Peut-on vraiment quitter sa classe sociale ? | Les idées Larges | ARTE

Summary

Chantal Jaquet explore la notion de 'transclasse', un concept qui désigne les individus passant d'une classe sociale à une autre, souvent contre les déterminismes sociaux. S'appuyant sur les travaux de Pierre Bourdieu et Spinoza, elle montre que ces trajectoires, loin d'être uniquement un signe de réussite, sont souvent marquées par des tensions, des sacrifices et des remises en question identitaires. Elle interroge le mythe de la méritocratie et souligne que l'ascension sociale, bien que possible, est rarement une aventure individuelle. Elle propose de repenser la question en évitant de réduire le débat au seul mérite et en se concentrant sur ceux qui restent en bas de l'échelle.

Takeaways

• 😀 L'ascenseur social en France est souvent perçu comme en panne depuis 40 ans, avec peu de chances pour les enfants d'ouvriers de réussir à atteindre le revenu moyen.
• 😀 Chantal Jaquet, philosophe, a créé le terme 'trans-classe' pour désigner ceux qui réussissent à changer de classe sociale, malgré la difficulté et la rareté de ce phénomène.
• 😀 Le concept de 'trans-classe' remet en question l'idée selon laquelle changer de classe sociale est toujours une ascension positive, si ce changement implique une aliénation ou une perte d'identité.
• 😀 Selon Jaquet, pour que quelqu'un puisse changer de classe sociale, il faut une combinaison de facteurs : une volonté, des opportunités, mais aussi des rencontres décisives et des modèles à suivre.
• 😀 Le sociologue Pierre Bourdieu souligne que les inégalités sociales se reproduisent à travers les générations, et que les enfants d'ouvriers ont moins de chances d'accéder aux grandes écoles et à des carrières influentes.
• 😀 Jaquet critique l'idéologie méritocratique, soulignant que dire 'quand on veut, on peut' masque souvent les conditions sociales et économiques qui limitent les possibilités de réussite.
• 😀 Spinoza, dans la philosophie de Jaquet, offre une vision nuancée de la liberté : la capacité d'agir existe, mais elle est toujours conditionnée par des déterminations sociales et personnelles externes et internes.
• 😀 Le passage d'une classe à l'autre peut être perçu comme une 'expulsion' de son milieu d'origine, comme le montre l'exemple de Julien Sorel dans 'Le Rouge et le Noir' ou celui d'Édouard Louis dans ses récits.
• 😀 La rencontre amoureuse ou l'accès à un modèle social différent peuvent être des leviers puissants pour les individus cherchant à s'extraire de leur classe sociale d'origine.
• 😀 Bien que certains réussissent à changer de classe, ces cas restent rares et ne doivent pas masquer les inégalités qui touchent la majorité des individus, empêchant une mobilité sociale véritable pour les autres.

Q & A

Quel est le concept clé de Chantal Jaquet sur la mobilité sociale ?

Chantal Jaquet introduit le concept de 'transclass', qui désigne les individus qui passent d'une classe sociale à une autre. Ce concept remet en question la vision traditionnelle de l'ascension sociale, en soulignant que ce passage n'est pas uniquement le fruit de la volonté individuelle, mais aussi des opportunités externes.

Pourquoi Chantal Jaquet critique-t-elle la notion d'ascension sociale méritocratique ?

Jaquet critique l'idée d'une ascension sociale méritocratique, car elle considère qu'elle masque souvent les véritables facteurs sociaux et structurels qui influencent le parcours d'un individu. Selon elle, il ne suffit pas de travailler dur pour réussir ; d'autres facteurs, tels que le mentorat et l'exposition à d'autres milieux sociaux, jouent un rôle décisif.

Qu'est-ce que Pierre Bourdieu a observé concernant la mobilité sociale et comment cela influence-t-il le travail de Jaquet ?

Pierre Bourdieu a étudié les déterminismes sociaux et comment les inégalités sont reproduites d'une génération à l'autre, notamment à travers des inégalités dans l'accès à l'éducation. Jaquet s'inspire de ses travaux, mais elle se concentre sur les exceptions, c'est-à-dire les individus qui réussissent à franchir les barrières sociales malgré les obstacles.

En quoi la 'transclasse' est-elle différente de l'idée d'un 'self-made man' ?

La notion de 'transclasse' va à l'encontre de l'idée du 'self-made man', qui suggère qu'une personne peut réussir uniquement par ses propres efforts. Jaquet souligne que les individus qui changent de classe sociale ne le font pas seuls, mais grâce à une combinaison de facteurs externes, comme des rencontres décisives et des opportunités.

Quels sont les facteurs externes qui peuvent favoriser un changement de classe sociale ?

Parmi les facteurs externes qui peuvent favoriser un changement de classe, Jaquet mentionne les rencontres amicales, amoureuses, ou professionnelles qui offrent de nouveaux modèles sociaux et ouvrent des portes vers des opportunités. L'accès à une éducation différente ou un mentorat peuvent aussi jouer un rôle clé.

Quel rôle joue l'amour dans le passage d'une classe sociale à une autre, selon Jaquet ?

L'amour est vu par Jaquet comme un facteur important dans le passage entre classes sociales, car il permet de surmonter les différences sociales. L'exemple de Julien Sorel dans *Le Rouge et le Noir* illustre comment une rencontre amoureuse peut permettre à un individu de franchir les barrières sociales, en apportant un nouveau regard sur soi et en modifiant ses relations sociales.

Pourquoi Chantal Jaquet estime-t-elle que la mobilité sociale peut être vécue comme une forme d'aliénation ?

Jaquet soutient que, si le passage à une classe supérieure peut sembler être une 'ascension', il peut aussi conduire à une forme d'aliénation. Cela se produit lorsqu'un individu adopte aveuglément les valeurs des classes dominantes, ce qui peut l'éloigner de ses racines et de ses origines, créant ainsi un déchirement intérieur.

Quelles tensions les individus 'transclasses' peuvent-ils ressentir dans leur parcours ?

Les individus 'transclasses' peuvent éprouver diverses tensions, telles que la trahison de leurs origines, le déchirement entre leurs anciennes valeurs et celles du nouveau milieu, et la difficulté de se réconcilier avec leur passé. Ces tensions sont particulièrement ressenties par des auteurs comme Annie Ernaux, qui exprime un sentiment de honte par rapport à son origine.

Qu'est-ce que Chantal Jaquet entend par 'puissance d'agir' et comment cela se rapporte-t-il à la liberté et au déterminisme social ?

La 'puissance d'agir' est un concept inspiré de Spinoza, qui se réfère à la capacité d'un individu à agir en fonction de ses déterminations sociales tout en ayant une certaine forme de liberté. Jaquet soutient que cette capacité d'agir n'est pas purement libre, mais toujours influencée par des facteurs externes et internes, ce qui permet de réconcilier les notions de déterminisme et de liberté.

Comment le concept de 'transclasse' aide-t-il à repenser les inégalités sociales ?

Le concept de 'transclasse' permet de repenser les inégalités sociales en montrant que les exceptions (les individus qui changent de classe) ne modifient pas fondamentalement les structures sociales qui maintiennent les inégalités. Jaquet suggère que ces exceptions servent parfois d'alibi pour justifier un système qui continue de reproduire les inégalités, tout en en attribuant la responsabilité aux individus.