Anaïs Henneguelle - Comment construit-on les chiffres ?

Summary

Anaïs Engel, maîtresse de conférences en économie à l'Université de Rennes 2, explore dans son exposé la construction des chiffres à travers la sociologie de la quantification. En s'appuyant sur son ouvrage coécrit avec Arthur Jatteau, elle explique comment les chiffres sont créés et utilisés, notamment dans les domaines économiques et pénitentiaires. Elle aborde la notion de convention d'équivalence et de mesure, tout en soulignant que les chiffres, bien qu'objectifs, montrent seulement une facette de la réalité. Elle examine aussi leur rôle dans la gouvernance, la démocratie et le pouvoir, et leur capacité à orienter le débat public.

Takeaways

• 😀 La quantification est l'étude des activités sociales liées à la construction, l'élaboration et l'utilisation des chiffres.
• 😀 Les chiffres sont construits à travers deux étapes principales : la convention d'équivalence et la mesure.
• 😀 Une convention d'équivalence consiste à définir ce que l'on va quantifier et regrouper des éléments différents sous une même catégorie.
• 😀 Par exemple, les chômeurs peuvent être regroupés, malgré des situations très diverses, comme les chômeurs découragés et les jeunes en attente de premier emploi.
• 😀 La mesure consiste à attribuer des valeurs aux éléments quantifiés, en définissant clairement ce qui fait partie de la catégorie que l'on mesure.
• 😀 Les chiffres sont toujours conventionnels et ne reflètent qu'une facette choisie de la réalité.
• 😀 L'exemple du PIB montre comment certaines activités comme la production domestique sont exclues, alors qu'elles pourraient être incluses.
• 😀 Les chiffres sont perçus comme neutres et incontestables, mais cette perception peut être manipulée pour influencer la prise de décision.
• 😀 La gouvernance par les chiffres repose sur l'utilisation d'indicateurs qui guident les politiques publiques et décisions gouvernementales.
• 😀 Les chiffres peuvent être des instruments de pouvoir, limitant la démocratie en réduisant la discussion collective au profit de décisions basées sur des données quantifiées.
• 😀 La quantification peut être un outil d'émancipation (comme dans le cas du statoactivisme) en mettant en lumière des réalités invisibles, mais elle peut aussi être un instrument d'oppression si mal utilisée.

Q & A

Qu'est-ce que la sociologie de la quantification ?

La sociologie de la quantification est l'étude des activités sociales liées à la construction, l'élaboration et l'utilisation des chiffres. Elle cherche à comprendre comment les chiffres sont créés, utilisés et quelles réalités ils reflètent.

Qui est à l'origine du développement de la sociologie de la quantification en France ?

En France, la sociologie de la quantification a été développée autour de la figure d'Alain des Rosières, statisticien à l'INSEE, qui s'intéressait aux dynamiques de construction des chiffres.

Quels sont les deux grandes étapes de la construction d'un chiffre selon Alain des Rosières ?

Selon Alain des Rosières, la construction d'un chiffre repose sur deux étapes : d'abord, il faut convenir de ce que l'on va quantifier (conventions d'équivalence), puis il faut mesurer (processus de collecte des données).

Que signifie 'convention d'équivalence' dans le contexte de la quantification ?

'Convention d'équivalence' désigne le processus où l'on décide de regrouper des éléments différents dans une même catégorie statistique, en les considérant comme équivalents, même s'ils n'ont pas nécessairement de liens directs.

Pourquoi le PIB exclut-il certaines formes de production, comme la production domestique ?

Le PIB exclut certaines formes de production, comme la production domestique, car selon les conventions statistiques, ces activités ne sont pas considérées comme faisant partie de la 'production' économique mesurée dans le PIB, même si elles ont un impact significatif sur l'économie nationale.

Quel exemple utilise Alain des Rosières pour expliquer les conventions d'équivalence ?

Alain des Rosières utilise l'exemple des chômeurs, en expliquant que des individus ayant des situations très différentes, comme des jeunes en transition entre études et emploi et des chômeurs découragés, peuvent être regroupés sous la même catégorie statistique de 'chômeurs'.

Que signifie 'gouvernance par les chiffres' ?

'Gouvernance par les chiffres' désigne l'utilisation des chiffres comme outils de gestion et de décision dans les politiques publiques. Les chiffres deviennent des instruments qui guident les décisions sans forcément passer par un débat politique profond.

Quels sont les effets des chiffres dans la prise de décision, selon l'exposé ?

Les chiffres, en raison de leur apparente objectivité, sont souvent perçus comme des preuves indiscutables, ce qui peut influencer les décisions politiques et restreindre la discussion démocratique en donnant une illusion de certitude.

Qu'est-ce que le 'statactivisme' ?

Le 'statactivisme' désigne l'utilisation des statistiques pour faire émerger des réalités sociales souvent invisibles, comme dans le cas des morts en détention. Il permet de sensibiliser le public et de stimuler le débat autour de certaines questions sociales.

Les chiffres sont-ils toujours objectifs et neutres selon l'exposé ?

Non, les chiffres ne sont pas toujours objectifs et neutres. Ils sont construits à travers des conventions et peuvent refléter uniquement certaines facettes de la réalité, ce qui les rend partiaux et parfois influencés par des choix politiques ou idéologiques.