GISÈLE HALIMI : À L'INTERSECTION DES LUTTES

BLAST, Le souffle de l'info
23 Jun 202330:38

Summary

TLDRDans cet épisode des Portraits, Modiie retrace l'incroyable parcours de Gisèle Halimi, une avocate et militante féministe de renom. Né en Tunisie dans une famille juive, elle a dû naviguer entre différentes identités tout au long de sa vie. Son engagement contre la colonisation et pour l'émancipation des femmes, notamment dans le cadre du procès de Djamila Boupacha et de la légalisation de l'avortement en France, a marqué l'histoire. La discussion aborde également la controverse entourant son hommage national et la question de son éventuelle entrée au Panthéon, ainsi que les critiques de son action politique au sein des institutions. Le récit de sa vie est également examiné à la lumière de la théorie sociologique de Pierre Bourdieu sur l'illusion biographique, soulignant la manière dont les individus, y compris Halimi, ont tendance à simplifier et donner une cohérence à leur histoire personnelle.

Takeaways

  • 📜 Gisèle Halimi, une figure majeure de l'histoire récente, est connue pour son engagement en faveur des droits des femmes et pour sa défense des indépendantistes algériens.
  • 🏛️ Halimi n'est pas encore au Panthéon, malgré les discussions autour de sa potentielle admission, et son entrée y est critiquée par certains, notamment l'extrême droite.
  • 🎓 Elle a une formation en sociologie politique et a défendu des causes importantes, y compris dans le cadre du procès de Djamila Boupacha.
  • 🤝 Halimi a travaillé avec d'autres figures importantes, telles que Simone de Beauvoir et Simone Veil, pour sensibiliser l'opinion publique et le monde politique.
  • 💪 Elle a été un exemple de désobéissance civile et a utilisé son rôle d'avocate pour plaider non seulement pour ses clients, mais pour une cause plus large.
  • 🤰 Son implication dans la lutte pour la légalisation de l'avortement est marquante, avec le procès de Bobigny qui a conduit à des changements dans la loi.
  • 🏛️ En tant que députée, elle a participé à la rédaction de la prestation de serment des avocats et a contribué à l'abolition de la peine de mort.
  • 👥 Halimi a dû naviguer entre plusieurs identités et combats tout au long de sa vie, ce qui a posé des défis personnels et professionnels.
  • 👵 Elle a été critiquée pour son image de femme et pour son approche réformiste par rapport à la lutte des femmes, y compris par le mouvement de libération des femmes.
  • 🌐 Halimi a toujours cherché à articuler les questions de classe et de genre, reconnaissant les spécificités de chaque forme d'oppression.
  • 📚 Son histoire personnelle et professionnelle est une source d'inspiration pour les luttes contemporaines pour l'égalité et la justice sociale.

Q & A

  • Quelle est la profession de Modiie et pour quelles raisons est-elle présente dans l'émission ?

    -Modiie est une streameuse qui tourne des émissions pour Arte. Elle est présente dans l'émission car elle a une formation en sociologie politique, ce qui lui permet de parler de théories sociologiques telles que celles de Bourdieu.

  • Comment est décrite la réaction de l'association 'Choisir la cause des femmes' à l'hommage rendu à Gisèle Halimi ?

    -L'association 'Choisir la cause des femmes', fondée par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, a refusé de participer à l'hommage, qualifiant l'événement de 'l'instrumentalisation politique', estimant hypocrite un hommage gouvernemental à cette militante féministe en raison de leur politique sur la question.

  • Quels sont les principaux combats de Gisèle Halimi ?

    -Gisèle Halimi est une figure majeure du féminisme et de l'opposition à la guerre d'Algérie. Elle a défendu des indépendantistes algériens et a lutté pour l'avortement et la reconnaissance du viol en tant que crime. Elle a également été engagée dans la lutte pour la parité et a été la première députée élue sur un programme féministe.

  • Comment est présentée la position de l'extrême droite, en particulier de Marine Le Pen, envers Gisèle Halimi ?

    -L'extrême droite, incarnée par Marine Le Pen, a une position critique envers Gisèle Halimi. Ils dénoncent son soutien aux 'terroristes' du FLN et considèrent que cela devrait l'empêcher d'être honorée au Panthéon.

  • Quels sont les éléments qui montrent que Gisèle Halimi a dû faire des compromis pour être acceptée en France ?

    -Gisèle Halimi a dû changer sa façon de parler, adapter son langage, et abandonner une partie de son identité pour s'intégrer en France. Elle a étudié le langage du pouvoir et a imité les intonations et gestes pour vaincre les préjugés.

  • Comment est abordée la question de la 'biographie révisée' par le biais de l'exemple de Gisèle Halimi ?

    -L'exemple de la grève de la faim de Gisèle Halimi illustre comment les récits autobiographiques peuvent être réécrits pour donner une cohérence à l'histoire de vie d'une personne. Son épisode est présenté comme un acte de désobéissance civile, bien qu'il se soit déroulé lorsqu'elle avait 12 ans.

  • Quelle est la critique principale du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) envers Gisèle Halimi ?

    -Le MLF critique Gisèle Halimi pour être une réformiste qui utilise les institutions existantes pour essayer de changer les choses, au lieu de les rejeter complètement comme le faisait le mouvement.

  • Comment est perçue l'image de Gisèle Halimi par les médias et comment cela contraste-t-il avec son image personnelle ?

    -Les médias ont tendance à se concentrer sur sa vie de famille et sa capacité à gérer son foyer, tandis qu'elle projette une image d'une femme autonome et engagée dans la lutte féministe. Il y a une tension entre ces deux perceptions.

  • Quelle est la position de Gisèle Halimi sur l'intersectionnalité et comment elle l'applique-t-elle dans ses combats ?

    -Gisèle Halimi est une pionnière de l'intersectionnalité, reconnaissant que les femmes sont opprimées de différentes manières en fonction de leur classe sociale et de leur genre. Elle s'efforce d'articuler ces formes d'oppression dans ses combats.

  • Comment la lutte de Gisèle Halimi pour l'indépendance des pays du Maghreb est-elle perçue dans l'histoire et dans les hommages posthumes ?

    -Sa lutte pour l'indépendance de l'Algérie et de la Tunisie est un aspect de son engagement politique qui n'est pas toujours pleinement reconnue ou abordée dans les hommages posthumes, en particulier en raison des implications politiques actuelles.

  • Quels sont les aspects de la vie et du combat de Gisèle Halimi qui pourraient être considérés comme étant 'adoucis' ou moins mis en avant dans les hommages officiels ?

    -Ses positions fermes sur la torture en Algérie, les massacres en Tunisie et les crimes de l'armée française pourraient être moins mises en avant dans les hommages officiels pour éviter de heurter certains groupes politiques.

Outlines

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🌟 Présentation et contexte de Gisèle Halimi

Le paragraphe introduit Gisèle Halimi comme une figure majeure de l'histoire récente, discutant de sa possible admission au Panthéon et de l'hommage national rendu par le président Macron. On évoque également la controverse autour de cet hommage, la réaction de l'association 'Choisir la cause des femmes' et la position de la famille Halimi. La discussion aborde également la perception de sa figure par l'extrême droite et son combat anticolonial.

05:05

🏛️ Lutte pour l'indépendance et la justice

Ce paragraphe relate le parcours de Gisèle Halimi, de son enfance en Tunisie à son engagement en tant qu'avocate pour les droits des femmes et des peuples colonisés. On décrit son combat pour l'indépendance tunisienne et algérienne, ainsi que son implication dans des procès emblématiques tels que celui de Djamila Boupacha, qui a marqué sa carrière et contribué à la condamnation de la torture en Algérie.

10:05

📚 Engagement politique et luttes féministes

Ici, on explore l'engagement politique de Gisèle Halimi, de son soutien à François Mitterrand à son élection en tant que députée. On souligne son action en faveur de la parité et la légalisation de l'avortement, ainsi que sa participation à l'abolition de la peine de mort. On évoque également sa relation avec le mouvement de libération des femmes et sa définition du féminisme.

15:07

🤝 Collaboration et débats avec le MLF

Le paragraphe examine les divergences et les collaborations entre Gisèle Halimi et le Mouvement de Libération des Femmes (MLF). On décrit les méthodes de lutte et les stratégies de Halimi, qui contrastent avec celles du MLF, et on relate une anecdote mettant en évidence les tensions entre les deux groupes. On aborde également la critique de réformisme adressée à Halimi et sa défense d'une approche institutionnelle pour le changement social.

20:09

🌐 Intersectionnalité et combat pour la parité

Dans ce paragraphe, on traite de la théorie et de la pratique de Gisèle Halimi en matière d'intersectionnalité, c'est-à-dire la manière dont elle aborde les différentes formes d'oppression. On souligne son refus de simplifier les expériences de domination et son effort pour articuler les questions de classe et de genre. On mentionne également les critiques de son approche par le MLF et d'autres mouvements.

25:10

👥 Acceptation et compromis dans la société française

On explore les compromis que Gisèle Halimi a dû faire pour être acceptée en France, y compris l'adaptation de son identité et la modification de son langage. On retrace l'histoire de sa vie, depuis son origine tunisienne jusqu'à son succès professionnel en France, et on discute de la manière dont sa vie et son combat ont été narrativisés et parfois simplifiés dans les récits publics. On évoque également la question de sa possible admission au Panthéon et les implications de telle reconnaissance.

🏡 Vie personnelle et défis de Gisèle Halimi

Ce paragraphe porte sur la vie personnelle de Gisèle Halimi, ses difficultés à jongler entre sa vie de famille et son engagement professionnel et militant. On aborde la manière dont elle a été perçue en tant que mère et comment son image a été construite par les médias et par elle-même. On soulève la question de la complexité de son héritage et des défis auxquels elle a dû faire face en raison de ses multiples identités et combats.

Mindmap

Keywords

💡Gisèle Halimi

Gisèle Halimi était une avocate, féministe et figure majeure de l'histoire récente, connue pour son implication dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et la Tunisie, ainsi que pour ses combats féministes. Sa vie et son œuvre sont au cœur de cette discussion, qui explore son impact sur la société et la politique.

💡Panthéon

Le Panthéon est un mausolée de la France qui honore les figures nationales reconnues pour leurs contributions exceptionnelles. La discussion autour de la possible entrée de Gisèle Halimi au Panthéon reflète le débat sur son héritage et son importance historique.

💡Justice

Dans le contexte de la vidéo, la justice est abordée à la lumière des combats d'Halimi pour l'égalité et la défense des droits de l'homme. Elle est perçue comme étant classiste, raciste et sexiste, et Halimi a utilisé son profession d'avocate pour lutter contre ces inégalités.

💡Colonisation

La colonisation est un thème important de la vidéo, étant donné que Gisèle Halimi a été un farouche opposant à la colonisation et a défendu les causes de l'indépendance de l'Algérie et de la Tunisie, ce qui a été un aspect controversé de sa carrière.

💡Féminisme

Le féminisme est un courant d'idées et un mouvement social qui cherche à établir l'égalité des sexes. Halimi est un exemple emblématique de féminisme, ayant combattu pour l'avortement, la reconnaissance du viol en tant que crime, et la parité au sein du Parti socialiste.

💡Droits de l'homme

Les droits de l'homme sont au cœur des combats d'Halimi, qui a défendu les causes des opprimés et des dominés, que ce soit en Algérie, en Tunisie ou en France. Sa vie dépeint un engagement en faveur de la justice et de l'humanité.

💡Lutte anticoloniale

La lutte anticoloniale est une des nombreuses causes que Halimi a soutenues. Son implication dans la défense des indépendantistes algériens et tunisiens illustre son opposition à la colonisation et son engagement pour la liberté et l'égalité.

💡Décolonial

Le terme décolonial fait référence à la critique et au rejet de la colonisation et de ses effets durables sur les sociétés. Halimi a été un acteur majeur de cette lutte, ce qui a suscité des discussions sur sa place au Panthéon et son héritage.

💡Intersectionnalité

L'intersectionnalité est la théorie qui soutient que différentes formes d'oppression comme le racisme, le sexisme et la classe sociale se chevauchent et se renforcent. Halimi a théorisé cette idée en articulant la lutte des femmes avec celle des classes sociales et des minorités.

💡Réformisme

Le réformisme est le débat sur la manière de changer la société - par des réformes au sein des institutions existantes ou par une rupture plus profonde. Halimi a souvent été critiquée pour être une réformiste, voulant changer les choses de l'intérieur.

💡Mouvement de libération des femmes

Le mouvement de libération des femmes est un mouvement social qui a émergé dans les années 1960 et 1970, dont Halimi a été une figure importante. Il a mené à la légalisation de l'avortement et a défendu les droits des femmes, bien que ses méthodes et ses objectifs aient été critiqués par d'autres groupes féministes.

Highlights

Gisèle Halimi, une figure majeure de l'histoire récente, est discutée pour son éventuelle entrée au Panthéon.

Halimi n'est pas au Panthéon mais a reçu un hommage national du président Macron.

L'hommage à Halimi a suscité des critiques, y compris de l'association "Choisir la cause des femmes" fondée par Halimi et Simone de Beauvoir.

L'hommage a eu lieu le 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes, et a été perçu comme hypocrite par certains.

Serge Halimi, le deuxième fils de Gisèle Halimi, a refusé de participer à l'hommage, dénonçant une récupération politique.

Gisèle Halimi était avocate et une grande figure du féminisme et de l'opposition à la guerre d'Algérie.

L'extrême droite, notamment Marine Le Pen, s'oppose à l'entrée de Halimi au Panthéon en raison de son soutien au FLN.

Halimi est née en Tunisie, un protectorat français, et a été témoin de la violence coloniale française.

Elle a défendu des indépendantistes et syndicalistes tunisiens et plus tard, des indépendantistes algériens du FLN.

Halimi a subi de nombreuses pressions et menaces pour sa défense des droits des femmes et des peuples colonisés.

Le procès de Djamila Boupacha, une militante du FLN, a été un tournant dans la carrière de Halimi et a posé les bases de sa méthode d'avocat.

Halimi a pratiqué la désobéissance civile et a signé le manifeste des 343, reconnaissant avoir eu recours à l'avortement illégal.

Elle a été élue députée apparentée PS dans la Drôme, où elle a contribué à l'abolition de la peine de mort et à la réécriture du serment des avocats.

Halimi a été la première députée élue sur un programme féministe, plaidant pour la parité et le féminisme au sein du PS.

Ses positions théoriques solides sur la libération des femmes et l'articulation des différentes oppressions ont influencé sa pratique d'avocate et militante.

Halimi a dû faire des compromis dans sa vie personnelle et professionnelle pour s'intégrer en France, y compris changer son langage et son identité.

Son combat contre la colonisation et son implication dans les luttes indépendantistes de l'Algérie et de la Tunisie montrent sa cohérence politique tout au long de sa vie.

Halimi est une figure complexe qui a dû naviguer entre plusieurs identités et combats tout en restant engagée dans la justice sociale.

Transcripts

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Bonjour et bienvenue pour ce nouvel épisode des Portraits.

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Alors vous l'avez peut-être remarqué, si vous êtes physionomiste,

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ce n'est pas Usul qui se trouve à côté de moi, mais c'est Modiie.

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Bonjour Modiie !

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Bonjour !

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Alors Modiie, tu es streameuse et tu tournes notamment des émissions pour Arte,

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et tu as une formation en sociologie politique,

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ce qui signifie que tu vas parler de Bourdieu.

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Oui.

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Bon, on est d'accord que tu y es pour rien dans la disparition d'Usul ?

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Non.

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Ok.

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Bon.

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Nouvel épisode des Portraits !

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Mesdames, Messieurs, bienvenue.

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Aujourd'hui, nous allons vous parler d'une figure majeure de notre histoire récente,

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une figure majeure puisqu'elle est même au Panthéon, je parle bien sûr de Gisèle Halimi.

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Non mais elle n'est pas au Panthéon.

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On parle de la mettre au Panthéon depuis sa mort en 2020, mais elle n'y est pas encore.

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Les dernières nouvelles qu'on a eues sur la panthéonisation de Gisèle Halimi datent de mars dernier.

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Dans France Info, on apprend que le processus d'entrée de l'avocate au Panthéon

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n'est pas mort et continue de vivre.

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En tout cas, ça, c'est ce que dit l'Elysée.

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Ah oui, c'est vrai, elle n'est pas au Panthéon.

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Mais elle a quand même reçu un hommage national du président Macron en personne.

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Macron qui a parlé notamment de sa robe d'avocate

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en ponctuant son discours de silence emprunt de gravité.

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Car cette robe porte encore un peu de sable

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de Tunisie comme d'Algérie, un peu des matins tristes,

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un procès de Bobigny

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et quelque chose de la moiteur suffocante

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de celui d'Aix-en-Provence.

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C'est pas bien quand il parle.

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Et c'est d'autant moins bien que cet hommage arrive

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deux ans et demi après la mort de Gisèle Halimi.

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Ouais, et puis l'hommage, il était loin de faire l'unanimité aussi.

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Même l'asso "Choisir la cause des femmes" a refusé d'y participer,

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alors que cette association a été fondée par Simone de Beauvoir

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et par Gisèle Halimi elle-même.

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Sur leur site, elles parlent même d'instrumentalisation politique.

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C'est une instrumentalisation à deux titres.

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Déjà, cet événement a eu lieu le 8 mars,

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donc au moment de la Journée internationale des droits des femmes,

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et beaucoup de gens estimaient qu'un hommage du gouvernement

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à cette militante féministe était hypocrite,

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vu leur politique sur la question.

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La fameuse "grande cause du quinquennat", toi-même tu sais.

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Et la deuxième chose qui a nourri la polémique autour de cet hommage,

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c'est qu'à ce moment-là, on était en plein dans la contestation contre la réforme des retraites.

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D'ailleurs Serge Halimi, le deuxième fils de Gisèle Halimi, a aussi refusé de participer.

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Il dénonce un événement organisé au dernier moment et une récupération politique.

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La décision de l'Elysée intervient après plus de deux ans de tergiversation

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et alors que le pays est mobilisé contre une réforme des retraites extrêmement injuste

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dont les femmes qui occupent les métiers les plus difficiles seront les premières victimes.

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De toute façon, l'existence même de cet hommage n'était pas quelque chose d'évident.

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On vient de voir là avec la cérémonie que l'héritage de Gisèle Halimi il est disputé,

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même au sein de sa propre famille.

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Alors il n'y avait pas Serge Halimi mais son frère Jean-Yves était là, il a même fait un discours.

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Tu es parti quand tu l'as décidé, au lendemain de ton 93ème anniversaire,

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comme une dernière coupe de champagne lancée effrontément à la face du monde.

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Et en plus la figure même de Gisèle Halimi ne fait pas consensus, notamment pour l'extrême droite.

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Un mot encore Marine Le Pen, Gisèle Halimi était avocate, comme vous d'ailleurs.

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Elle était une grande figure du féminisme mais aussi de l'opposition à la guerre d'Algérie.

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L'Elysée étudie toujours son dossier pour une éventuelle entrée au Panthéon.

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Gisèle Halimi, selon vous, a-t-elle sa place au Panthéon ?

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Vous seriez favorable à ce qu'elle y entre ?

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Ah non, j'y suis fondamentalement opposée.

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Car Gisèle Halimi n'était pas seulement, parce qu’après tout c'était son droit, une opposante à la guerre en Algérie.

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elle était un soutien des terroristes du FLN contre l'armée française.

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Bon, et par conséquence, rien que cela doit lui interdire, je le crois,

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toute entrée au Panthéon.

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Cet extrait, il est pas vieux, il date de 2023,

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et il montre que le RN a toujours un peu de mal à accepter la perte de l'Algérie, déjà.

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Oui, puis c'est même au-delà du RN.

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D'ailleurs, Jean-Yves l'a dit dans son discours.

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Le combat anticolonial de Gisèle Halimi, on en parle beaucoup moins en France.

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C'est le contenu de ces hommages qui m'a frappé.

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car il te laisse comme coupée en deux par la Méditerranée,

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ce qui est pour le moins paradoxal pour une femme aussi entière

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qui n'a cessé de jeter des ponts entre les deux continents.

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Ici, on a célébré tes combats féministes,

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que de l'autre côté de la Méditerranée on a tu,

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préférant mettre en exergue ton engagement anticolonial

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qui ici est largement passé au second plan.

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Autant le combat de Gisèle Halimi sur l'avortement

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ou pour faire reconnaître le viol comme crime, ça fait plutôt consensus, même si les actes ne suivent pas derrière.

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Par contre, la lutte anticoloniale, c'est déjà plus compliqué.

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Pour comprendre ce combat à la fois féministe et anticolonial de Gisèle Halimi,

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il faut peut-être qu'on revienne sur sa vie, n'est-ce pas Modiie ?

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Bah oui, mais c'est le principe de l'émission, c'est dans le titre.

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En tout cas, ça fait plaisir de travailler avec toi depuis le décès d'Usul.

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Il est parti trop tôt.

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Déjà, Gisèle Halimi, quand elle naît en 1927 dans une famille juive d'origine modeste, elle n'est pas encore française, mais tunisienne.

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Vous êtes née en Tunisie, et d'une famille plutôt modeste. Plutôt modeste, oui. Et tunisienne ?

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D'origine, madame, est-ce que...

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Ah non, d'origine française, italienne...

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Tunisienne !

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Tunisienne.

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Et à ce moment-là, la Tunisie, c'est un protectorat français.

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Donc Gisèle Halimi, elle naît dans un territoire colonisé en étant elle-même colonisée.

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En fait, elle aura la nationalité française, mais un peu plus tard.

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Mon père s'est fait naturaliser français avec ma mère.

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Mon père était un grand admirateur de la France.

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et il s'est fait naturaliser quand j'avais, je crois, 5 ans, 4-5 ans,

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et dans ce cas-là, le décret de naturalisation englobe l'épouse et les enfants mineurs,

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donc mon frère aîné et moi-même.

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Pendant son enfance en Tunisie, elle va être témoin de la violence coloniale française

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tout en étant fascinée par les idéaux républicains.

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Elle grandit dans un milieu familial très religieux et conservateur

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où la norme n'est pas d'aller à l'université, surtout pour une femme.

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Mais Gisèle Halimi va quand même réussir à monter à Paris, faire des études de droit.

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Dans ses ouvrages, elle explique qu'elle a réussi à quitter la Tunisie en prenant le prétexte d'aller rechercher son frère

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qui était rescapé des camps de la mort et qui se serait trouvé dans la capitale française.

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Pour la première fois, j'allais voir cette France, pays de tous mes espoirs,

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de tous mes rêves de petite colonisée, aliénée de sa propre culture.

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À l'arrivée, j'ai ressenti une véritable ivresse.

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Je me trouvais seule avec ma liberté.

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Et puis je me suis trouvée brusquement, parce que j'étais encore très jeune quand même,

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j'étais dans les facultés de droit en particulier, où on m'a fait honte de mes origines.

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j'ai appris que le racisme existait alors que je pensais que ça pouvait exister en Tunisie même

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parce que là il y a les mauvais français, les colons.

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En arrivant en France, les français aussi l'ont été.

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Comme elle le dit dans son livre "La cause des femmes",

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elle était à la fois trop juive et trop arabe pour la France de l'époque

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et notamment pour la fac de droit.

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Ah bah surtout en droit, là on a bien deviné sa filière.

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Après ses études, c'est en tant qu'avocate qu'elle retourne en Tunisie

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et elle va débuter sa carrière devant les tribunaux militaires.

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Elle défendra des soldats dans des affaires de désertion ou de vol.

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Elle est commisse d'office pour défendre un joyeux, un légionnaire du bataillon disciplinaire.

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Son crime, avoir soustrait à sa corvée de pommes de terre 3 kilos

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pour les donner à une famille tunisienne qui lui avait fait un délicieux couscous pendant une permission.

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Elle va ensuite défendre des indépendantistes et des syndicalistes tunisiens jusqu'en 1956 environ.

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Et à partir de 1956 va commencer ce qui sera un des plus grands combats de sa vie,

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sa lutte en défense des indépendantistes algériens du FLN, toujours en tant qu'avocate.

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D'ailleurs ça, ça donne encore de l'urticaire à Marine Le Pen aujourd'hui.

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Et l'Algérie colonisée de l'époque, c'était pas l'endroit le plus tranquille pour être avocate.

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Il faut bien comprendre qu'en Algérie française, c'est l'armée qui décidait,

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grâce aux pouvoirs de police et de justice étendues dont elle bénéficiait.

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C'est l'armée qui s'occupait des procès, des procès inéquitables où on prononçait

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régulièrement des peines de mort contre ceux que l'on appelait à l'époque les terroristes.

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Et Gisèle Halimi a même été emprisonnée pour son action.

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En fait, il faut se rendre compte de la dureté de la répression contre celles et ceux qui se battaient pour l'indépendance algérienne.

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Pendant 8 ans, l'engagement de Gisèle Halimi lui vaudra de nombreuses pressions et menaces

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des deux côtés de la Méditerranée, des menaces qui cibleront même ses enfants.

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Pour nous, ce furent des années de terreur, à Paris comme à Alger.

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À Paris, où enfants en bas âge, mon frère et moi changions constamment de domicile et d'école,

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lorsque les menaces d'enlèvement et de plastiquage de notre domicile se faisaient plus précises.

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Un étudiant armé de l'UNEF m'accompagnait à l'école,

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et il lui était recommandé de ne pas prendre le même itinéraire à chaque fois.

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à la maison, arrivait un flot ininterrompu de petits cercueils,

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dont certains très ouvragés témoignaient au moins des talents d'ébénistes de leurs expéditeurs.

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Mais malgré la répression et malgré les menaces, Gisèle Halimi ne va jamais perdre de vue son objectif,

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son objectif de faire son métier d'avocate.

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C'est d'ailleurs pendant cette période qu'il y a un procès qui va sortir du lot.

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Un procès qui va poser les bases de ce que sera la méthode Gisèle Halimi

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et qui la fera connaître nationalement.

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Ce procès, c'est celui de Djamila Boupacha.

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Djamila Boupacha, c'est une militante du FLN qui a été arrêtée en 1960 pour avoir posé une bombe à Alger, une bombe qui n'a pas explosé.

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Détenue clandestinement pendant un mois, elle a été victime de torture et de viols commis par l'armée française.

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Gisèle Halimi prend donc en main la défense de la militante avec notamment l'aide de Simone Veil.

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Et premier exploit, elle va réussir à faire transférer le procès d'Alger à Caen, ce qui va le rendre un peu plus équitable.

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Selon l'historienne Karima Dirèche, ce procès est emblématique

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car il représente d'une certaine façon la matrice de tous ses combats futurs.

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Ce procès, c'est le procès de toutes les oppressions et de la défense des dominés.

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l'oppression coloniale, l'oppression sur les femmes,

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l'oppression commise par une justice qui ne fait pas son travail.

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Gisèle Halimi, elle va médiatiser l'événement.

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Il va notamment y avoir une tribune dans Le Monde, signée par Simone de Beauvoir.

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De nombreuses personnalités vont apporter leur soutien à Djamila Boupacha et à Gisèle Halimi.

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On retrouve Sartre, Aragon, Picasso, Germaine Tillion, Aimé Césaire, etc.

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Ce recours au soutien de personnalités publiques, il est pensé, il est théorisé.

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C'est un moyen de médiatiser une cause et c'est très moderne.

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C'est exactement comme la présence de Faudel, Enrico Macias et Doc Gynéco

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au meeting de Sarkozy en 2007.

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C'est ça, c'est exactement pareil.

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À la fin, Djamila Boupacha sera amnistiée dans le cadre des accords d’Evian à la fin de la guerre d'Algérie.

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Elle est libérée en 1962 après une ordonnance de non-lieu.

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Au final, ce procès pour Gisèle Halimi, c'est pas tant le procès d'une militante du FLN.

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C'est plutôt celui de la torture, érigée en système par l'armée française.

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Et faire d'un procès celui d'une cause, transformer sa plaidoirie au tribunal en tribune politique,

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c'est ce que continuera à faire Gisèle Halimi pendant toute sa carrière.

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J'avais envie non pas de plaider la petite chose pour demander pardon ou l'indulgence.

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J'avais envie justement de dire pourquoi il ne faut pas qu'il y ait du millier d'offensés,

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pourquoi l'oppression ce n'est pas bon,

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pourquoi c'est la loi qu'il faut accuser plutôt que de se laisser accuser par elle.

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Et c'était un petit peu mon chemin.

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Son chemin se poursuivra au début des années 70 avec un autre procès majeur, celui de Bobigny.

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Quand nous avons fait le procès de Bobigny,

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c'était un procès justement en 72, novembre 72,

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c'était la fille d'une poinçonneuse de métro qui avait 16 ans,

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qui avait été violée, enceinte, qui avait avorté clandestinement

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dans des conditions effroyables,

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et qui a été après poursuivie avec sa mère.

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Et bien là, elles sont venues dire, au fond,

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c'était presque les règles du procès politique,

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1) On n'est pas coupable.

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2) C'est la loi qui est coupable.

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3) On demande le changement de la loi à laquelle on a volontairement désobéi.

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Et 4) ça c'est la règle, si je puis dire, "politique", on ne parle même pas à ses juges,

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on parle à l'opinion publique toute entière par-dessus la tête des juges.

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Et c'est ça la désobéissance civile.

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Désobéissance civile qu'elle a d'ailleurs elle-même pratiquée avec le fameux manifeste des 343,

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Un texte qu'elle a signé aux côtés de personnalités et d'anonymes,

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et dans lequel elle reconnaît avoir eu recours à l'avortement,

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l'avortement qui, on le rappelle, était illégal à l'époque.

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Donc, en tant qu'avocate, elle avoue avoir transgressé la loi.

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Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la transgression, pour elle,

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c'est nécessaire quand on défend une cause juste.

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Oui, puis ça la rapproche de ses clients.

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J'ai toujours professé que l'avocat politique

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devait être totalement engagé aux côtés des militants qu'il défend.

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Partisans sans restrictions,

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avec comme arme la connaissance du droit ennemi,

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le pouvoir de déjouer les pièges de l'accusation.

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Une cause politique non partagée par le défenseur est en péril, sinon perdue pour le procès.

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Et si elle s'engage autant dans ses procès, c'est peut-être aussi parce que ça résonne beaucoup avec son vécu.

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Oui, comme les procès contre le système colonial résonnent avec son statut de colonisée,

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le procès de Bobigny résonne avec son statut de femme.

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Elle raconte notamment le procès de Moknine en 1953.

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C'est un procès pendant lequel elle défendait des indépendantistes tunisiens

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alors qu'elle était en même temps en train d'avorter.

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Il y avait ce procès de Moknine où j'étais désignée comme avocate.

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Alors, j'avais commencé d'avorter.

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Je dis commencé parce qu'à l'époque, en Tunisie, j'avais trouvé une "faiseuse d'ange"

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comme on dit, qui m'avait mis une sonde.

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Et puis avec la sonde, on se promenait.

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Et j'étais allée aux audiences de ce procès qui était très long.

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Il a duré, je crois, 10 à 12 jours.

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Pendant plusieurs jours, je n'avortais pas.

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Je retournais le soir voir la "faiseuse d'ange" qui me disait "attendez".

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une fois elle m'a changé de sonde et pendant ces journées pour moi ont été des calvaires

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parce que je souffrais beaucoup puis j'étais debout.

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Et je regardais là moi alors que j'avais une espèce de brouillard devant les yeux,

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je regardais vaillants, costauds, forts, sûrs d'eux, sûrs de leur avenir, moi je n'étais

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pas sûre du lendemain, je ne savais pas si le lendemain j'allais être encore à cette

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barre ou même vivante.

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Je regardais mes confrères hommes et je me disais mais où est l'égalité ? Est-ce

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parce qu'il n'y a pas déjà une injustice fondamentale dans le fait que eux n'auront jamais ce problème

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et que moi, je suis là en train d'avorter clandestinement.

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Je me disais j'ai là un pouvoir fantastique, ces hommes peuvent être condamnés à mort et d'ailleurs ils l'ont été

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et je suis là pour essayer de les tirer, enfin je peux leur sauver la vie.

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Je peux en tout cas exprimer ce qu'il y a de plus digne dans leur lutte,

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leur lutte pour l'indépendance, leur dignité de militant.

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J'ai un pouvoir fantastique, et moi, sur moi-même, je suis dépourvue de ce premier pouvoir

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qui consiste à décider si oui ou non, je veux procréer, je veux un enfant.

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Manquer de s'évanouir alors que l'on défend des indépendantistes tunisiens et qu'on est en train d'avorter,

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on fait difficilement mieux comme conciliation de la lutte anticoloniale et féministe.

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Donc on comprend mieux aussi son engagement total dans le procès de Bobigny.

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Finalement, l'avortement sera légalisé en 1975,

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et Gisèle Halimi recommencera en 1978 avec le procès de deux victimes de viol,

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Procès qui inspirera la loi qui fera passer le viol d'un délit à un crime en 1980.

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L'idée de l'engagement pour Gisèle Halimi, c'est de faire changer les lois avec sa pratique du droit.

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Et elle y est arrivée au moins deux fois.

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Mais ce n'est pas tout, car si Gisèle Halimi est une militante associative combative et une avocate engagée,

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elle s'est aussi engagée en politique et elle a même été élue.

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Donc elle a pu à la fois militer dans une association, faire de la politique, faire son métier,

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et elle a même écrit des livres.

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Ouais, exactement comme Marlène Schiappa.

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Voilà, exactement comme Marlène Schiappa.

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Bon, l'engagement politique de Gisèle Halimi, c'est pas l'aspect le plus connu de sa vie.

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D'ailleurs, elle n'en parle pas trop.

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Pourtant, après un engagement communiste dans sa jeunesse,

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elle a finalement soutenu Mitterrand dès 1967,

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et elle l'a aussi soutenu en 1981.

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Dans la foulée de la victoire de la gauche,

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elle sera élue députée apparentée PS dans la Drôme.

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Mais cet engagement politique, en fait,

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il a une continuité avec sa carrière d'avocate.

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Elle veut toujours être à l'intérieur des institutions

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pour pouvoir faire changer les choses.

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Autant, ça a pas mal marché dans les tribunaux,

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mais à l'Assemblée nationale, ça n'a pas été hyper concluant.

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Comme c'est écrit dans le livre de Ilana Navaro,

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elle n'était pas faite pour être politicienne,

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même si elle était éminemment politique.

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Bon, elle n'a pas rien fait pendant qu'elle était députée, elle a réécrit la prestation

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de serment des avocats et puis elle a même participé à l'abolition de la peine de mort.

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Quand j'étais députée, j'étais l'orateur principal pour l'abolition.

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Et là, on ne peut pas savoir ce que ça peut être pour une avocate qui a été devant

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les tribunaux d'exception, qui a entendu requérir des peines de mort tout le temps,

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qui les a entendues prononcer.

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Il y a eu des exécutions d'être là à la tribune de l'Assemblée avec Badinter

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et dire c'est fini.

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Bon ça c'est Gisèle Halimi, quand on dit que c'était pas hyper concluant son expérience en politique,

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en fait on veut dire qu'elle a juste aidé à abolir la peine de mort.

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Mais le cœur de son combat politique, ça a surtout été la parité.

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En interne au PS, il y a déjà des discussions sur ce sujet-là,

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poussées par le secrétariat à l'action féministe du parti.

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Bon y a des discussions, mais ça veut pas dire qu'ils s'y intéressent beaucoup.

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Déjà Mitterrand, c'était pas trop son truc la parité.

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"Peu nombreuses sont les femmes sachant revendiquer utilement."

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François Mitterrand...

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Concrètement, il y a moins de 10% de femmes à tous les échelons du parti,

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qui est contraire au statut du PS.

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Pourtant 10% de femmes, c'est pas si dur à trouver.

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Y'a des tournois de cartes magic avec un meilleur ratio que ça.

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Mais malgré toutes ces difficultés, Gisèle Halimi, c'est quand même la première députée élue sur un programme féministe.

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Mais au PS, on va vite lui faire sentir que ces histoires de féminisme et de parité,

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et ben c'est pas une affaire de femmes.

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À ce propos, y'a une anecdote avec Pierre Joxe qui est racontée dans ce bouquin et qui est assez parlante.

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"Devant le refus répété de Gisèle de prendre sa carte du parti,

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il la prive de parole, efface son nom des propositions de loi,

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comme celle qui prévoyait que les listes de candidats aux élections municipales

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ne puissent pas comporter plus de 75% de personnes du même sexe

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et qui est votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat.

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Mais au journal officiel, l'amendement de Gisèle qu'elle a défendu devant tous

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devient l'amendement Richard.

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Malgré tout, elle n'a jamais pris sa carte au PS.

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De toute façon, le compromis, ce n'était pas trop son truc.

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Alors fun fact, plus tard, elle a été sur la liste de Chevènement aux élections européennes.

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Elle l'a convaincue de mettre en avant la question de la parité.

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C'est vrai, moi, on me parle de féminisme, je pense...

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Jean-Pierre Chevènement.

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Moi aussi.

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Ok, Gisèle Halimi n'était pas politicienne, mais elle était éminemment politique, si on reprend les termes de Ilana Navaro.

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Son militantisme, son action en tant qu'avocate et femme politique, elle l'appuie sur un socle théorique solide.

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Regardez-moi toute cette théorie.

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Mais je ne crois pas qu'il suffise, comme on nous le répète, d'instaurer le socialisme,

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en somme, de changer les rapports de production entre les hommes pour changer les rapports hommes-femmes.

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Je ne crois d'ailleurs même pas que cela suffise pour changer les rapports entre les hommes, mais enfin, ça c'est un autre problème.

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Je pense qu'il y a une libération spécifique de la femme.

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Je pense qu'elle ne peut pas se faire, évidemment,

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en dehors de la libération totale de la femme,

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en dehors d'un bouleversement des structures économiques et sociales du PIB.

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Je pense que cela n'est pas suffisant.

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Alors ça, c'est des débats qui existent encore à gauche aujourd'hui.

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Est-ce que si on enlève le capitalisme, ça va être la fin du racisme et du sexisme ?

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Gisèle Halimi, elle ne pense pas du tout ça.

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Au contraire, elle met toujours un point d'honneur à articuler classe et genre.

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De dire "une femme, c'est une femme",

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Quelle qu'elle soit son niveau social, son appartenance de classe,

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elle est de la même manière opprimée.

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Je trouve que c'est faux, il n'y a pas de femme avec un grand F.

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Je veux dire que la princesse Soraya est une femme,

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mais qui prétendrait qu'elle subit la même oppression que sa femme de ménage.

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C'est un peu absurde.

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Il y a bien sûr le fait qu'elles sont femmes toutes les deux,

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et qu'en tant que telles, il y a cette oppression spécifique dont je parlais.

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Mais vouloir schématiquement tout nouveler, tout amalgamer,

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"Je pense que c'est une erreur."

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Cette façon d'articuler les différentes oppressions, comme la classe et le genre,

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c'est ce qu'on appellerait aujourd'hui l'intersectionnalité.

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Ou comme on dirait dans une conférence animée par Sarah El Haïry et Jean-Michel Blanquer

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en partenariat avec le magazine Franc Tireur, Gisèle Halimi était pleinement wokiste.

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Un résumé des positions de Gisèle Halimi, ça pourrait donner quelque chose comme ça.

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Elle estime qu'il faut prendre en compte toutes les formes d'oppression et leurs spécificités,

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mais qu'il est possible de le faire en obligeant le système dominant à faire face à ces contradictions.

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Et ça, ça résout le paradoxe originel de Gisèle Halimi.

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elle est à la fois victime et admiratrice de la France.

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Après les positions de Gisèle Halimi, elles ont été critiquées notamment par le MLF,

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le mouvement de libération des femmes, qui était très actif dans les années 70

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et qui a participé au combat pour légaliser l'avortement.

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Ouais, effectivement, Gisèle Halimi et son association Choisir et le MLF,

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elles avaient des combats en commun,

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mais elles avaient des méthodes très différentes et elles se tiraient un peu dans les pattes.

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Écoutez comment Halimi, elle parlait du MLF.

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En cela, nous différons fondamentalement de certains extrémistes, gauchistes et spontanéistes.

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Là où le MLF rejetait totalement toute compromission avec le système,

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on a vu qu'au contraire Gisèle Halimi elle assumait d'utiliser les institutions bourgeoises pour faire changer les choses.

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Je suis incontestablement liée à leur lutte.

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Je ne suis pas toujours d'accord sur certains des moyens employés ou certaines des priorités données par exemple.

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Lesquelles par exemple ?

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Quels moyens ?

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Il y a des moyens si vous voulez, je pense que...

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Enfin il y a des moyens qui sont très inventifs et pour lesquels je suis.

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C'est vrai qu'elles ont réinventé un peu la lutte, elles sont sorties des sentiers battus.

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Je ne suis pas, alors les moyens contre lesquels je suis, c'est des moyens pour la loi par exemple sur l'avortement et la contraception,

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puisque la loi est votée au Parlement, puisque le Parlement s'est fait d'hommes, hélas c'est vrai,

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puisque dans le Parlement je crois on ne compte que 8 femmes, et il n'y a rien à attendre d'eux, par conséquent pas de loi.

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Je trouve que c'est ou la politique du pire ou quelquefois d'ailleurs un peu une conduite d'échec.

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Gisèle Halimi explique que lors du procès de Bobigny, le MLF va refuser que des médecins hommes témoignent,

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pensant que les femmes sont en mesure de se défendre par elles-mêmes.

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Finalement, ce sont les accusées elles-mêmes qui vont dire qu'elles ont besoin de ce soutien médical.

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Et dans son livre, Gisèle Halimi relaye leur parole.

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Moi, qui suis une femme du peuple, qui me sens quand même un peu coupable,

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j'ai besoin de voir à la barre les professeurs me dire, à moi qui ne sais rien, que je ne suis pas coupable.

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J'ai besoin en plus de les sentir à mes côtés et me défendre.

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Dire, nous exigeons l'acquittement de cette femme.

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Et là, ce qui est raconté dans le bouquin, c'est que les militantes du MLF ont hué cette prise de parole.

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Cette anecdote, elle illustre bien une des critiques qui était faite par Halimi au MLF.

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Elle estimait que c'était du militantisme bourgeois.

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C'est vrai que le MLF n'a pas de prise dans la classe populaire des femmes.

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Je l'ai vu moi-même, j'ai fait des débats dans des HLM,

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et il y avait une contestation MLF et ce sont les femmes elles-mêmes qui sont venues, qui au prix des efforts inouïs en confiant les enfants

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aux unes, en se les confiant les unes les autres, sont sorties, certaines d'entre elles ont pris la parole pour la première fois en public

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n'ont pas accepté par exemple

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cette thèse et cette pratique du MLF qui est que

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on n'a pas d'orateur, vous savez on ne parle pas, il faut que chacun prenne la parole à tour de rôle, il n'y a pas d'or, il n'y a pas

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Oui, elles ne l'ont pas accepté parce que, je vous le répète, dans la classe des déshérités,

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on a une grande soif et en même temps un grand respect du savoir et de l'information.

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Et ces femmes déshéritées sont venues pour s'informer, elles voulaient savoir ce que

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c'était Bobigny, ce que c'était la contraception, ce que c'était l'avortement, et on leur

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a dit non, on ne veut pas.

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Le MLF était effectivement moins structuré, plus horizontal et rassemblait surtout des

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militantes parisiennes.

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Et de leur côté, les militantes du MLF reprochaient à Gisèle Halimi de vouloir changer les choses de l'intérieur,

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de faire confiance aux institutions, bref, d'être une réformiste.

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Cette accusation de réformisme, c'est d'ailleurs un reproche qui revient encore aujourd'hui.

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C'est ce que raconte dans ce livre Violaine Lucas, la présidente actuelle de Choisir.

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Violaine Lucas se souvient avoir été surprise de découvrir cette image de féministe blanche de Gisèle

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auprès de certaines militantes.

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Quand dans les années 2014-2015, le discours décolonial a émergé dans les milieux féministes,

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Les jeunes venaient me voir en me demandant si Choisir était un mouvement blanc, bourgeois, de luxe.

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Je tombais des nues.

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Bon, on veut pas balancer, mais Violaine Lucas, elle était élue place publique,

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aux côtés de Raphaël Glucksmann.

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Ouais, Glucksmann, c'est un peu le Benoît Hamon de Benoît Hamon.

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Mais bon, de l'ai à dire que Choisir,

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et Gisèle Halimi c'est du féminisme blanc, c'est pas évident.

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Déjà, si le terme décolonial est effectivement récent,

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la lutte contre la colonisation, elle, n'est pas nouvelle.

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Gisèle Halimi, elle a commencé à lutter en tant qu'avocate précisément sur ces sujets-là,

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pour l'indépendance de l'Algérie et de la Tunisie.

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Et le procès en féminisme blanc est d'autant plus périlleux

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que Gisèle Halimi elle-même a subi de l'antisémitisme et du racisme.

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Et oui, on vous l'a dit !

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Gisèle Halimi, à la base, elle n'est pas française, mais tunisienne.

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D'origine française, italienne...

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Tunisienne !

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Tunisienne.

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Et puis, on vous a un peu menti.

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Ouais, Usul n'est pas mort.

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Non, c'est pas ça.

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On vous a menti sur le prénom de Gisèle Halimi.

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Elle s'appelle en réalité Zeïza Taieb.

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Gisèle, c'est une francisation de son deuxième prénom,

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et Halimi, c'est le nom de son ex-mari qu'elle a décidé de garder.

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Et ce n'est pas le seul compromis que Gisèle Halimi a dû faire

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pour se faire accepter en tant que femme, avocate, juive et d'origine tunisienne

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dans la France des années 60 et 70.

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Elle a dû changer sa façon de parler, adapter son langage

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et elle a dû abandonner une partie de son identité pour pouvoir s'intégrer.

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Gisèle va étudier le langage du pouvoir,

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imitant jusqu'à la moindre intonation, jusqu'au moindre geste.

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C'est à ce prix qu'elle pourra manier tout le savoir qu'elle ingurgite

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et vaincre par avance les préjugés de ceux qui la trouvent trop juive ou trop arabe.

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L'histoire de Gisèle Halimi telle qu'elle est racontée dans beaucoup de documentaires ou de biographies

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ou même telle qu'elle la raconte elle-même, ça reste un récit.

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C'est-à-dire que ça occulte certains aspects de sa vie, ça en simplifie d'autres.

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Et ça c'est Modiie qui va nous l'expliquer parce que Modiie tu es venue dans les portraits

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notamment pour nous obliger à faire de la socio.

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C'est ça, contractuellement je suis obligée de vous parler de Pierre Bourdieu.

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Ici ça tombe bien parce que ça a un rapport avec notre sujet.

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Dans un court article de 4 pages intitulé "L'illusion biographique",

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il explique que tout le monde a tendance à simplifier son histoire de vie.

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Pour une raison simple, on explique tout à la lumière de qui on est aujourd'hui.

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Le récit autobiographique s'inspire toujours, au moins pour une part, du souci de donner sens,

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de rendre raison, de dégager une logique, une consistance, en établissant des relations

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entre les états successifs ainsi constitués, en étape d'un développement nécessaire.

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Je comprends rien.

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Bon, on a simplifié, hein.

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Oui, puis j'ai enlevé plein de morceaux de la citation pour que ça soit plus compréhensible.

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Pour que vous compreniez un petit peu mieux, on va vous donner un exemple de cette idée de reconstruction biographique.

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L'exemple le plus parlant avec Gisèle Halimi, c'est son histoire de grève de la faim.

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Dans l'enfance, très franchement, je voulais vivre autrement.

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Je vous dis, je raconte que j'ai fait une grève de la faim, ça s'appelle comme ça aujourd'hui, mais j'avais 12 ans.

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Je savais que quand ma mère m'a dit "tu es là pour servir tes frères" et tout ça, je lui ai dit non, et j'ai dit "je veux mourir".

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Donc j'ai plus voulu me lever, me laver, m'habiller, aller au lycée, ce qui était un crève-coeur parce que j'adorais ça.

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et me nourrir.

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Et donc ça a duré trois jours et ma mère a eu peur, mes parents, parce que comme ma mère pensait que j'avais un grain,

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un petit peu comme elle disait Gisèle,

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j'avais un grain, ils ont cédé.

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Et à ce moment-là j'ai compris, j'ai compris qu'il y avait des forces de résistance

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qui pouvaient anéantir les forces d'oppression.

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Et là on comprend bien que c'est parce qu'elle a accumulé toutes ces années de lutte politique

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qu'elle va analyser par la suite cet acte de rébellion comme son premier acte de désobéissance civile.

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La narration qu'elle construit, elle passe toujours par la mise en scène de son corps,

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avec ses avortements ou son histoire familiale.

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Et il s'agit pas de dire que ce qu'elle dit est faux, c'est pas le cas.

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C'est juste que pour elle, ça sert simplement à donner une cohérence à son histoire.

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Celle d'une femme venue d'un milieu populaire,

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qui a toujours eu un engagement féministe jusque dans sa famille,

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quitte à occulter certaines parties de sa vie.

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Il y a un exemple qui est donné par Ilana Navaro, c'est celui de son frère aîné.

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Vous vous souvenez de l'histoire de son frère aîné ?

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Dans ses ouvrages, elle explique qu'elle a réussi à quitter la Tunisie

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en prenant le prétexte d'aller rechercher son frère,

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qui était rescapé des camps de la mort et qui serait trouvé dans la capitale française.

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Eh ben ça c'est probablement faux.

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C'est le cousin de Gisèle Halimi qui va révéler la véritable histoire de son départ à Paris.

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Elle s'est mariée avant les années 50, à quelqu'un qui s'appelait Raymond Zemmour,

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un magistrat poursuit Lucien Taïeb.

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Elle avait moins de 20 ans et lui une dizaine d'années de plus qu'elle.

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Ils sont allés s'installer en Normandie parce que Raymond Zemmour avait été nommé dans une ville normande.

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Et d'après moi, c'est comme ça qu'elle est allée faire ses études à Paris.

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On comprend très bien pourquoi elle n'a pas voulu raconter cet épisode de sa vie.

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Ça rentre en conflit direct avec le récit qu'elle a construit d'elle-même.

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Elle a d'ailleurs refusé un premier mariage arrangé en Tunisie quand elle n'avait que 15 ans.

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L'image qu'elle construit, c'est celle d'une femme autonome qui a toujours été féministe, sans concession.

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Après, elle doit aussi composer avec l'image que renvoient d'elle les journalistes.

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Le récit médiatique qui est fait de sa vie tourne aussi beaucoup autour de la façon dont elle gère son foyer.

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La cuisine, hé ben j'aime pas ça.

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J'aime pas ça et puis je la fais pas.

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Et d'abord comment pourrais-je la faire ?

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Je n’aurais pas le temps.

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Bon en fait elle leur dit qu'elle aime pas faire la cuisine

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mais il la filme quand même en train de faire à manger.

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En fait la question de sa vie de famille en général,

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elle lui est posée systématiquement.

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Les gens se demandent comment elle a réussi à garder un équilibre entre vie personnelle et militante.

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Entre élever ses enfants et tenir un cabinet d'avocat.

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Et ben elle a pas pu.

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Comme mère, on considérera dans l'éducation traditionnelle qu'elle était plutôt défaillante.

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Absente pendant 10 ans, c'est quand même beaucoup, mais l'environnement culturel,

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politique qu'elle nous offrait était formidable.

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Ça m'a construit.

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En plus, elle a pas forcément été tendre avec ses enfants, comme le raconte Jean-Yves

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pendant l'hommage.

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Bien sûr, nous eûmes des orages.

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Il a pu m'arriver de me montrer froissé.

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C'est une litote.

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De t'entendre regretter publiquement, ad nauseam, de ne pas avoir eu des filles à la place

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de tes trois garçons, on le serait à moins.

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Je n'avais pas cette information à la naissance, car sinon, nouveau-né susceptible, je serais

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peut-être retourné dans le placenta du nôtre.

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Bon lui il est salé, on le comprend très bien.

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Oui mais ça c'est des reproches qu'on a pas évoqués dans d'autres portraits.

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Bon à part celui de Françoise D’Eaubonne peut-être.

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Je me demande quel est le point commun.

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Non mais Gisèle Halimi c'est pas la grand-mère de David Dufresne.

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Non c'est parce que c'est des femmes.

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Ah oui.

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Par exemple, dans un portrait comme celui de Chevènement,

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on dit vite fait que ses parents étaient profs,

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mais on n'essaye pas de construire une cohérence politique

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à partir de son enfance et de sa vie de famille.

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Gisèle Halimi, elle a dû composer toute sa vie avec ça.

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Ce jeu d'équilibriste entre la militante et la mère de famille,

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entre l'avocate et la jeune fille tunisienne,

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entre la juive arabe et l'étudiante à la Sorbonne.

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On demande à cette femme, aux identités et aux combats multiples,

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d'être irréprochable, de tout réussir sans contradiction.

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Pourtant vous avez écouté ce qu'elle a dit, elle n'a pas à être irréprochable,

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elle n'a pas à rougir de ce qu'elle a fait.

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En France, elle a participé à changer deux lois,

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une sur l'avortement et une sur le viol,

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et elle a été impliquée dans deux luttes indépendantistes dans deux pays du Maghreb.

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Alors qu'à ma connaissance, Chevènement, il a participé à la libération de aucun pays.

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Et c'est quand même l'une des rares personnalités politiques de l'époque

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qui réussit à articuler classe, race et genre.

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Elle utilise le droit comme arme politique,

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tout en ayant conscience que les institutions sont dans les mains des dominants.

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Pour elle, la justice est classiste, raciste et sexiste.

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Et l'hommage de Macron, il a un peu dilué ce discours.

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Mais en même temps, ça serait très difficile pour un pouvoir politique

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de lui rendre un hommage complet et fidèle.

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Rien qu'assumer la colonisation et son combat auprès du FLN, c'est pas gagné.

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Rendez-vous compte, le FLN pour l'extrême droite, encore aujourd'hui, c'est des terroristes.

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Cependant, parce que Gisèle Halimi a accepté le jeu des institutions,

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elle reste quand même une figure acceptable pour le pouvoir.

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Et cette question du réformisme, c'est aussi un éternel débat.

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À gauche, on a parlé des critiques que lui faisait le MLF,

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on pourrait lui faire les mêmes aujourd'hui.

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On pourrait se dire que le fait d'être dans les institutions lui a pas permis de changer les choses en profondeur,

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qu'elle a été récupérée à la fin de sa vie, etc.

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Donc oui, Macron lui a rendu hommage, mais ça implique d'adoucir son image et de faire passer à la trappe certaines luttes.

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Si elle était un jour au Panthéon, ça ne pourrait pas se faire sans assumer la torture en Algérie,

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les massacres en Tunisie et les crimes de l'armée française.

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Ou alors si ça se fait, ce serait de l'hypocrisie.

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Mais ça, je ne peux pas y croire. Je ne peux pas croire que ce soit le genre d'Emmanuel Macron.

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Dignité, conscience, indépendance, humanité.

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Et on se retrouve dans un mois pour un nouveau portrait avant les vacances d'été.

play29:59

Et oui, parce que nous on travaille énormément, voilà. La retraite à 60 ans, c'est pas pour nous.

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Et évidemment, on se retrouvera à la rentrée pour une nouvelle saison des Portraits.

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Voilà, et même pendant l'été, Blast a besoin d'argent, donc n'hésitez pas à continuer à donner.

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Comme ça, on peut préparer la rentrée dans de bonnes conditions.

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Gisèle HalimiFéminismeHistoireAvocatDroits des femmesIndépendanceAlgérieTunisieEngagement politiqueJusticeRéformisme
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