résultat d'une organisation délibérée par un petit groupe de médecins pour conserver leurs patients.

Les événements de Mai '68 ont eu un impact significatif sur la formation médicale en France.

Les mandarins médicaux ont été contestés pour leur gestion verticale et leur élitisme.

La croissance du nombre d'étudiants en médecine a été rapide entre 1963 et 1967, inquiétant l'élite médicale.

Les médecins de l'époque craignaient que l'ouverture aux couches sociales moins raffinées ne banalise la profession médicale.

Les professeurs de médecine ont fondé un syndicat pour lutter contre la démocratisation de la profession.

Les syndicats médicaux étaient puissants et avaient un contrôle significatif sur les politiques gouvernementales.

Les préoccupations des syndicats étaient de ne pas avoir assez d'espace à l'hôpital pour former les nouveaux étudiants et de ne pas avoir assez de malades.

La France a réduit le nombre de médecins formés pour économiser sur les dépenses d'assurance maladie.

Le numerus clausus a été introduit en 1972 pour limiter le nombre d'étudiants en médecine.

La sélection des étudiants en médecine a été renforcée au fil des ans, divisant le numerus clausus par trois entre 1971 et 1993.

La réduction de l'offre de médecins a entraîné une réduction du volume de consultations remboursées par l'assurance maladie.

Les hôpitaux ont été confrontés à des difficultés à cause du manque d'internes, qui sont essentiels au fonctionnement des établissements.

Les médecins diplômés étrangers ont exigé un statut de médecins à part entière en France.

Le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus en 2020, visant à former 70 % d'étudiants supplémentaires d'ici la rentrée 2027.

La répartition des médecins en France a empiré au cours des dix dernières années.

Les médecins ont tendance à rester là où ils ont été formés, ce qui crée des déserts médicaux dans certaines régions.

La proposition de construire de nouvelles facs pour améliorer la répartition des médecins a été discutée.

L'idée du conventionnement sélectif a été rejetée par les médecins libéraux et l'Assemblée Nationale.

Les syndicats de médecins défendent les intérêts de leur corporation, souvent avec succès.

La médecine libérale en France est attachée à sa totale liberté d'installation, contrairement à d'autres pays.

L'Allemagne a adopté une approche différente pour gérer la répartition des médecins avec succès.

La France pourrait apprendre de l'expérience allemande pour résoudre sa crise médicale.

Les défis de la répartition des médecins et de la gestion de la crise de la retraite des médecins restent à résoudre.

Transcripts

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Dans les pays occidentaux,

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on vit de plus en plus vieux.

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Les besoins de soins explosent,

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mais pas le nombre de médecins.

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En France, on a perdu plus de 10 000 généralistes

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depuis 2010.

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Parce que si la population vieillit,

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les médecins aussi.

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Et dans les dix années à venir,

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c'est 49 % de la profession

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qui doit partir à la retraite.

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On a 15 ans de crise devant nous.

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Ouais, c'est la merde

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et c'est pas moi qui le dit,

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c'est l'Organisation Mondiale de la Santé

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qui parle d'une "bombe à retardement".

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Pourtant, cette situation,

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ça fait longtemps qu'on la voit venir.

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Et tandis que certains pays

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ont essayé de résoudre le problème,

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en France,

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cette pénurie de médecins, elle a été organisée.

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Comment un petit groupe de médecins

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est parvenu à limiter l'accès à la profession

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pour conserver ses patients.

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Dans cette vidéo, on vous explique comment

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notre système de santé s'est fait berner.

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Nous ne voulons pas que les choses

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restent comme elles sont

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parce que comme elles sont,

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elles ne sont pas bonnes.

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Mai ‘68, à Paris les premières lacrymos

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sont tirées boulevard Saint-Michel

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et par ricochet,

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l'agitation gagne rapidement la fac de médecine

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de la Sorbonne qui se retrouve derrière un slogan :

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"merde aux mandarins".

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Les mandarins,

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c'est l'élite de la hiérarchie médicale,

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les professeurs de médecine,

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les directeurs d'hôpital.

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En gros, c'est ceux qui font la pluie et le beau temps

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sur les carrières médicales.

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Les soixante-huitards remettent en cause

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cette verticalité, mais pas seulement.

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On n'est même pas capable du travail infirmier,

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on n'est même pas capable de nettoyer quelqu'un

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qui a chié dans son lit.

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Et ça, on devrait aussi apprendre

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à nous le faire faire.

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Or, nous, on ne doit pas y toucher

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parce qu'on est médecins, on est la future caste.

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Toutes leurs revendications,

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il en est qui ne sont pas soutenables.

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Comme je l'ai déjà indiqué.

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Pour cette élite, Mai '68 est un traumatisme.

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D'autant plus qu'avec

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une réussite au bac en hausse,

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le nombre d'étudiants en médecine

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a presque doublé en l'espace de quatre ans,

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passant de près de 35 000 en 1963

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à 59 800 en 1967.

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Autant de révolutionnaires en puissance qui pourraient

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menacer la respectabilité de l'institution.

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On accueille trop de monde,

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on accueille des gens pas assez sélectionnés,

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pas forcément issus des milieux sociaux habituels,

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en gros des milieux bourgeois

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qui alimentaient jusqu’à présent les facultés de médecine.

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Des futurs médecins issus de milieux populaires.

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Pour les mandarins, c'est une catastrophe.

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Ils n'hésitent pas à le dire frontalement.

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"D'avoir toléré,

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de s'ouvrir aux couches sociales moins raffinées,

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notre profession, s'est,

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d'une certaine manière, banalisée.

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Contre cette démocratisation

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de la profession,

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les profs de médecine fondent un syndicat.

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La presse de l'époque parle d'une terreur blanche,

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d'une caste toute puissante,

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un syndicat redoutable ayant sous sa coupe

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la plupart des parlementaires

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de la majorité.

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En 1970,

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l'Assemblée nationale compte 42 députés médecins.

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À elle seule, les professions de santé

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représentent plus de 14 % de l'hémicycle.

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Ils vont réussir en fait

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à faire rentrer un de leurs membres

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au cabinet du ministère de la Santé de l’époque.

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Ils ont fait tout un travail de lobbying

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auprès des universités pour pouvoir

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prendre le contrôle des conseils des facultés.

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Les syndicats de médecins ont deux inquiétudes.

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D'une part, qu'il n'y ait pas assez de place

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à l'hôpital pour former ces nouvelles vagues

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d'étudiants et, d'autre part,

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qu'il n'y ait pas assez de malades

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et donc d'être mis en concurrence.

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Dire qu'il n'y a pas suffisamment de malades,

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c'est un prétexte.

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On sait très bien que les véritables motifs

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sont des motifs économiques.

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Il y a un problème de gâteau à partager

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et ce sont des problèmes politiques.

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Pourtant, à l'époque,

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la France manque déjà de médecins.

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Mais l'idée d'en former moins arrange bien

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le gouvernement qui cherche à faire des économies.

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La logique,

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c'est qu'en réduisant l'accès aux soins,

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l'assurance maladie dépensera moins.

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Plus y’aura de médecins,

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plus y’aura de prescripteurs,

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plus il y aura de dépenses.

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C’est ça le raisonnement hein !

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Le médecin arrive dans le village

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et il crée plein de malades

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et à la fin tout le monde est malade.

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Vous aurez pas le prix nobel avec ça.

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En 1972, les facultés de médecine

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inaugurent donc ce numerus clausus.

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Un nombre de places fixé par l'État limitant

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le nombre d'entrants en deuxième année

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à 8588 étudiants,

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soit moitié moins que l'année précédente.

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Année après année,

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la sélection va s'intensifier.

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En 20 ans, le numerus clausus

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est divisé par trois,

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passant à 3500 étudiants en 1993.

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Il faut bien se rendre compte,

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pour dix médecins formés en 71,

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on n'en forme plus que deux en 93.

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Un niveau historiquement bas

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qui va se maintenir jusqu'à la fin des années 90.

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Et d'un point de vue purement budgétaire,

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ça fonctionne.

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En réduisant l'offre de médecin,

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on réduit le volume de consultation remboursées

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par l'assurance maladie.

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C'est cynique, mais ça marche.

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Mais dans les hôpitaux,

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la situation devient rapidement intenable.

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Parce que moins d'étudiants,

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c'est moins d'internes.

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Et un hôpital sans interne, ça ne tourne pas.

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Les internes sont utilisés

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comme un personnel médical bon marché.

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Ce sont eux qui assurent une bonne partie des gardes

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et des astreintes pour un taux horaire

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inférieur au SMIC.

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Alors, dans les années 90,

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au plus bas du numerus clausus,

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les mobilisations se font de plus en plus intenses.

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Mobilisation du personnel hospitalier bien sûr,

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mais aussi des médecins étrangers recrutés

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pour pallier le manque d'internes et cantonnés

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à des statuts inférieurs.

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Les médecins diplômés étrangers réclament

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un statut de médecins à part entière.

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Contre l'avis de la sécurité sociale

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et de la direction du budget,

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les pouvoirs publics vont se contraindre à remonter

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le numerus clausus qui sera remplacé en 2020

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par un numerus apertus.

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L'objectif former 70 % d'étudiants supplémentaires

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dès la rentrée 2027.

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Enfin, ça, c'est sur le papier.

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Vous avez beau recruter des étudiants en médecine

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et les facs de médecine sont pleines.

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Mais il faut des gens pour les former.

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Vous avez beau supprimer

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symboliquement le numerus clausus,

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ça ne change rien, en fait.

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En réalité, depuis 2020,

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le nombre de places n'aurait augmenté que de 5 %.

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Les décisions qui ont été prises hier

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ont une inertie incroyable,

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c'est-à-dire qu’il faudra 15 ans

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pour résoudre le problème.

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Et au fond, même si en 2039,

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on se retrouvait avec des millions de médecins,

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la crise ne se résoudra pas

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tant qu'on n'aura pas réglé l'autre problème :

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la répartition des médecins.

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Avoir plus de médecins, c'est bien,

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mais en avoir un peu partout, c'est mieux.

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Et ça, c'est une autre affaire.

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Ces dix dernières années, en France,

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la répartition des médecins généralistes a empiré.

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Dans toutes ces zones, les habitants ont accès

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à moins de trois consultations par an.

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Les déserts médicaux sont partout.

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Pourquoi ?

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Eh bien, déjà parce que les médecins ont tendance

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à rester là où ils ont été formés.

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Et ça, on le voit bien sur une carte.

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Là où il y a une fac, il y a des médecins.

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En revanche, pas de fac, pas de médecins.

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En fait, c'est assez simple presque tous

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les départements perdent des généralistes,

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sauf la façade atlantique et les sommets savoyards

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qui semblent particulièrement

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séduire la profession.

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Pour régler le problème,

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on pourrait construire de nouvelles facs

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pour répartir les lieux de formation,

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ce qui permettrait aussi d'augmenter

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le nombre d'étudiants formés,

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si tant est qu'on ait des gens pour les former.

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Mais tout ça prend du temps

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et on aura beau en former plus,

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s'ils s'installent tous dans les mêmes coins,

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on ne sera pas plus avancés.

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Raison pour laquelle de plus en plus de voix

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demandent d'ores et déjà un équilibrage

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entre les zones surdotées et les zones sous-dotées.

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Autrement dit,

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prendre les médecins là où il y en a trop

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pour les mettre là où il n'y en a pas assez.

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Ça, c'est ce qu'on appelle

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le conventionnement sélectif.

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Le principe quand un médecin s'installe

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dans une zone déjà surdotée,

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ses honoraires ne sont plus remboursés

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par la sécurité sociale.

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Alors ils peuvent toujours s'y installer,

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mais les patients devront

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payer leur consultation plein pot.

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L’idée, c’est que ces médecins, quand même,

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ils coûtent cher à la collectivité

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et donc ils ont des comptes à rendre.

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C'est ce qu'ont fait le Royaume-Uni,

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le Canada ou l'Australie, par exemple.

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Mais chez nous, la médecine libérale

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reste intimement attachée

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à sa totale liberté d'installation.

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Ce qui est, je tiens à le préciser, une spécificité française.

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Parce que dans les autres pays,

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même en Allemagne,

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dans les pays scandinaves,

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les médecins se pensent comme partie prenante

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du service public de santé.

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Et l'Allemagne, justement,

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est un cas d'école.

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Dès 1993, pour combler la pénurie

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de médecins à l'Est après la chute du Mur,

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elle fixe un nombre de médecins à atteindre

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pour chaque zone et chaque spécialité.

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Le calcul de ce seuil intègre tout un tas

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de données démographiques

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comme le nombre d'habitants,

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leur âge moyen,

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l'éloignement des cabinets médicaux

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ou encore les pathologies fréquentes.

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Arrivé à 110 % de ce seuil, la zone est surdotée,

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la catégorie est bouchée

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et seul le départ d'un médecin

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peut permettre l'arrivée d'un autre.

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Un fonctionnement qui semble porter ses fruits,

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à en juger par la densité médicale allemande

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qui a progressé près de dix fois plus vite

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que celle de la France entre 2000 et 2014.

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Alors si ça marche,

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pourquoi est ce qu'on ne fait pas ça chez nous ?

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Et bien, figurez-vous qu'on l'a fait

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pour toutes les professions de santé, en fait.

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Sauf une : les médecins !

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Les infirmières, les kinés, les pharmaciens

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ou encore les sages-femmes ne peuvent pas s'installer

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dans les zones surdotées.

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Et clairement, niveau répartition,

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ça fonctionne.

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Leur densité s'est améliorée ces dernières années.

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Alors, en 2023, il a été question d'introduire

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le conventionnement sélectif pour les médecins.

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Mais les médecins libéraux

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n'étaient clairement pas chauds.

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"Ça n'a pas de sens aujourd'hui d'interdire

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à des jeunes médecins de s'installer

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dans des zones comme ça."

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L'amendement a été rejeté par l'Assemblée Nationale

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et notamment à l'unanimité des députés médecins

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qui étaient présents lors du vote.

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Les syndicats de médecins s'opposent logiquement

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à toute remise en cause de leurs droits

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et c'est bien normal.

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Ils défendent les intérêts de leur corporation,

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une corporation particulièrement redoutée

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par les responsables politiques.

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"Je ne pense pas que ce soit en empêchant

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des généralistes de s'installer

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dans des zones où il y aurait trop de médecins

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qu'on va répondre à leurs difficultés."

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"Vous avez tous les deux assez peur de parler

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de remise en cause de cette liberté."

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Les décideurs politiques ont une trouille bleue

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qu’on a un déficit de médecins généralistes,

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donc leur pouvoir de négociation avec les pouvoirs publics

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est devenu maximal.

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Ils pensent qu’un médecin voit 30 patients par jour

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et que donc il peut influencer le vote de 30 électeurs.

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Mais alors, est ce qu'on peut pour autant parler

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d'un lobby médecin ?

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Pas vraiment.

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Si la profession a toujours été

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sur-représentée en politique,

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et notamment à l'Assemblée Nationale,

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parler d'un lobby médecin relève du mythe.

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Tout simplement parce que

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pour des raisons institutionnelles,

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le Parlement n’a pas beaucoup de pouvoir

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sous la 5ème république.

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À contrario, si on parle du pouvoir médical à l’assemblée,

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les profs sont surreprésentés à l’assemblée.

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Vous avez l’impression que l’école va bien ?

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Non, en fait.

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Mais bon, un mythe est un mythe,

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c’est à dire, il peut être faux,

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mais si tout le monde y croit, il est vrai.

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Alors après 50 ans de tergiversations

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face à un lobby imaginaire,

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peut-être est-il temps de faire face à cette crise

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qui n'en est encore qu'à son début.

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Près de la moitié des médecins partiront

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à la retraite dans les dix ans à venir,

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alors que les hôpitaux sont saturés.

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Qui s'occupera de leurs patients ?

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Et bien, rendez-vous dans quinze ans.

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